LE LOCATAIRE (THE TENANT, Roman Polanski, 1976)

Trelkovsky (Roman Polanski), un homme timide et réservé, s’intéresse à louer un appartement vacant dans un vieil immeuble parisien. Lors de la visite, la concierge (Shelley Winters) lui apprend que Simone Choule, l’ancienne locataire, a tenté de se suicider sans raison apparente en se jetant de la fenêtre de l’appartement. Très tatillons, les divers habitants de l’immeuble tiennent particulièrement au calme et à la respectabilité de l’endroit. Peu à peu, Trelkovsky commence à penser que ses respectables voisins lui veulent du mal…

Dernier volet de la « trilogie des appartements maudits », après Répulsion (1964) et Rosemary’s Baby (1968), Le locataire est aussi celui qui mettra le plus de temps avant d’être considéré comme une pierre angulaire dans la filmographie de Roman Polanski.

Après Londres et New York, le cinéaste installe son ultime intrigue dont l’enfermement est la clé de voute au cœur de Paris. Afin de mieux brouiller les pistes, Polanski attribue les principaux rôles des personnages intempestifs (la concierge, le propriétaire de l’immeuble et la plus influente des locataires) à des comédiens américains sur le déclin. Un peu comme s’il avait voulu raccrocher ce récit terriblement noir à son passé hollywoodien chahuté.

Là où Répulsion et Rosemary’s Baby jouaient sur l’interaction concrète avec l’entourage proche du protagoniste central, Le locataire s’affranchit de cet aspect palpable pour encore mieux surprendre le spectateur. Délestant le côté clairement conspiratoire du roman de Roland Topor dont il s’inspire le présent film (rendant chaque confrontation entre Trelkovsky et ses voisins possiblement fantasmagorique), Polanski laisse malgré tout à chaque instant planer le doute. Un peu comme si le réalisateur avait mis en chantier Le locataire dans l’unique but de satisfaire les aficionados de Rosemary’s Baby qui auraient (à juste titre peut-être) regretté que le dénouement de ce film référence, où l’horreur est à chaque instant suggérée via son incrustation dans un banal quotidien contemporain, soit justement trop explicite et concret.

Certes, il y a fort à parier que Trelkovsky ne soit qu’un schizophrène imprégné par le lourd passé de l’endroit qu’il habite. Mais pourquoi dès lors ce jeune exilé, qui a sans doute tout comme Polanski subi les affres d’un douloureux passé (l’incarnation du personnage par le cinéaste n’a évidemment rien d’un hasard), s’acharne-t-il à vouloir à tout prix rester dans son appartement, alors que sa clairvoyance paranoïaque l’invite à fuir au pas de course ?

Se terminant par une courte séquence remettant en cause l’intégralité des certitudes que le spectateur s’est peu à peu forgées, Le locataire ouvre soudainement une autre porte. Une autre réalité parallèle potentielle, qui offre d’un coup au récit une possible dimension surnaturelle, jusque-là volontairement écartée par Polanski. Une ultime manière sans doute d’encore plus déstabiliser l’audience. Et ça marche !

Prémisse totalement réussie (et ce malgré le fait que Roman Polanski considère Le locataire comme « une expérience ratée mais intéressante ») de tout ce que David Lynch s’acharnera à mettre en place dans sa filmographie, Le locataire est définitivement l’œuvre la plus sous-estimée de son réalisateur. La pièce maitresse d’un puzzle où chaque élément afficherait un traumatisme de Polanski, cinéaste aujourd’hui à juste titre sujet à controverse, mais dont la parcours filmique n’aurait sans doute pas été aussi passionnant si l’homme avait connu une destinée « normale »…

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Le locataire est vraiment le film de grand studio de Roman Polanski qui fut le plus mal représenté sur support domestique pendant de nombreuses années. En effet, mis à part un DVD américain et un homologue français tardif nanti d’un riche livret, rien au catalogue de la Paramount, détentrice des droits au niveau mondial.

Le film fait son apparition aux Etats-Unis en Blu-ray sous l’effigie de Shout Factory en 2020 avec une VF. Problème : le disque est bloqué en « Region A ». Donc à moins d’être munis d’un lecteur américain, impossible de le lire chez nous. Ceci sans parler du fait que la compression du master utilisé y était calamiteuse.

Le film ressortait chez Vinegar Syndrome fin 2024 en combo UHD 4K + Blu-ray. Si le master est cette fois-ci parfait et le coffret limité très beau (présentant une fausse fenêtre aimantée laissant apparaitre le visage de Polanski une fois ouvert), le Blu-ray est toujours verrouillé uniquement pour les lecteurs US.

Par chance, nous pouvons aujourd’hui compter sur la bienveillance de l’éditeur Carlotta, toujours attentif à fournir à ses clients des produits de haut vol. On conseillera en priorité le coffret « Edition Prestige limitée », regroupant à la fois la version UHD et Blu-ray du film. Une bonne partie des bonus des éditions ricaines est reprise et d’autres exclusifs font leur apparition, avec en bonus des goodies très sympathique (affiche, jeu de photo, reproduction du dossier de presse original).

Attention : cette mouture, limitée à 2000 exemplaires, est déjà en rupture de stock à peu près partout. En se dépêchant, il est toutefois possible d’en dénicher un exemplaire via les deux sites de vente helvétiques principaux en matière de support physique. Mais ne tardez pas trop….

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