LES RITES SEXUELS DU DIABLE (LOS RITOS SEXUALES DEL DIABLO, José Ramon Larraz, 1982)

Après la mort brutale de son frère, Carol (Vanessa Hidalgo) se rend en Angleterre chez sa belle-sœur Fiona (Helga Liné) avec son fiancé. Rapidement, elle découvre que cette dernière s’adonne à des pratiques de messes noires au sein d’une secte d’adorateurs du Diable…

Avec un titre pareillement racoleur, il y avait de quoi se méfier. Mais lorsqu’on s’aperçu que cette curieuse bobine espagnole, datant du début des années 1980, était paru sous la houlette d’Artus Films, l’envie de faire confiance à cet éditeur a le ligne éditoriale digne d’un parfait équilibriste passa au-dessus d’un quelconque a priori.

Premier constat : le travail d’équilibriste, consistant à mélanger les genres sans que la chose ne paraisse saugrenue, est autant applicable à Artus qu’au cinéaste José Ramon Larraz (Vampyres), tant le mix entre un érotisme graphique évident et une ambiance horrifique contemporaine, typique du cinéma ibérique de genre de l’époque, fait ici bon ménage.

De là à dire que Les rites sexuels du Diable est un cas d’école, il n’y a qu’un petit pas. On a beau chercher d’autre exemple de métrages ayant su surfer avec succès entre deux styles propres au cinéma bis, il semble en effet difficile de trouver plus représentatif que ce film de Larraz, pourtant considéré très injustement comme l’un de ses plus mauvais.

Restant encore à ce jour le seul réalisateur ayant une œuvre exclusivement destinée aux cinémas de quartier, mais dont un film s’est retrouvé en lice pour la Palme d’Or (Symptoms, 1974), Larraz parvient, au même titre que le britannique Pete Walker (dont Flagellations et Mortelles confessions, deux des meilleures bobines, sont également sortis chez Artus), à créer une ambiance hautement anxiogène avec peu de chose et des moyens ultra-réduits.

Tandis que toute l’intelligentsia culturelle sacralise l’exhumation miraculeuse du pourtant très moyen The Appointment de Lindsey C. Vickers (1981), la sortie du présent film de Larraz risque malheureusement de passer inaperçue en dehors du petit cercle d’aficionados d’un cinéma de genre qui parfois, comme ici, parvient à être plus qu’un simple produit d’exploitation périssable. A découvrir donc sans préjugé.

Où voir le film ?

Disponible en combo Blu-ray+DVD chez Artus Films. Présentant quelques défauts, la pellicule utilisée pour le transfert reste de très bonne tenue, avec un très bon rendu de la photographie originelle, donnant au film un aspect très 70s.

LA FURIE DES VAMPIRES (LA NOCHE DE WALPURGIS, Leon Klimovsky, 1971)

Elvire (Gaby Fuchs) et Geneviève (Barbara Capell), deux étudiantes en sciences occultes, sont à la recherche du tombeau de la comtesse Wandessa, personnage historique suspecté de vampirisme. Égarées en pleine campagne dans le nord de la France, elles sont accueillies dans la demeure isolée du comte Waldemar Daninsky (Paul Naschy), condamné à se transformer en loup-garou la pleine lune venue depuis qu’il a été lui-même mordu.

Avec son physique à mi-chemin entre Marlon Brando et John Belushi, l’ex-catcheur Jacinto Molina n’avait aucune raison apparente de devenir le comédien Paul Naschy, figure incontournable du cinéma bis espagnol bien décomplexé malgré l’inquisition franquiste.

Indissociable du personnage de Waldemar Daninsky, qu’il incarnera à l’écran une douzaine de fois dans des films à la qualité toute variable, Naschy parviendra malgré tout à garder une identité propre, notamment via ses activités « multi-casquettes » durant toute sa carrière.

Troisième film consacré au comte « lougarisé », La furie des vampires est clairement une des meilleures cuvées de la longue série. Aussi l’un des seuls ou le terme « vampire » n’est pas usurpé, puisqu’il en est clairement question ici. Problème : l’accessoiriste semble avoir oublié qu’une créature de la nuit est sensée, par définition, avoir les dents pointues à la hauteur de canines et non des incisives latérales. Un détail certes anodin, mais qui a malheureusement tendance à rendre risible toutes les apparitions de vampires dans le métrage.

Outre ce petit problème, tout ici fonctionne à merveille. C’est d’autant plus étonnant car la restriction évidente de moyens oblige le réalisateur Leon Klimovsky à faire passer la campagne espagnole pour le nord de la France et à concentrer ses efforts sur une micro-poignée de personnages, forcément omniprésents à l’écran. Or, tout ce qui devrait en toute logique faire cheap rend justement le métrage hautement attachant, et surtout sans le moindre temps mort.

La musique du film est signée par Anton Garcia Abril, compositeur classique contemporain, qui dirige ici une partition ultra-inspirée, très dans l’air du temps, tout en se refusant à la facilité. Évoquant de manière évidente le travail du tandem germanique Manfred Hübler/Siegfried Schwab pour Jess Franco (Vampyros Lesbos, Crimes dans l’extase, Le diable vint d’Akasava), Abril s’amuse comme un fou à tester maints instruments pour sublimer sa partition, encore et toujours inédite sur disque (comme la majeure partie de son travail pour le cinéma).

5e film de la « saga Daninsky », L’empreinte de Dracula (1973) est généralement associé au présent film, le métrage appartenant aux mêmes ayant droit. Il ne serait guère étonnant de voir cet autre excellent volet de la franchise du plus célèbre loup-garou ibérique débouler chez Rimini dans les mois à venir.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini en combo Blu-ray+DVD, accompagné du désormais traditionnel livret de Marc Toulec, ainsi que de très bon bonus.

En premier lieu, on trouvera 2 versions du films (celle d’exploitation d’époque et une plus longue), ainsi qu’un très informatif documentaire – avec une mise en scène rigolote – dans laquelle l’érudit Laurent Aknin revient de manière passionnée sur Paul Naschy et son récurrent personnage de Waldemar Daninsky.

REVES SANGLANTS (THE SENDER, Roger Christian, 1982)

Un adolescent amnésique (Zeljko Ivanek) est admis dans un hôpital psychiatrique après une tentative de suicide. Ce dernier semble posséder un curieux pouvoir : celui de transmettre ses rêves et cauchemars à d’autres personnes…

Ce film-là était l’un de ceux apparu dans nos vidéoclubs au moment de leur démocratisation. Totalement disparu des radars éditoriaux depuis cette époque bénie, où les ados que nous étions ne manquions jamais une occasion de nous attarder longuement au rayon « horreur », Rêves sanglants se voit enfin édité dans nos contrées et pourra donc rejoindre La vallée de la mort et En plein cauchemar (sortis il y a quelque temps chez Elephant Films) sur vos étagères.

Le réalisateur Roger Christian est un artisan resté dans certaines mémoires pour deux faits « mémorables ». Tout d’abord pour sa collaboration sur La guerre des étoiles et Alien, le 8e passager comme chef décorateur. Ensuite et surtout – mais pas dans le bon sens du terme – pour Battlefield Earth, nanar intersidéral basé sur un roman de Ron Hobbard, père fondateur de l’Église de Scientologie. L’exhumation de The Sender remet donc les pendules à l’heure concernant le cinéaste britannique, qui avait plutôt bien commencé sa carrière en décrochant par deux fois un Oscar.

Surfant à l’évidence sur les succès d’estime tels que Patrick de Richard Franklin ou Scanners de David Cronenberg, Rêves sanglants exploite le filon d’une horreur parapsychologique via un personnage dont la vie est un véritable enfer, car incapable de dompter son don, ou plutôt la malédiction dont il est victime depuis sa naissance.

Partageant certains éléments avec le formidable film de Sydney J. Furie L’Emprise (The Entity) sorti la même année, anticipant de manière claire Charlie (Firestarter, Mark L. Lester, 1984), The Sender est une œuvre suffisamment singulière dans l’histoire du film de genre pour séduire le spectateur à la recherche de petites perles rares.

Mentionnons encore la présence au générique de Shirley Knight, comédienne ayant connu un brillant début de carrière (Doux oiseau de jeunesse de Richard Brooks, Le groupe de Sidney Lumet), et qui se retrouvera ensuite reléguée à des prestations de second ordre. Un peu de la même manière que Zeljko Ivanek, sur lequel repose le présent film, devenu entretemps un second rôle récurrent du cinéma et de la télévision américaine.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » en coffret limité Blu-ray+DVD de l’éditeur Rimini, avec pour seul bonus une très originale bande annonce, mais avec le désormais traditionnel livret de Marc Toullec.

Le master – le même utilisé pour toutes les éditions disponibles à travers le globe – affiche quelques signes d’ancienneté (tâches et scratches de pellicule, définition et colorimétrie paraissant dater du début de l’ère HD). Ceci ne gâche heureusement en rien le visionnage de cette rareté et lui donne même une petite patine vintage pas déplaisante.

LA TOUR DU DIABLE (TOWER OF EVIL, Jim O’Connolly, 1972)

Accostant Snape Island, un îlot au large de l’Écosse, deux pêcheurs découvrent les corps de trois jeunes gens sauvagement assassinés. L’unique survivante, dans un état second, tue l’un des hommes de la mer. Admise dans un hôpital, la jeune femme va raconter ce qu’elle a vu. Peu après, des archéologues accompagnés d’un détective, débarquent à la recherche de la tombe d’un roi phénicien…

La sortie d’un petit film horrifique britannique des années 1970 est toujours un micro-événement pour les amateurs du genre. Ayant bien compris l’attrait de ces sympathiques bobines, l’éditeur Rimini ne manque jamais une occasion de publier un titre intéressant via sa collection « Angoisse ».

Sur le papier, La tour du Diable vend du rêve. En réalité, c’est autre chose qui se profile sur nos écrans, mais non moins sympathique. Plus proche d’un épisode de Chapeau Melon et Bottes de Cuir que d’un film de Pete Watkins, cette bobine de Jim O’Connolly, honnête artisan surtout resté dans les esprits pour La vallée de Gwangi (1969), ne vous donnera point de cauchemars, mais représente une formidable séance de Swinging London décalée.

Empruntant au passage d’évidents éléments aux Dix petits indiens d’Agatha Christie, Tower of Evil est sans l’ombre d’un doute un film dont Joe D’Amato c’est largement servi lors de l’écriture du très surestimé Anthropophagus (1980), tant le décorum et le canevas scénaristique sont identiques.

Osons au passage avouer notre plaisir à peine coupable de voir une bande de pseudo-archéologues (on reconnaitra au passage Anna Palk, avant tout restée dans les mémoires pour son passage en tant que « Persuaders girl » dans l’excellent épisode Le complot de la série Amicalement vôtre), à la fois capables de garder leurs chemises à jabot et autre paletots en feutrine colorés impeccables dans une endroit peu reluisant, et d’être suffisamment démerdes pour apprêter un sublime roastbeef pour le dîner, sans doute concocté dans le cuisine portative de Brett Sinclair…

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini. Comme les autres titres, celui-ci est présenté sous la forme d’un luxueux coffret cartonné contenant le Blu-ray et le DVD du film, ainsi qu’un livret signé par Marc Toullec, l’homme qui écrit plus vite que son ombre…

La bonne entente entre les éditeurs, toujours bienvenue, permet à cette édition de récupérer la présentation du film par Eric Peretti, produite en 2016 pour la précédente édition DVD parue chez nos amis d’Artus Films.

Coffret « TERREUR IBERIQUE »

Très bonne initiative de l’éditeur Carlotta avec le coffret Terreur ibérique, regroupant deux films de genre horrifique espagnol des années 1970 : Une bougie pour le Diable (Eugenio Martin, 1973) et Poupée de sang (Carlos Puerto, 1977).

Le métrage d’Eugenio Martin se distingue particulièrement via un traitement original du thriller avec la confrontation entre un traditionalisme villageois chaste et une forme de libéralisme citadin en pleine période franquiste. Porté par Judy Geeson, comédienne britannique habituée au œuvres flippantes (L’étrangleur de Rellington Place, Doomwatch, Sueur froide dans la nuit), le film doit surtout beaucoup aux prestations d’Aurora Bautista et d’Esperanza Roy dans les rôles de deux sœurs aubergistes enfermées dans une forme de puritanisme castrateur.

Plus foutraque, Poupée de sang a pourtant un arc narratif de départ ultra efficace (un couple, dont l’homme s’annonce auprès d’un autre comme un ancien camarade de classe oublié), mais le développement devient, au fur et à mesure des minutes, de plus en plus confus, le tout assujetti d’une toile de fond casse-gueule, le film se déroulant entièrement dans une maison. Ceci ne rend heureusement pas cette rareté risible ou ennuyeuse. Juste un peu bancale, surtout si l’on regarde le film en VF, cette dernière ayant à l’évidence été produite dix ans après la sortie du métrage.

Formant un double-programme assez idéal, Terreur ibérique pourrait facilement se décliner en plusieurs volumes ou, encore mieux, surfer de la même manière avec d’autres territoires européens ayant produit jadis de précieuses œuvres de genre. Terreur transalpine, Terreur germanique, Terreur britannique… Pourquoi pas même Terreur hexagonale ? Ce n’est pas le choix qui manque…

Où voir ces films ?

Terreur ibérique (Coffret 2 Blu-rays) est disponible chez Carlotta.

HERETIC (Scott Beck/Bryan Woods, 2024)

Depuis quelques années, deux studios indépendants américains se chamaillent afin de savoir lequel sera celui détenant la Palme d’un renouveau au registre horrifique. Tandis que Blumhouse se coltine encore et toujours la réputation d’être avant tout à l’origine de films pour adolescents produits à la chaine, A24 reste, on-ne-sait trop par quel miracle, celui dont la réputation semble inébranlable, et ce malgré plusieurs faux pas.

On en oublierait presque que Blumhouse est à l’origine de métrages aussi réjouissants que Sinister de Scott Derrickson, Get Out de Jordan Peele ou BlacKkKlansman de Spike Lee. De son côté, A24 brouille les cartes en ne se contentant pas uniquement de produire des métrages classés au registre horrifique. Astuce permettant à la société de maintenir, du moins sur le papier, une sorte d’aura uniquement constitué de pièces maitresses.

Sorti il y a quelques semaines sur sol américain, Heretic, dernière production de genre labellisée A24, arrive sur le Vieux Continent après avoir cassé la baraque aux Etats-Unis. On était donc très curieux de constater du résultat de ce premier long métrage signé par Scott Beck et Bryan Woods, tandem ayant réussi à se démarquer grâce à l’imparable scénario de Sans un bruit (A Quiet Place, John Krasinski, 2018), assurément le film horrifique le plus original et efficace de ces dernières années.

La première heure de Heretic laisse d’ailleurs sans voix, tant tout y est réglé comme du papier à musique. Introduction réduite au minimum, propulsant dès les premières minutes deux jeunes missionnaires mormones (Chloe East et Sophie Thatcher, toutes deux formidables) à la porte de Monsieur Reed (étonnant Hugh Grant), un homme peut-être bien moins agréable qu’il n’y parait.

Pendant près de 60 minutes, le métrage ne fait appel à aucun autre artifice qu’une pièce boisée dans laquelle trois personnages vont se livrer à une joute verbale digne d’un concours d’éloquence. Bien moins naïf qu’il n’y parait, Reed se joue des deux jeunes convaincues afin d’ébranler leurs croyances à priori infaillibles. Ceci en laissant monter, lentement mais sûrement, une tension ultra malaisante.

Et puis patatras : plutôt que de continuer sur ce formidable postulat, laissant réellement entrevoir le meilleur film d’horreur de ces 10 dernières années, Heretic se vautre sur sa deuxième moitié dans un dédales de situations aussi grotesques que poussives. D’un homme extrêmement habile et patient, Mister Reed devient un vulgaire boogeyman n’ayant plus aucune limite.

Jamais un film de genre de nous avait laissé un tel sentiment partagé avec, d’un côté, une première partie digne d’un essai que l’on pourrait facilement montrer à des étudiants en cinéma, et une seconde qui rebutera sans doute même les afficionados de Saw et autre métrage porn-gore. Peut-être est-il possible d’acheter une demi-place de cinéma et de quitter la salle à l’entracte ?

Texte originellement publié dans la presse romande en novembre 2024.

Où voir le film ?

Heretic est disponible en Blu-ray et DVD chez Le Pacte (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment AG)

LA MALEDICTION DE LA VEUVE NOIRE (CURSE OF THE BLACK WIDOW, Dan Curtis, 1977)

Suite au décès de son ami Frank Chatham dans d’étranges circonstances alors qu’il tentait de venir en aide à une mystérieuse inconnue, Mark Higbie (Tony Franciosa), un détective privé, décide de mener sa propre enquête. Il découvre que Frank fréquentait Leigh Lockwood (Donna Mills), une jeune et jolie veuve, dont la discrète sœur jumelle Laura (Patty Duke Austin) présente un passé bien énigmatique…

Parmi les téléfilms ayant traumatisé une génération de téléspectateurs francophones (car diffusés à une heure de grande écoute), deux cas précis sont restés dans les mémoires : Le triangle du Diable (Satan’s Triangle, 1975) de Sutton Roley et La malédiction de la veuve noire de Dan Curtis. Pas étonnant dès lors que cette œuvre destinée au petit écran ait été reprise au Film de minuit quelques années après sa diffusion sur les chaînes françaises.

Réalisé et produit par Curtis, véritable visionnaire du petit écran responsable d’une poignée de purs chefs-d’œuvre, La malédiction de la veuve noire reprend tous les éléments chers au cinéaste. Ainsi, le fantastique n’est qu’un élément véhiculant une intrigue policière, le tout placé dans un univers contemporain. Comme dans la plupart des précédents téléfilms produits et/ou réalisés par Curtis et dont l’intrigue aborde le surnaturel (The Night Stalker, The Night Strangler, The Norliss Tapes, Scream of the Wolf, Trilogy of Terror), Curse of the Black Widow conserve une belle ambiance typique de la télévision américaine des années 1970, le tout contrebalancé par une pincée d’humour noir.

C’est au niveau du développement de l’intrigue que cette Malédiction pêche quelque peu. Lorgnant autant du côté de Jacques Tourneur (La féline, 1942) que de Robert Aldrich (Mais qu’avez-vous fait à Baby Jane ?, 1962) tout en plagiant quasi ouvertement le partie centrale de Trilogy of Terror, le scénario de Robert Blees (Crapauds, Le retour de l’abominable docteur Phibes) finit par se perdre à force de ne pas prendre parti.

Moins percutant que les autres ouvrages de Dan Curtis scénarisés par Richard Matheson (L’homme qui rétrécit, Le survivant), La malédiction de la veuve noire reste un excellent moment de télévision américaine issu d’une époque aujourd’hui révolue, où l’audace marchait de concert avec une forme noble de traditionalisme.

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Sorti dernièrement en DVD chez LCJ dans la collection Les téléfilms cultes de votre jeunesse (avec une belle faute d’orthographe, « culte » étant un mot invariable), cette exhumation est une semi-bénédiction. Si la master utilisé affiche des signes évidents de vieillesse, on est surtout déçu que le DVD ne propose qu’une version française.

28 JOURS PLUS TARD (28 DAYS LATER, Danny Boyle, 2003)

A Londres, dans un avenir proche, un commando de la Protection Animale fait irruption dans un laboratoire top secret. Malgré les mises en garde du personnel de l’institut, les défenseurs de la nature libèrent des dizaines de chimpanzés porteurs d’un virus mortel…

28 jours plus tard, Jim (Cillian Murphy), un coursier qui a subi un accident grave, sort du coma dans un hôpital déserté. Ne comprenant rien à la situation, il décide d’arpenter la capitale anglaise sinistrée, qui ressemble désormais à une zone dévastée par une catastrophe nucléaire. Après plusieurs heures, Jim fini par tomber sur Selena, Frank et Hannah, trois rescapés, qui lui explique la situation : durant son long sommeil, le pays a bel et bien été dévasté par un virus extrêmement contagieux, capable de terrasser une personne adulte en quelque secondes et de le plonger dans un état de rage psychotique intense. Ne sachant plus que faire, les quatre survivants tentent de se diriger vers Manchester, où une troupe de soldats élitaires ont mis en place une zone sécurisée pour les rescapés…

Après l’échec cuisant de son film La Plage, on ne donnait pas cher de la peau du réalisateur Danny Boyle. Pourtant, ce metteur en scène britannique, déjà auteur de longs-métrages aussi intéressants que Petits Meurtres entre Amis, Trainspotting et Une Vie moins ordinaire, revient en force avec 28 Jours Plus Tard, petit film d’horreur privilégiant une atmosphère oppressante à des effets spéciaux high-tech. Autant un hommage à des longs-métrages de science-fiction anticipatoires des années 70 (tel que The Omega Man de Boris Sagal, auquel le présent film fait référence) qu’aux œuvres de zombies de l’américain George Romero, 28 Jours Plus Tard marque un des moments forts de cette année cinématographique.

Danny Boyle a tourné 28 Jours Plus Tard à l’aide de caméras numériques, rendant ainsi son récit plus crédible. A la limite de l’image documentaire, sa mise en scène créer un climat de terreur dont le spectateur ne sortira pas indemne. Tout comme ce fut le cas pour ses deux premiers longs-métrages, Boyle brouille les pistes en route, faisant basculer son film dans une sorte de cataclysme humain, dont l’intensité n’est pas sans rappeler celle de Délivrance de John Boorman. En plus d’être le film le plus original de l’année, 28 Jours Plus Tard est également le meilleur de son metteur en scène. A voir absolument, à condition de ne pas avoir l’âme sensible…

Texte originellement publié dans la presse romande en août 2003.

Où voir le film ?

Tourné à l’aide de caméras mini-DV mais sans avoir recours à la HD, 28 jours plus tard est donc, dans une certaine mesure, un film perdu car ne répondant pas aux critères techniques actuels. Inutile donc de tenter dénicher le métrage dans un format Blu-ray ou, encore plus absurde, en 4K. Un bon vieux DVD déniché dans une solderie fera très bien l’affaire (surtout qu’il s’agit actuellement de la seule possibilité de visionner le film avec une cadence de défilement correcte (le film de Danny Boyle a été tournée en 25 images/seconde).

L’AVION DE L’APOCALYPSE (INCUBO SULLA CITTA CONTAMINATA, Umberto Lenzi, 1980)

Un avion sans la moindre identification se pose sur un aéroport militaire en bordure de grande ville. En sort une horde de créatures incontrôlables, prêtes à tout pour décimer tout être humain sur son passage. Un journaliste va tenter de retrouver sa femme au milieu de la panique générale…

Alors que 28 ans plus tard de Danny Boyle débarque en salle, il est assez rigolo de se replonger dans une œuvre du passé abordant une thématique très similaire, mais qu’appartenant clairement au cinéma bis.

Réalisateur ultra-prolifique n’ayant que très rarement fait dans la dentelle, Umberto Lenzi signe L’avion de l’Apocalypse juste avant Cannibal Ferox, sans doute son métrage le plus outrancier. On est donc presque étonné de découvrir un film à l’horreur graphique si ce n’est discrète, au moins ne jouant pas la carte de la surenchère.

A mi-chemin entre le film de zombie et le métrage épidémique, cet Avion de l’Apocalypse se distingue d’autres productions du genre via un jeu de massacre assez édifiant au niveau des victimes. Inutile donc de vous attacher à un personnage, dans la mesure où ce dernier a toutes les chances de finir en charpie quelques secondes plus tard.

Une originalité qui finit aussi par devenir le point faible du film, dans la mesure où l’acteur sur lequel repose réellement film (Hugo Stiglitz, comédien mexicain imposé par la co-production), sorte de sosie mal dégrossi d’Adrian Gurvitz, ressemble davantage à un PNJ dans un porno 70s qu’à une personne sur laquelle il est possible de compter pour autre-chose que l’ouverture d’une boîte de raviolis.

Heureusement, le rythme ultra-soutenu de l’ensemble et un final plutôt original pour un ouvrage clairement destiné à remplir les salles de quartier permet au film de se distinguer de la masse. Un bon moment de cinoche certes un peu crétin, mais suffisamment jouissif pour qu’on n’y résiste pas.

Où voir le film ?

L’avion de l’Apocalypse est sorti voilà quelques mois chez Artus Films (Blu-ray + DVD) et reste à ce jour disponible. Un module vidéo de contextualisation, mené par Emmanuel Le Gagne et Sébastien Gayraud, vous apportera maintes informations passionnées. Niveau lecture, l’incontournable David Didelot, pape du bis sous toutes ces formes, signe le luxueux livret (bourré d’infos et de sympathiques photos) qui accompagne le coffret.

LA NUIT DES MALEFICES (BLOOD ON SATAN’S CLAW, Piers Haggard, 1971)

Angleterre, XVIIIe Siècle. Dans un petit village, un jeune homme affirme avoir vu le Diable sous la forme d’un crâne humain déformé et recouvert d’une étrange fourrure. Tandis que le juge du comté n’y prête guère d’attention, des événements étranges commencent à se produire…

Après une grosse décennie placée sous le signe de réussites constantes, tant artistiques que commerciales, le film d’épouvante à connotation gothique européen est à la traine au début des Seventies. En cause une forme de renouveau débarquée récemment sur le Nouveau Continent, faite d’une horreur plus politisée et clairement contemporaine, arrivée en 1968 avec George A. Romero et sa Nuit des Morts-Vivants.

Malgré le fait que la Hammer peine à se renouveler, deux autres firmes indépendantes, spécialisées dans le cinéma horrifique, voient le jour en Angleterre durant les années 1960 : d’un côté la Amicus, qui se distinguera rapidement en ne produisant quasi-exclusivement que des films à sketches, de l’autres la Tigon, studio dont est issu La Nuit des Maléfices qui nous intéresse.

Tourné avec trois bouts de ficelles (l’essentiel du décor du film est un sous-bois de quelques mètres carrés), le film de Piers Haggard, bon « faiseur » n’ayant pas eu la même carrière que Freddie Francis, Don Sharp ou Roy Ward Baker, fut jadis produit suite aux succès du Grand inquisiteur (Michael Reeves, 1968) et La marque du Diable (Michael Armstrong, 1970). La comparaison se limite pourtant à peu de choses, puisque nous ne sommes point ici dans un récit de chasse aux sorcières, mais plutôt dans ce qu’il est devenu de bon ton de labelliser au registre « folk horror ».

Partant un peu dans tous les sens sans jamais vraiment approfondir une idée (le film en regorge pourtant), cette Nuit des maléfices (transcription de titre française – comme souvent – hasardeuse, l’appellation originale pouvant se traduire par Du sang sur la griffe de Satan) n’en demeure pas moins très intéressante, ne serait-ce que pour voir l’influence que le métrage a eu sur d’autres ultérieurs (fort est à parier que Ari Aster connaissait très bien le film de Piers Haggard au moment de l’écriture de Midsommar).

Reposant essentiellement les épaules de la charismatique Linda Hayden (déjà formidable dans le sous-estimé Une messe pour Dracula de Peter Sadsy, film qui parvenait par contrainte à renouveler le mythe du célèbre vampire sous la houlette de la Hammer), comédienne capable de passer d’un visage angélique à celui d’une sorte de gourou possédée ultra flippante, Blood of Satan’s Claw ne décevra à coup-sûr par l’aficionados de la dernière période bénie pour le cinéma de genre britannique.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini. Comme les autres titres, celui-ci est présenté sous la forme d’un luxueux coffret cartonné contenant le Blu-ray et le DVD du film, ainsi qu’un livret signé par Marc Toullec, l’homme qui écrit plus vite que son ombre…

En bonus vidéo, une très complète présentation du film par Olivier Père vous permettra d’en savoir plus sur la vague horrifique anglaise du début des années 1970. Si le contenu est évidemment passionnant, le ton de l’entrevue est, comme toujours avec Père, un peu austère.