LIFE OF CHUCK (THE LIFE OF CHUCK, Mike Flanagan, 2024)

Alors que le monde semble s’effondrer, que les catastrophes naturelles s’enchaînent, qu’Internet est coupé, des panneaux publicitaires remercient un certain Chuck pour ses 39 merveilleuses années passées. Pourtant, personne ne semble connaitre cet homme d’apparence ordinaire…

Au mois de mars 1995 sortait dans l’indifférence générale sur nos écrans Les évadés de Frank Darabont, adaptation d’une nouvelle de Stephen King. 30 ans plus tard, ce flop retentissant est devenu le film le mieux noté de la plateforme IMDb.

Au mois de juin 2025 sortait dans nos cinémas, une nouvelle fois dans l’indifférence globale, Life of Chuck, d’après un court roman de Stephen King. Sans tirer de plan sur la comète, et sans mauvais jeu de mots au regard du sujet du film, fort est à parier que le film de Mike Flanagan gagnera en estime avec les années.

Appartenant aux œuvres de King ne faisant pas directement appel au fantastique, Life of Chuck est sans cesse comparé à Stand by Me. On pourra légitiment lui trouver plus de points communs avec Cœurs Perdus en Atlantide (Hearts in Atlantis, Scott Hicks, 2001), autre adaptation d’une nouvelle de Stephen King s’étant soldée par flop retentissant, et qui n’a malheureusement pas eu droit jusqu’ici à une quelconque réhabilitation jusqu’ici.

Mais revenons au film de Mike Flanagan, réalisateur s’étant déjà par deux fois dans le passé intéressé à l’œuvre de Stephen King (Jessie, roman jugé comme impossible à adapter en 2017 et Docteur Sleep, suite peu convaincante de Shining, en 2019).

Adorant jouer avec les possibilités techniques actuelles (il l’avait déjà brillamment fait dans Ouija : Origins of Evil en poussant le vice jusqu’à ajouter à son film de faux points de repère pour les changements de bobines), Flanagan joue ici avec différents formats d’image en fonction des trois chapitres, situés à des époques différentes, du film.

Si l’astuce fonctionne admirablement au cinéma, elle se fait plus discrète en vidéo. En effet, tandis que le formatage intelligemment modifié de l’ensemble pour le petit écran évite l’effet « boite dans la boite » (comme ce fut le cas pour d’autres métrages utilisant le multi-format, tels que L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux), il fait presque passer inaperçu un subterfuge apportant pourtant concrètement un plus à l’esthétisme de l’œuvre.

Difficile d’en dire plus sur Life of Chuck sans en dire trop. Ajoutons simplement que si toute la promotion du film est axée Tom Hiddleston, le comédien britannique en est l’axe central sans pour autant être omniprésent à l’écran.

Œuvre faisant appel à des notions telles « l’infiniment grand et l’infiniment petit » comme une perception plus que potentielle, parabole universelle sur le sentiment de « déjà vu » et la possibilité de déconsidérer une vanité très ancrée dans nos sociétés occidentales afin de concentrer ses efforts sur des valeurs fondamentales intrinsèques, Life of Chuck réussi avec une simplicité déconcertante tout ce que le très ambitieux Cloud Atlas n’était parvenu qu’à effleurer.

Film qui restera à coup-sûr comme l’un des meilleurs de l’année cinématographique 2025, Life of Chuck mettra peut-être du temps avant d’être considéré comme le métrage essentiel qu’il est. La consécration du film de Mike Flanagan n’attend peut-être que vous pour devenir concrète…

Où voir le film ?

Première publication de l’éditeur Nour Films, le Blu-ray de Life of Chuck est de très bonne tenue et cible l’essentiel. Le making of et les interviews présentées en bonus vous donneront un complément passionnant sur la genèse du film. Les premiers exemplaires du produit contiennent également en cadeau deux goodies papier s’avérant, une fois n’est pas coutume, plus qu’un simple gadgets, des petits objets fort utiles.

LE LOCATAIRE (THE TENANT, Roman Polanski, 1976)

Trelkovsky (Roman Polanski), un homme timide et réservé, s’intéresse à louer un appartement vacant dans un vieil immeuble parisien. Lors de la visite, la concierge (Shelley Winters) lui apprend que Simone Choule, l’ancienne locataire, a tenté de se suicider sans raison apparente en se jetant de la fenêtre de l’appartement. Très tatillons, les divers habitants de l’immeuble tiennent particulièrement au calme et à la respectabilité de l’endroit. Peu à peu, Trelkovsky commence à penser que ses respectables voisins lui veulent du mal…

Dernier volet de la « trilogie des appartements maudits », après Répulsion (1964) et Rosemary’s Baby (1968), Le locataire est aussi celui qui mettra le plus de temps avant d’être considéré comme une pierre angulaire dans la filmographie de Roman Polanski.

Après Londres et New York, le cinéaste installe son ultime intrigue dont l’enfermement est la clé de voute au cœur de Paris. Afin de mieux brouiller les pistes, Polanski attribue les principaux rôles des personnages intempestifs (la concierge, le propriétaire de l’immeuble et la plus influente des locataires) à des comédiens américains sur le déclin. Un peu comme s’il avait voulu raccrocher ce récit terriblement noir à son passé hollywoodien chahuté.

Là où Répulsion et Rosemary’s Baby jouaient sur l’interaction concrète avec l’entourage proche du protagoniste central, Le locataire s’affranchit de cet aspect palpable pour encore mieux surprendre le spectateur. Délestant le côté clairement conspiratoire du roman de Roland Topor dont il s’inspire le présent film (rendant chaque confrontation entre Trelkovsky et ses voisins possiblement fantasmagorique), Polanski laisse malgré tout à chaque instant planer le doute. Un peu comme si le réalisateur avait mis en chantier Le locataire dans l’unique but de satisfaire les aficionados de Rosemary’s Baby qui auraient (à juste titre peut-être) regretté que le dénouement de ce film référence, où l’horreur est à chaque instant suggérée via son incrustation dans un banal quotidien contemporain, soit justement trop explicite et concret.

Certes, il y a fort à parier que Trelkovsky ne soit qu’un schizophrène imprégné par le lourd passé de l’endroit qu’il habite. Mais pourquoi dès lors ce jeune exilé, qui a sans doute tout comme Polanski subi les affres d’un douloureux passé (l’incarnation du personnage par le cinéaste n’a évidemment rien d’un hasard), s’acharne-t-il à vouloir à tout prix rester dans son appartement, alors que sa clairvoyance paranoïaque l’invite à fuir au pas de course ?

Se terminant par une courte séquence remettant en cause l’intégralité des certitudes que le spectateur s’est peu à peu forgées, Le locataire ouvre soudainement une autre porte. Une autre réalité parallèle potentielle, qui offre d’un coup au récit une possible dimension surnaturelle, jusque-là volontairement écartée par Polanski. Une ultime manière sans doute d’encore plus déstabiliser l’audience. Et ça marche !

Prémisse totalement réussie (et ce malgré le fait que Roman Polanski considère Le locataire comme « une expérience ratée mais intéressante ») de tout ce que David Lynch s’acharnera à mettre en place dans sa filmographie, Le locataire est définitivement l’œuvre la plus sous-estimée de son réalisateur. La pièce maitresse d’un puzzle où chaque élément afficherait un traumatisme de Polanski, cinéaste aujourd’hui à juste titre sujet à controverse, mais dont la parcours filmique n’aurait sans doute pas été aussi passionnant si l’homme avait connu une destinée « normale »…

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Le locataire est vraiment le film de grand studio de Roman Polanski qui fut le plus mal représenté sur support domestique pendant de nombreuses années. En effet, mis à part un DVD américain et un homologue français tardif nanti d’un riche livret, rien au catalogue de la Paramount, détentrice des droits au niveau mondial.

Le film fait son apparition aux Etats-Unis en Blu-ray sous l’effigie de Shout Factory en 2020 avec une VF. Problème : le disque est bloqué en « Region A ». Donc à moins d’être munis d’un lecteur américain, impossible de le lire chez nous. Ceci sans parler du fait que la compression du master utilisé y était calamiteuse.

Le film ressortait chez Vinegar Syndrome fin 2024 en combo UHD 4K + Blu-ray. Si le master est cette fois-ci parfait et le coffret limité très beau (présentant une fausse fenêtre aimantée laissant apparaitre le visage de Polanski une fois ouvert), le Blu-ray est toujours verrouillé uniquement pour les lecteurs US.

Par chance, nous pouvons aujourd’hui compter sur la bienveillance de l’éditeur Carlotta, toujours attentif à fournir à ses clients des produits de haut vol. On conseillera en priorité le coffret « Edition Prestige limitée », regroupant à la fois la version UHD et Blu-ray du film. Une bonne partie des bonus des éditions ricaines est reprise et d’autres exclusifs font leur apparition, avec en bonus des goodies très sympathique (affiche, jeu de photo, reproduction du dossier de presse original).

Attention : cette mouture, limitée à 2000 exemplaires, est déjà en rupture de stock à peu près partout. En se dépêchant, il est toutefois possible d’en dénicher un exemplaire via les deux sites de vente helvétiques principaux en matière de support physique. Mais ne tardez pas trop….

LE MYSTERE ANDROMEDE (THE ANDROMEDA STRAIN, Robert Wise, 1971)

Isolée dans une base secrète, une équipe de scientifiques étudie un virus extraterrestre ayant décimé en quelques heures un village reculé. Seuls, deux habitants ont mystérieusement survécu : un bébé et un vieillard. Il ne reste que quelques jours pour trouver un moyen de supprimer ce virus avant qu’il ne risque de se propager à la surface du globe…

1968 : la sortie sur les écrans de 2001, l’odyssée de l’espace, bouleverse à tout jamais la stratosphère cinéma grâce à un réalisme et un visuel jamais vus auparavant. Dès lors, plusieurs productions vont s’engouffrer dans la brèche ouverte par Stanley Kubrick en produisant toute une série de métrages de science-fiction à connotations philosophiques, écologiques ou potentiellement catastrophistes, restés dans l’histoire du cinéma.

Adaptation du premier roman que le jeune Michael Crichton signe de son nom, Le mystère Andromède réussi l’incroyable pari de rester proche d’une réalité biologique. En effet, si l’hypothétique virus extraterrestre présenté dans le roman relève heureusement du pur fantasme, ses conséquences sur l’homme peuvent tout à fait être étayables du point de vue biochimique. Preuve que le passé de médecin de Crichton aura nourri son œuvre au point de la rendre des plus crédibles.

A l’époque du tournage, Robert Wise est un cinéaste approchant la soixantaine. Tout porterait à croire qu’il n’est donc pas l’homme de la situation. Au vu du résultat final, on est époustouflé par le côté novateur de la mise en image du Mystère Andromède. Cherchant également à coller au mieux à un récit qui se veut le plus réaliste possible, Wise prend près de 40 minutes pour nous immerger, tels les protagonistes de cette aventure, au cœur d’un laboratoire ultra-sécurisé de toute part, tant du point de vue « secret défense » que de son aspect parfaitement hermétique.

Film « claustrophobesque » à souhait, The Andromeda Strain reste un véritable cas d’école. En effet, jamais depuis dans l’histoire du cinéma, un film n’aura autant réussi à tenir en haleine le spectateur sans autre artifice que le décor d’un laboratoire ultracontrôlé situé à des centaines de mètres sous terre.

Soutenu par les effets visuels de Douglas Trumbull, déjà responsable de ceux de 2001, et par une bande originale très novatrice de Gil Mellé, compositeur généralement cantonné à la télévision qui ouvre ici une brèche pour tous les futurs compositeurs de thrillers paranoïaques 70s (Michael Small, David Shire…), Le mystère Andromède reste, au vu de sa thématique et plus de 50 ans après sa sortie, une œuvre effroyablement intemporelle.

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Le mystère Andromède est disponible en Blu-ray et DVD chez BQHL.