JASON BOURNE : L’HERITAGE (THE BOURNE LEGACY, Tony Gilroy, 2012)

Jason Bourne étant sur le point de mettre à jour Treatstone, un programme destiné à fabriquer des tueurs à la solde du gouvernement américain, les responsables de la CIA décident de mettre un terme à d’autres projets parallèles. Aaron Cross (Jeremy Renner), membre actif du protocole Outcome, se voit malencontreusement destiné à faire partie des dommages collatéraux. C’était sans compter sur la ténacité de cet agent ultra performant…

Les trois adaptations cinématographiques du personnage de Jason Bourne, né sous la plume de Robert Ludlum, ont été de tels succès qu’il ne fut guère étonnant d’apprendre qu’un nouvel opus serait mis en chantier par Universal. Mais au grand étonnement de tous, cette aventure, bien que reprenant le titre original du quatrième ouvrage de la saga littéraire (La Peur dans la Peau en français), se fera sans Matt Damon.

Un si petit détail ne devait, en tout logique, point freiner Hollywood à tenter ramener encore quelques deniers dans ses tiroir caisses. Par chance, la production a su confier l’entreprise à Tony Gilroy qui, outre avoir signé Michael Clayton en 2007, un excellent thriller avec George Clooney, est également un scénariste de talent (on lui doit les trois premiers Jason Bourne mais aussi l’adaptation de Jeux de Pouvoir de Kevin Mcdonald). Dès lors, il était clair que The Bourne Legacy tiendrait la longueur.

Malin, Gilroy reprend un stratagème déjà utilisé par le vétéran Irwin Allen pour Le Dernier Secret du Poséidon en 1979. A savoir que son film ne sera point une suite à La Vengeance dans la Peau (The Bourne Ultimatum, 2007), le dernier épisode en date, mais une aventure se déroulant en parallèle. Ainsi, l’arrivée d’Aaron Cross, sorte d’alter ego à Bourne issu d’un autre programme de la CIA, ne paraît point saugrenu pour le spectateur.

Certes parfaitement inutile, cette manœuvre aurait très bien pu voir le jour de manière indépendante. A savoir qu’Aaron Cross aurait sans doute su se trouver une identité sans Jason Bourne. Sauf que ce simple patronyme aura suffi, à l’évidence, à assurer une partie des recettes du présent métrage.

Alors, cet héritage est-il une arnaque ou pas ? Définitivement non. Pouvant aussi bien s’adresser aux aficionados de la première heure qu’aux néophytes, The Bourne Legacy parvient à se créer une existence à part entière. Il est donc tout à fait concevable de visionner le présent film sans avoir jamais eu connaissance jusque là de la moindre information sur le personnage de Jason Bourne. Ceci sans parler de la présence au générique de la sublime Rachel Weisz qui, à elle seule, justifierait presque le prix du ticket de cinéma…

Texte originellement publié dans la presse romande en septembre 2012.

Ou voir le film ?

Disponible chez Universal en 4K, Blu-ray et DVD à l’unité ou en coffret intégrale accompagné des 4 autres métrages de la franchise.

DROP GAME (DROP, Christopher Landon, 2025)

Après le suicide de son mari violent, Violet (Meghann Fahy) accepte, sous l’insistance de sa sœur, un rendez-vous galant dans un restaurant chic situé au sommet d’un gratte-ciel avec Henry (Brendon Sklenar), séduisant célibataire qu’elle a connu via une application. Arrivée en avance sur place, Violet commence à recevoir d’étranges messages sur son téléphone…

Depuis quelques temps, une guéguerre absurde oppose les fans du studio A24 et ceux de son principal concurrent Blumhouse. A en croire la sacro-sainte intelligentsia (toujours la même…), le premier cité ne sortirait que des œuvres marquantes avec une diversité remarquable, tandis que le second serait juste bon à produire à la chaine des produits destiné à un public adolescent avide de sensations fortes.

Certes, Jason Blum, tête pensante de Blumhouse, produit beaucoup de métrages à ranger au registre horrifique et avec une rentabilité inégalée. Les films ne coûtant pas très cher et le matraquage publicitaire aidant, il est en effet très rare de voir un métrage sortant des usines Blum faire un flop au box-office.

Cela fait-il automatiquement du studio une machine à nanars ? Les détracteurs de l’entreprise, qui adorent appeler le studio « Bousehouse », en sont convaincus. La vision d’un petit film efficace comme Drop tend pourtant à démontrer le contraire.

Certes ce thriller aux influences multiples (le réalisateur Christopher Landon cite souvent Hitchcock et Paranoïak de D.J. Caruso en référence) n’est pas soutenu par un casting cinq étoiles et aurait peut-être mérité une écriture plus solide. Il n’empêche que si tous les films destinés à un public adolescent avaient cette tenue et une telle capacité à embarquer leurs parents dans l’aventure, le cinéma du samedi soir s’en porterait sans l’ombre d’un doute bien mieux.

Sorte de version réussi du catastrophique et prétentieux Trap de M. Night Shyamalan (les deux films se déroulant en deux actes très similaires), Drop est donc un petit thriller efficace et fédérateur, que l’on peut envisager de regarder en famille. A condition bien entendu que vos chérubins aient atteint l’adolescence et ne soient pas trop sensibles (Le film est considéré comme « tout public » en France, alors qu’il semble nécessaire d’avoir 16 ans en Suisse pour le regarder sereinement. Un léger compromis semble tout à fait acceptable).

Où voir le film ?

Drop Game est disponible en Blu-ray et DVD chez Universal (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

5 SEPTEMBRE (SEPTEMBER 5, Tim Fehlbaum, 2024)

Le 5 septembre 1972, lors des Jeux Olympiques d’été de Munich, des membres de l’organisation terroriste Septembre Noir prennent en otages les athlètes israéliens au cœur du village olympique. Présente sur place pour couvrir la manifestation sportive, une équipe de la chaine ABC Sport va tenter de suivre, minute après minutes, les événements tragiques se déroulant sous leur yeux…

Le sujet avait déjà été traité par trois fois sous des angles différents. D’abord via un très honorable téléfilm porté par William Holden et Franco Nero (Les 21 heures de Munich, William A. Graham, 1976), ensuite à travers un excellent documentaire britannique (Un jour en septembre, Kevin Macdonald, 1999), enfin à travers un thriller sec axé sur les répercussions de la prise d’otage (Munich, Steven Spielberg, 2005).

Le réalisateur d’origine bâloise Tim Fehlbaum (cocorico !) se décide pour une approche toute autre avec une reconstitution à la virgule près de cette dramatique journée planqué dans la régie de la télévision américaine couvrant les JO.

L’idée est audacieuse, le résultat à la hauteur des espérances. Sans jamais quitter sa micro-équipe, ne proposant de voir les aller et venue des journalistes – obligés de jouer de diverses supercheries pour couvrir le drame en direct – que via des moniteurs, 5 septembre est aussi une reconstitution minutieuse d’un studio de télévision mobile du début des années 1970, témoignant des contraintes techniques de l’époque, qui limite évidemment les moyens d’action des journalistes.

Enfin, le film de Fehlbaum met admirablement bien en exergue le dilemme des membres d’une équipe en lutte avec leur intégrité de journaliste et leur conscience personnelle. Faut-il ou non suivre à tout prix les événement tragiques se déroulant sur leurs yeux afin de remplir la sacro-sainte charte du devoir d’information du public ? A quel moment cette mission bascule-t-elle dans la quête inconsciente de sensationnalisme ?

Les exemples de films reconstituant des moments ayant marqué l’histoire de la télévision sont aussi rares que réussis (Frost/Nixon de Ron Howard, Saturday Night de Jason Reitman), mais jamais un n’avait réussi à atteindre une telle tension anxiogène.

Soutenu par un casting cinq étoiles (Peter Sarsgaard, John Magero, Ben Chaplin, Zinedine Soualem), impeccables dans leurs rôles respectifs, 5 septembre confirme également de manière définitive la comédienne allemande Leone Benesch (La salle des profs, En première ligne) comme l’actrice la plus prometteuse de sa génération.

Ayant fait un passage plus que discret dans nos salles obscures au printemps dernier, 5 septembre s’avère effectivement être, comme le slogan publicitaire de l’affiche l’avance, le meilleur thriller de l’année. Quand bien même ce dernier se déroule-t-il dans un espace ultra-confiné et ne s’appuyant sur d’autres effets dramatiques que les événements auxquels les protagonistes assistent en même temps que le spectateur. Redoutable d’efficacité.

Où voir le film ?

5 septembre est disponible en Blu-ray et DVD chez Paramount (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

ROGUE AGENT (Adam Patterson & Declan Lawn, 2022)

J’avoue, votre honneur : il m’arrive de regarder un film car une comédienne que j’aime est à son générique. Par « j’aime », je n’entends pas forcément qu’il s’agit d’une actrice incroyable. Juste une femme que j’ai plaisir à voir sur un écran. Oui, je sais, ce n’est pas très 2025 tout ça, mais pour ma défense, j’évite aussi comme la peste certains longs métrages pour la raison inverse : à savoir qu’une actrice s’y trouve, quand bien même cette dernière est sans doute brillante.

J’évite par exemple comme la peste un film dans lequel se trouve Margot Robbie, tant tout m’exaspère chez elle. A contrario, la présence de Gemma Arterton peut suffire à me motiver à la vison d’un métrage, même si ce dernier ne semble à priori pas terrible.

Fabrice Luchini est jadis tombé sous son charme (Gemma Bovery, Anne Fontaine, 2014). Comme je le comprends. Et puis, le joli minois de Gemma a quelque peu disparu des radars depuis une dizaine d’année. La faute à l’âge, puisque cette ancienne James Bond Girl malheureuse a aujourd’hui atteint son Migros Data à l’approche de la quarantaine ? Et ça, c’est très 2025, votre honneur : continuer à regarder des films avec Gemma Arterton, toujours aussi sublime, représente une vraie forme de résistance féministe !

Au détour d’une recherche sur IMDb à propos de Freya Mavor que je viens de voir exceller dans le pourtant pas excellent Dalloway de Yann Gozlan, je tombe sur Rogue Agent, film anglais surfant a priori sur la vague de l’espionnage sérieux, justement avec Gemma Arterton.

Sorti en 2022, le film n’a connu aucune sortie salle francophone, pas plus que d’éditions sur support physique autre qu’étrangères et difficilement localisables. L’affiche laisse entrevoir du sous-John Le Carré, le film est disponible sur Canal+, il n’en faut pas plus pour que je m’y risque. Et je dois dire que j’ai plus que bien fait.

En dire plus serait criminel envers d’autres cinéphiles friands de bonnes surprises, tant Rogue Agent en est une. Non que le film soit un chef d’œuvre ou quelque chose que l’on placera dans sa top ten list annuelle. Juste un thriller redoutable, comme on aimerait en voir plus souvent sur nos écrans de cinéma.

Au risque de me répéter, mais moins vous en saurez et plus l’impact de Rogue Agent sera grand. Je ne me targuerai même pas à vous donner le titre des autres métrages auquel celui d’Adam Patterson et Declan Lawn m’a fait penser, au risque de trop divulgacher. Foncez et laissez-vous berner de la même manière que Gemma Arterton. Le jeu en vaut, à condition toutefois de ne pas être ultra-sensible, clairement la chandelle…

Où voir le film ?

Rogue Agent est disponible (location et achat) sur Canal Plus :

https://www.canalplus.com/cinema/rogue-agent/h/21043670_40099/streaming

LES ENQUÊTES DU DEPARTEMENT V : PROMESSE (BOUNDLESS, Ole Christian Madsen, 2024)

Au registre des transpositions à l’écran de polars danois, Les enquêtes du Département V s’en sortent avec bien plus d’honneurs que Millenium (à l’exception bien entendu du film de David Fincher). La raison est que ces adaptations du Département V (Département Q sur tous les autres territoires. La raison de ce changement dans la langue de Molière semble évidente) ont dès le départ été pensées pour le cinéma, là où les adaptations de Stieg Larsson étaient réfléchies comme une mini-série modulable dans leur durée pour le grand écran.

Après les adaptions imparables des quatre premiers ouvrages de Jussi Alsen-Olsen (Miséricorde, Profanation, Délivrance et Dossier 64), on pensait le dossier clos, le tandem parfait de comédiens choisis (Nikolaj Lie Kaas, effrayant tueur illuminé de Anges et Démons et Fares Fares, impeccable dans Le Caire Confidentiel) ayant décidé de rendre leur costard.

Les quatre premiers films ayant rapporté la timbale dans les pays nordiques, où ils furent bel et bien exploités en salle obscure (les métrages sont directement arrivés dans nos salons francophones), il ne fut guère étonnant de voir débouler la transposition du cinquième ouvrage en 2021. Malheureusement, le changement de casting assujetti d’une qualité toute relative du scénario de L’Effet Papillon (ou Effet Marco) laissaient sur le carreau les aficionados de la première heure.

La prudence était donc de mise avec Promesse, la dernière cuvée des enquêtes du Département V. Si les personnages de Carl Morck et Rose sont toujours interprétés par Ulrich Thomsen (sorte de croisement entre Sting et Philip Seymour Hoffman) et Sofie Torp (pour le coup bien plus convaincante que l’actrice précédente), le personnage d’Assad change une nouvelle fois de visage, et s’en trouve en même temps relégué à de la simple figuration.

Sans parvenir à égaler le quatuor de films originaux, et avec la concurrence d’une nouvelle et très bonne adaptation britannique sous forme de mini-série débarquée il y a peu sur Netflix (Les dossiers oubliés), Promesse redresse assez admirablement la barre suite au catastrophique précédent film.

Nanti d’une mise en scène proposant un vrai point de vue et d’une photographie ultra-lumineuse (en complète opposition aux précédents volets, mais en parfaite adéquation avec le récit), Promesse satisfera donc plus que largement l’amateur de polars tentaculaires et aux multiples rebondissements.

Où voir le film ?

Les enquêtes du Départment V : Promesse est disponible en Blu-ray et DVD chez Wild Side Vidéo (distribution suisse : Frenetic Films)

ZODIAC (David Fincher, 2007)

Le cinéaste David Fincher revient avec un thriller mettant en scène un serial killer. Mais au lieu de signer un simple long-métrage dans la mouvance de Se7en, ce surdoué décide de se pencher d’avantage sur l’investigation et l’enquête que sur le tueur. Un travail en définitive plus proche des Hommes du Président que du film qui fit sa renommée.

De 1969 à l’aube des années 80, l’affaire du « Tueur du Zodiaque » défrayant la chronique aux Etats-Unis, sans qu’aucun suspect ne soit jamais appréhendé. A coup de provocations par presse interposée et grâce à sa faculté d’échapper aux forces de l’ordre, Zodiac sera à juste titre comparé à Jack l’Eventreur. Le destin de trois hommes en sera d’ailleurs à jamais bouleversé : L’inspecteur David Toschi (Mark Ruffalo), le reporteur Paul Avery (Robert Downey Jr.) et Robert Graysmith (Jake Gyllenhaal), timide dessinateur de presse pour qui cette affaire deviendra une véritable quête personnelle.

David Fincher avait annoncé la couleur dès la préparation de Zodiac, à savoir qu’il ne ferait pas un nouveau Se7en. En effet, difficile retour aux sources pour un cinéaste connu de tous pour avoir réalisé l’un des films de serial killer les plus convaincants des années 90. Ardue donc d’entreprendre une reconstitution minutieuse de l’affaire du Zodiaque, sans que personne ne puisse entreprendre la moindre comparaison avec son long-métrage de 1995.

Intelligent, Fincher décide donc de cibler d’avantage son intrigue sur les principaux protagonistes de la laborieuse enquête que sur le tueur proprement parlé. Ainsi, Zodiac n’est ici qu’une une astuce scénaristique afin de pouvoir faire progresser l’obsession des trois enquêteurs tentant de faire toute la lumière sur l’affaire. A la manière d’Alan J. Pakula avec Les Hommes du Président, David Fincher livre un film d’investigation palpitant, sans jamais verser dans le sordide, pas plus que dans la violence graphique.

Assurément l’un des meilleurs films que l’on ait pu voir depuis le début de la décennie, Zodiac n’est donc pas une œuvre à réserver aux amateurs de sensations fortes. Au contraire : David Fincher parvient à captiver le spectateur de la même manière que le furent les véritables acteurs de cette sordide histoire. A voir impérativement, à condition bien entendu d’aimer être surpris par l’originalité d’un film à gros budget.

Texte originellement publié dans la presse romande en mai 2007.

Où voir le film ?

Comme bientôt tous les films de David Fincher, Zodiac vient de faire peau neuve, grâce à un nouveau master 4K, supervisé par le réalisateur. On est cependant surpris, pour ne pas dire carrément déçu, de ne trouver sur l’édition qui vient d’apparaitre dans nos bacs un disque ne proposant rien dautre que la version cinéma de film en format UHD.

Il peut donc d’avérer plus intéressant d’acquérir une version homologue européenne, ces dernières proposants toutes, en plus des mêmes options de langues et pour un prix comparable, le Blu-ray du film contenant le Director’s Cut du film (5 petites minutes rendant objectivement le métrage encore meilleur) et  des heures de bonus réellement passionnantes.

A CAUSE D’UN ASSASSINAT (THE PARALLAX VIEW, Alan J. Pakula, 1974)

1971 : Charles Carroll, candidat démocrate aux élections présidentielles américaines, est assassiné lors d’une conférence dinatoire par un des serveurs. Ayant conclu à l’acte d’un déséquilibré, la commission d’enquête n’a pas jugé utile de retenir la thèse d’une éventuelle conspiration.

1974 : Lee Carter (Paula Prentiss), journaliste présente lors de l’assassinat de Carroll, est persuadée que les différents témoins de l’affaire se font éliminer méthodiquement et que, de surcroit, sa vie est en danger. Elle fait part de ses craintes à Joe Frady (Warren Beatty), reporter de petite envergure et ex-petit ami, qui ne prête pas grande attention à ses dires. Peu de temps après, Lee est retrouvée morte avec pour cause officielle du décès avancée, un suicide…

Dès l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, l’Amérique va être en proie aux différentes théories complotistes. Rapidement, le Septième Art va s’engouffrer dans la brèche. Si les sixties laissent déjà émerger quelques perles, notamment grâce à John Frankenheimer (Un crime dans la tête, Sept jours en mai, L’opération diaboloque), les plus beaux fleurons du genre seront produits durant la décennie suivante.

A cause d’un assassinat ouvre les festivités auxquelles se joindront une kyrielle de métrages exceptionnels : de Conversation secrète à Marathon Man, de Capricorn One aux Trois jours du Condor, la quintessence du film de conspiration sera réalisée par le même Alan J. Pakula deux ans plus tard. Les hommes du président, chef-d’œuvre absolu, restant aujourd’hui encore comme l’œuvre ultime au registre « théorie du complot », mais également comme la meilleure représentation du métier de journaliste jamais vue à l’écran.

A cause d’un assassinat a donc en quelque sorte servi de brouillon aux Hommes du président. Mais quel brouillon ! Ouvrant la voie à un sous-genre encore aujourd’hui existant, Alan J. Pakula se permet une réalisation ultra-originale. Utilisant à chaque instant des ellipses de montage, le réalisateur court-circuite maints « passages obligés ». Outre le fait de semer la confusion dans l’esprit du spectateur, l’astuce permet à ce dernier de se glisser dans la peau de Joe Frady perdu dans les dédales d’une affaire qui, bien évidemment, le dépasse et dont il sera le bouc émissaire.

On retiendra également une courte séquence hallucinante et hallucinée : tandis que Frady tente de se faire recruter au sein de la firme qu’il soupçonne d’être responsable de plusieurs attentats politiques, il doit subir une séance d’initiation particulière via un film de propagande. Composé d’images anodines, voire rassurantes, le montage en répétition de la séquence, alternée de mots uniques utilisés de manière anarchique, rend l’ensemble terrifiant et fait basculer le métrage vers un dernier acte totalement paranoïaque : en deux petites minutes, Pakula démontre qu’un simple diaporama astucieusement présenté peut devenir une véritable arme.

Soutenu par une bande originale hypnotique de Michael Small, The Parallax View est un film aussi effrayant que puissant. Un pur chef-d’œuvre qui influencera maints cinéastes. D’ailleurs fort est à parier qu’Henri Verneuil a écrit son film I… comme Icare avec The Parallax View à l’esprit.

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

A cause d’un assassinat est disponible en Coffret Ultra Collector Blu-ray+DVD+livre (CUC pour les initiés) chez Carlotta. Une édition Blu-ray simple est également disponible, mais on ne pourra que conseiller à l’aficionados de thrillers paranoïaques 70s à se diriger du côté du coffret, le livre étant de qualité éditoriale exceptionnelle.