RUE BARBARE (Gilles Béhat, 1984)

Dans un quartier périphérique, la bande des « Barbares » domine la rue et le monde de la nuit. Son chef, Matthieu Hagen (Bernard-Pierre Donnadieu) dit « Matt », règne par la terreur. Ancien membre de la bande, Daniel Chetman (Bernard Giraudeau), dit « Chet », est rangé des voitures depuis 10 ans. Mais un soir, alors qu’il rentre chez lui, il répond à l’appel au secours d’une jeune Chinoise, abandonnée dans un chantier après avoir été violée

Après avoir été adapté à plusieurs reprises à Hollywood (Les passagers de la nuit de Delmer Daves, Poursuites dans la nuit de Jacques Tourner), David Goodis, célèbre auteur de romans noirs, intéresse les cinéastes français. François Truffaut (Tirez sur le pianiste), Henri Verneuil (Le casse) et René Clément (La course du lièvre à travers les champs) sauront d’ailleurs tirer le meilleur de son œuvre en transposant l’univers très américain de l’auteur sous d’autres horizons. Il n’en est malheureusement pas de même pour Gilles Béhat.

Mais qu’est-il arrivé au polar français dès 1983 ? La balance de Bob Swain, récompensé on ne sait par quel miracle par les 3 plus prestigieux César, et Le marginal, polar outrancier de Jacques Deray où Belmondo amorce le début de son déclin artistique, semblent attester d’une volonté en Hexagone de rivaliser dès cet instant avec le Mad Max 2 de George Miller. Dès lors, tous les polars seront outranciers, homophobes, racistes et violents. Donc forcément bêtes et inutilement vulgaires. Rue barbare est sans conteste le métrage ayant amorcé de début de cette descente aux enfers cinématographique.

On aimerait bien rire en voyant Bernard Giraudeau visiblement sous l’influence vestimentaire de Renaud Séchan, Jean-Pierre Kalfon sous les traits d’un Dick Rivers de sous-préfecture ne manquant jamais une occasion de chanter de la soupe muni d’un synthé Casio, Bernard-Pierre Donnadieu déguisé en parrain pédophile de Seine-Saint-Denis habillé de blanc et botté de santiags rouges, et Christine Boisson en mère maquerelle choucroutée et visiblement mazoutée au speed. Mais tout ceci est tellement « too much » qu’il n’est pas possible, même dans les meilleures dispositions possibles (comprendre avec 2 grammes d’alcool dans le sang), de trouver la moindre circonstance atténuante à cette horreur qui aura pourtant amassé plus de 4 millions de spectateurs en salles à l’époque de sa sortie.

Rassurons-nous : le cinéma de genre français a fait encore pire les années suivantes avec Terminus, post-nuke risible avec un Johnny Hallyday peroxydé, et Diesel, Mad Max de 3e zone avec Gérard Klein (si, si : L’instit, c’est bien lui). Gilles Béhat parviendra quant à lui à faire encore plus débile l’année suivante avec Urgence, autre supplice cinématographique, également diffusé au Film de minuit. Pauvre France, et par extension pauvre Suisse…

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Rue barbare est disponible en Blu-ray dans la collection Nos années 80 de StudioCanal