JOHN BARRY – On Her Majesty’s Secret Service : Music From the Motion Picture – Expanded Edition (La-La Land Records)

Pendant qu’Amazon, nouveau détenteur de la franchise 007, s’amuse à gommer tout connotation avec des armes à feu sur leurs nouveaux visuels, rendant la chose totalement incohérente (on n’avait pas vu plus ubuesque depuis l’affiche française de Pulp Fiction), le label La-La Land continue son exhumation des bandes originales de toutes les aventures passées de James Bond.

Après de premières salves en mode combo, les sorties sont désormais isolées et proposées uniquement via des canaux de ventes officiels (rendant leur acquisitions un peu plus complexe et toujours plus onéreuse). Mais quand on aime, on ne compte pas vraiment et il faut bien admettre que le travail effectué pour ces sorties écrase d’un revers de la main toutes les précédentes éditions.

Retour en arrière. En 1988, Capitol Records USA, détentrice du défunt label United Artists, sortait à la grande époque du CD l’intégralité des bandes originales existantes en mode copié/collé des vinyles originaux. Aucun bonus donc, mais des masters tout à fait honorables, exempts d’une quelconque remasterisation, donc fidèles aux mixages originaux.

L’année 2003 résonna comme une bénédiction pour les aficionados de John Barry, puisque de nouvelles versions restaurées, majoritairement augmentées de nombreux bonus, faisaient leur apparition dans nos bacs. Les disques étant proposé au « nice price » (comprendre : le « prix doux » généralement pratiqués par les maisons de disques sur le back catalogue), il était donc facile d’acquérir la collection complète sans se ruiner (sans parler du fait que ces versions, pressées à large échelle, se retrouvaient facilement dans les bacs de déstockages de nos échoppes).

pochette originale de l’album vinyle paru en 1969

On pensait le dossier clos, jusqu’au moment où des éditions pirates commencèrent à apparaitre sur différents sites de revente voilà une dizaine d’années. Proposant pour la première fois des versions complètes proposées dans l’ordre chronologique, ces bootlegs à la qualité étonnante laissait penser que d’autres plus officielles allaient émerger. Exactement ce qui est en train de se profiler, mois après mois, grâce à La La Land Records.

Tout n’est pas encore sorti, certains volumes sont déjà épuisés et les titres incriminés sont publiés au gré de pseudo anniversaires-alibis. Toujours est-il que le résultat est clairement à la hauteur des espérances, sans toutefois complètement justifier les prix exorbitants pratiqués par le label (une cinquantaine de franc pour un double-CD).

Tous les volumes sont de véritables malles à trésor, mais il paraissait logique de mettre l’accent sur celui consacré à On Her Majesty’s Secret Service, paru à la fin de l’été. Tout d’abord parce qu’il s’agit incontestablement de la meilleure partition de John Barry, mais aussi car cette dernière est sans doute la plus conséquente et donc, par déclinaison, jamais jusqu’ici publiée en intégralité.

Autre détail singulier : le disque sorti en 1969 a été créé à partir des bandes masters originales et non de copies de première génération faites pour le montage des albums (chose qui ne devrait jamais se produire – mon camarade David Hadzis pourrait vous en dire long sur ce sujet qu’il maitrise sur le bout des doigts). La conséquence majeure est que deux prises différentes furent utilisées pour le thème instrumental principal.

Il semblait donc impossible de parvenir à reconstituer le puzzle, puisque les bandes masters s’en trouvait amputées de certaines portions. Mais grâce à l’avancée technologique, la recréation de la version originale dudit thème, tel que l’on peut l’entendre dans le film, fut possible. Et ça claque sévère ! Un détail me direz-vous, mais quand on en est au stade d’un ultime rachat de cette indispensable BO, cette broutille devient essentielle.

On notera simplement, en micro-bémol, que cette édition ne reprend pas les versions françaises et allemandes de la chanson ringarde Do You Know How Christmas Trees Are Growns ?, utilisée dans les exploitations hexagonales et teutonnes du film. On chipote certes, mais à ce stade-là, on peut se le permettre.

LES RITES SEXUELS DU DIABLE (LOS RITOS SEXUALES DEL DIABLO, José Ramon Larraz, 1982)

Après la mort brutale de son frère, Carol (Vanessa Hidalgo) se rend en Angleterre chez sa belle-sœur Fiona (Helga Liné) avec son fiancé. Rapidement, elle découvre que cette dernière s’adonne à des pratiques de messes noires au sein d’une secte d’adorateurs du Diable…

Avec un titre pareillement racoleur, il y avait de quoi se méfier. Mais lorsqu’on s’aperçu que cette curieuse bobine espagnole, datant du début des années 1980, était paru sous la houlette d’Artus Films, l’envie de faire confiance à cet éditeur a le ligne éditoriale digne d’un parfait équilibriste passa au-dessus d’un quelconque a priori.

Premier constat : le travail d’équilibriste, consistant à mélanger les genres sans que la chose ne paraisse saugrenue, est autant applicable à Artus qu’au cinéaste José Ramon Larraz (Vampyres), tant le mix entre un érotisme graphique évident et une ambiance horrifique contemporaine, typique du cinéma ibérique de genre de l’époque, fait ici bon ménage.

De là à dire que Les rites sexuels du Diable est un cas d’école, il n’y a qu’un petit pas. On a beau chercher d’autre exemple de métrages ayant su surfer avec succès entre deux styles propres au cinéma bis, il semble en effet difficile de trouver plus représentatif que ce film de Larraz, pourtant considéré très injustement comme l’un de ses plus mauvais.

Restant encore à ce jour le seul réalisateur ayant une œuvre exclusivement destinée aux cinémas de quartier, mais dont un film s’est retrouvé en lice pour la Palme d’Or (Symptoms, 1974), Larraz parvient, au même titre que le britannique Pete Walker (dont Flagellations et Mortelles confessions, deux des meilleures bobines, sont également sortis chez Artus), à créer une ambiance hautement anxiogène avec peu de chose et des moyens ultra-réduits.

Tandis que toute l’intelligentsia culturelle sacralise l’exhumation miraculeuse du pourtant très moyen The Appointment de Lindsey C. Vickers (1981), la sortie du présent film de Larraz risque malheureusement de passer inaperçue en dehors du petit cercle d’aficionados d’un cinéma de genre qui parfois, comme ici, parvient à être plus qu’un simple produit d’exploitation périssable. A découvrir donc sans préjugé.

Où voir le film ?

Disponible en combo Blu-ray+DVD chez Artus Films. Présentant quelques défauts, la pellicule utilisée pour le transfert reste de très bonne tenue, avec un très bon rendu de la photographie originelle, donnant au film un aspect très 70s.

JASON BOURNE : L’HERITAGE (THE BOURNE LEGACY, Tony Gilroy, 2012)

Jason Bourne étant sur le point de mettre à jour Treatstone, un programme destiné à fabriquer des tueurs à la solde du gouvernement américain, les responsables de la CIA décident de mettre un terme à d’autres projets parallèles. Aaron Cross (Jeremy Renner), membre actif du protocole Outcome, se voit malencontreusement destiné à faire partie des dommages collatéraux. C’était sans compter sur la ténacité de cet agent ultra performant…

Les trois adaptations cinématographiques du personnage de Jason Bourne, né sous la plume de Robert Ludlum, ont été de tels succès qu’il ne fut guère étonnant d’apprendre qu’un nouvel opus serait mis en chantier par Universal. Mais au grand étonnement de tous, cette aventure, bien que reprenant le titre original du quatrième ouvrage de la saga littéraire (La Peur dans la Peau en français), se fera sans Matt Damon.

Un si petit détail ne devait, en tout logique, point freiner Hollywood à tenter ramener encore quelques deniers dans ses tiroir caisses. Par chance, la production a su confier l’entreprise à Tony Gilroy qui, outre avoir signé Michael Clayton en 2007, un excellent thriller avec George Clooney, est également un scénariste de talent (on lui doit les trois premiers Jason Bourne mais aussi l’adaptation de Jeux de Pouvoir de Kevin Mcdonald). Dès lors, il était clair que The Bourne Legacy tiendrait la longueur.

Malin, Gilroy reprend un stratagème déjà utilisé par le vétéran Irwin Allen pour Le Dernier Secret du Poséidon en 1979. A savoir que son film ne sera point une suite à La Vengeance dans la Peau (The Bourne Ultimatum, 2007), le dernier épisode en date, mais une aventure se déroulant en parallèle. Ainsi, l’arrivée d’Aaron Cross, sorte d’alter ego à Bourne issu d’un autre programme de la CIA, ne paraît point saugrenu pour le spectateur.

Certes parfaitement inutile, cette manœuvre aurait très bien pu voir le jour de manière indépendante. A savoir qu’Aaron Cross aurait sans doute su se trouver une identité sans Jason Bourne. Sauf que ce simple patronyme aura suffi, à l’évidence, à assurer une partie des recettes du présent métrage.

Alors, cet héritage est-il une arnaque ou pas ? Définitivement non. Pouvant aussi bien s’adresser aux aficionados de la première heure qu’aux néophytes, The Bourne Legacy parvient à se créer une existence à part entière. Il est donc tout à fait concevable de visionner le présent film sans avoir jamais eu connaissance jusque là de la moindre information sur le personnage de Jason Bourne. Ceci sans parler de la présence au générique de la sublime Rachel Weisz qui, à elle seule, justifierait presque le prix du ticket de cinéma…

Texte originellement publié dans la presse romande en septembre 2012.

Ou voir le film ?

Disponible chez Universal en 4K, Blu-ray et DVD à l’unité ou en coffret intégrale accompagné des 4 autres métrages de la franchise.

UNE BATAILLE APRES L’AUTRE (ONE BATTLE AFTER ANOTHER, Paul Thomas Anderson, 2025)

Oui, oui votre honneur, je m’étais promis de ne parler ici que de choses que je pourrais recommander à d’autres sans risquer de retrouver mon véhicule avec les 4 pneus crevés. Et là, comme tout le monde ou presque me dit : « ah, je vais aller voir ce film avec DiCaprio, ça a l’air cool », je me suis un peu senti obligé de, dans la mesure où Une bataille après l’autre peut être qualifié de beaucoup de choses, mais de film cool, certainement pas.

Mon arc de défense cinématographique principal réside en une chose assez simple : s’il est nécessaire de mettre en avant des arguments politiques ou sociaux pour prendre la défense d’un film, c’est qu’il y a un problème. Je vais donc mettre ces aspects de côté. Toute la critique dithyrambique s’y est déjà très (trop ?) largement attardé. Inutile donc d’en rajouter, au risque de passer – une nouvelle fois – pour un péquenaud tout juste bon à vanter les mérites d’une énième bobine 70s oubliée.

Passé les deux métrages qui l’ont fait connaitre (Boogie Nights et Magnolia), Paul Thomas Anderson ne s’est pas fendu de métrages faciles d’accès. Peu agréable, souvent hermétique, son cinéma a, a contrario, la grande qualité d’être à la fois très personnel et esthétiquement bluffant. Que l’on aime ou pas les films d’Anderson, fort est de constater que sa filmographie a une pertinence, une importance, dans un univers cinématographique par trop souvent aseptisé ou se contentant d’aligner de simples effets d’esbrouffe.

Après l’autobiographique Licorice Pizza, Paul Thomas Anderson déboule avec un mastodonte. Comprendre un film faussement simple dans sa construction et complexe à mettre en boîte car tourné en VistaVision (avec de la vraie pellicule, qui plus est via un format exigeant). Donc quelque chose qu’il faut impérativement voir dans d’excellentes conditions.

Au registre, il n’y a pas tromperie sur la marchandise : One Battle after Another est effectivement une authentique expérience visuelle, une vraie séance de cinéma. Cela fait-il d’Une bataille après l’autre un chef d’œuvre ? On peut, à nos risques et péril, répondre autrement que par la positive.

Prenant le parti du pamphlet (les américains disent « dark comedy »), P.T. Anderson parvient à éviter ce dans quoi des enfarineurs tels que Yorgos Lanthimos ou Ruben Ostlund ont mis maladroitement les deux pieds. Tout simplement parce qu’il est – Dieu merci – encore possible de regarder One Battle after Another sans devoir y chercher des qualités autres que cinématographiques.

Bourrés de références musicales (Steely Dan, Gil Scott-Heron), affichant un amour inconsidéré pour des œuvres cinématographiques singulièrement inaltérables (La bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo), Une bataille après l’autre fait un sans-faute durant sa première moitié, avec une narration de véritable équilibriste pouvant être abordée de 1001 manières. Sommes-nous devant une comédie, un drame ou un thriller ? Tout dépendra de la manière dont le spectateur recevra ce que Paul Thomas Anderson lui envoie en pleine figure.

La seconde partie du métrage interroge plus dans sa structure narrative, dans la mesure où le mélange de genre laisse place à un ton plus formel, qui détonne passablement avec l’intention initiale. On pourra aussi mettre en cause – mais c’est un euphémisme en 2025 – la longueur excessive du film, qui gagnerait peut-être en digestibilité si ramené à une durée raisonnable.

Reste de manière indiscutable un long-métrage à la mise en scène ultra-maitrisée et hautement originale. Jamais en effet une « course-poursuite » (« chase » dans la langue de Shakespeare), située sur de longues routes désertiques avec de très fortes dénivelées, n’aura été filmée de manière aussi audacieuse. Un film pas très agréable certes, qui divisera sans doute, mais que l’on regardera à coup-sûr au fil des années avec un œil sans cesse différent.

Une bataille après l’autre (One Battle after Another) de Paul Thomas Anderson, avec Leonardo DiCaprio, Sean Penn, Benicio Del Toro, Chase Infiniti, Regina Hall, Teyana Taylor, Wood Harris, 2h41. Actuellement sur les écrans.

MAGNUM COP (POLIZIOTTO SENZA PAURA, Stelvio Massi, 1978)

Ancien flic écarté des forces de l’ordre à cause de ses méthodes expéditives, Walter Spada (Maurizio Merli) se voit confier par un riche homme d’affaires autrichien la mission de retrouver sa fille, récemment enlevée. Son enquête va le mener jusqu’à Vienne, au cœur d’un réseau de prostitution impliquant des représentants des hautes sphères de l’État…

Troisième des six collaborations entre le cinéaste Stelvio Massi, artisan incontournable du poliziotesco, et Maurizio Merli, alter-ego transalpin de notre Bébel national, Magnum Cop est également la meilleure cuvée du tandem.

La probable obligation, via la co-production, de situer l’action du film à Vienne, capitale autrichienne hautement cinématographique bien que n’ayant pas souvent été mise à contribution (Le troisième homme de Carol Reed, Scorpio de Michael Winner) donne au métrage un ton différent, qui tranche largement avec son introduction quelque peu hasardeuse, à mi-chemin entre la comédie et le polar.

Anticipant de manière inconsciente des métrages français abordant une thématique similaire (La femme flic d’Yves Boisset, Les filles de Grenoble de Joël Le Moigné), Magnum Cop fait également méchamment penser, par sa volonté de délocalisation et de profiter du monde de la nuit local via des boîtes de nuits très « porno chic », au Corps de mon ennemi d’Henri Verneuil (le fait que l’appartement de Merli soit nanti de plusieurs affiches italiennes de Peur sur la ville n’est sans doute pas totalement étranger à une volonté de rattachement).

Seule incursion de Joan Collins dans la cinéma bis transalpin, Poliziotto Senza Paura offre à la comédienne britannique une belle occasion de peaufiner son personnage de femme ambivalente aux contours vils assez effroyables. Bien que n’apparaissant qu’à mi-parcours via une scène de strip-tease n’ayant rien à envier à celui de Frida de Düsseldorf et ayant à lui-seul suffit à assurer la promotion mensongère du film sur territoire alémanique, elle parvient non seulement à se rendre indispensable à l’équilibre du métrage, mais aussi à être suffisamment horrible pour rester dans les mémoires bien au-delà des autres protagonistes.

Régulier collaborateur de Stelvio Massi, Stelvio Cipriani se fend une nouvelle fois qu’une bande originale ultra agréable, sans manquer à son habitude de singer, pour ne pas dire plagier, la ligne harmonique d’un titre ultra-emblématique. A savoir dans le cas présent Shine On You Crazy Diamond, pharaonique morceau d’ouverture de l’album Wish You Where Here de Pink Floyd.

Polar transalpin de très haut vol, Magnum Cop pourrait d’ailleurs très facilement servir de cas d’école au genre, quand bien même ce dernier fut produit au moment où le poliziotesco arrivait à son chant du cygne. Une œuvre idéale en tous les cas pour se familiariser avec les représentants expéditifs des forces de l’ordre italiens.

Où voir le film ?

Disponible en combo Blu-ray+DVD chez Artus Films. Comme toujours avec l’éditeur, le produit est aussi joli que la copie est impeccable, avec un très beau piqué et des couleurs flamboyantes. En parfaite adéquation donc avec la ligne éditoriale d’Artus, qui creuse depuis de nombreuses années, avec talent et professionnalisme, les sillages d’un cinéma de genre de grande qualité.

MON INCONNUE (Hugo Gélin, 2019)

Écrivain célèbre, Raphaël (François Civil) a laissé sa célébrité prendre le pas sur sa vie de couple. Après une bonne engueulade avec Olivia (Joséphine Japy), la femme qui partage sa vie depuis 10 ans, Raphaël sort écumer les bars. A son réveil, Olivia n’est plus à ses côtés et son appartement de 300 mètres carrés s’est transformé en petit deux pièces de célibataire. Croyant d’abord à une plaisanterie, Raphaël va rapidement devoir admettre que la vie qu’il a connu s’est comme évaporée…

Le film démarre avec la rencontre de Raphaël et Olivia sur les bancs du lycée. Un coup de foudre immédiat se produit entre les deux êtres, sublimé par la caméra de Hugo Gélin, qui parvient à saisir les instants magiques d’un amour naissant. Top générique. En moins de 5 minutes, le cinéaste parvient à parfaitement résumer 10 ans de vie commune et la manière dont un couple s’effrite. La mésaventure de Raphaël peut débuter.

Difficile de savoir si cette introduction magnétique est le fruit d’une tentative hasardeuse portant miraculeusement ses fruits ou d’un acte murement réfléchi. Toujours est-il que cette mise en bouche à la fois la plus audacieuse et efficace vue dans une comédie romantique depuis des lustres permet à Hugo Gélin de gagner ses galons de réalisateur. Par chance, la suite du métrage est là pour rendre justice à cette ouverture lumineuse.

Depuis le début de l’année, François Civil a déjà été à l’affiche de trois longs métrages (Celle que vous croyez, Le Chant du Loup et le présent film). On avait déjà remarqué ce beau gosse voilà deux dans Ce qui nous lie de Cédric Klapish, métrage totalement raté mais dont la seule présence de Civil sauvait les meubles, via une séquence anthologique ou le comédien réglait ses comptes par onomatopées avec son beau-père.

Si la présence de François Civil au générique de Mon Inconnue est bénéfique au le film, celle de Joséphine Japy est indispensable à son équilibre. A la fois pétillante, espiègle et diablement belle, la comédienne, déjà remarquable dans des prestations plus graves (Respire de Mélanie Laurent, Irréprochable de Sébastien Marnier) forme avec celui qui serait parfait dans un biopic sur Bernard Tapie un couple auquel on croit dès les premières secondes.

Une bonne comédie romantique repose presque autant sur l’osmose du couple central que sur un second rôle au petits oignons. Au registre, Benjamin Lavernhe, déjà formidable en marié « brise-burnes » dans Le Sens de la Fête d’Olivier Nakache et Eric Toledano, est à pleurer de rire.

Les bonnes comédies romantiques étant presque aussi rares que les films en provenance d’Hexagone destinés à faire rire, on ne pourra donc que vous conseiller de vous jeter sur Mon Inconnue, assurément la meilleure chose qui soit possible de voir dans une salle obscure en ce début de printemps.

Texte originellement publié dans la presse romande en avril 2019.

Ou voir le film ?

Comme pour le formidable Docteur ? de Tristan Séguéla, il faut se tourner vers d’autres contrées pour dénicher le film en HD. Concernant Mon inconnue, c’est du côté de l’Italie que ça se passe, avec un Blu-ray qui contient bien évidemment une VF, sorti en 2021 mais toujours disponible, et qui plus est à un tout petit prix.

LA FURIE DES VAMPIRES (LA NOCHE DE WALPURGIS, Leon Klimovsky, 1971)

Elvire (Gaby Fuchs) et Geneviève (Barbara Capell), deux étudiantes en sciences occultes, sont à la recherche du tombeau de la comtesse Wandessa, personnage historique suspecté de vampirisme. Égarées en pleine campagne dans le nord de la France, elles sont accueillies dans la demeure isolée du comte Waldemar Daninsky (Paul Naschy), condamné à se transformer en loup-garou la pleine lune venue depuis qu’il a été lui-même mordu.

Avec son physique à mi-chemin entre Marlon Brando et John Belushi, l’ex-catcheur Jacinto Molina n’avait aucune raison apparente de devenir le comédien Paul Naschy, figure incontournable du cinéma bis espagnol bien décomplexé malgré l’inquisition franquiste.

Indissociable du personnage de Waldemar Daninsky, qu’il incarnera à l’écran une douzaine de fois dans des films à la qualité toute variable, Naschy parviendra malgré tout à garder une identité propre, notamment via ses activités « multi-casquettes » durant toute sa carrière.

Troisième film consacré au comte « lougarisé », La furie des vampires est clairement une des meilleures cuvées de la longue série. Aussi l’un des seuls ou le terme « vampire » n’est pas usurpé, puisqu’il en est clairement question ici. Problème : l’accessoiriste semble avoir oublié qu’une créature de la nuit est sensée, par définition, avoir les dents pointues à la hauteur de canines et non des incisives latérales. Un détail certes anodin, mais qui a malheureusement tendance à rendre risible toutes les apparitions de vampires dans le métrage.

Outre ce petit problème, tout ici fonctionne à merveille. C’est d’autant plus étonnant car la restriction évidente de moyens oblige le réalisateur Leon Klimovsky à faire passer la campagne espagnole pour le nord de la France et à concentrer ses efforts sur une micro-poignée de personnages, forcément omniprésents à l’écran. Or, tout ce qui devrait en toute logique faire cheap rend justement le métrage hautement attachant, et surtout sans le moindre temps mort.

La musique du film est signée par Anton Garcia Abril, compositeur classique contemporain, qui dirige ici une partition ultra-inspirée, très dans l’air du temps, tout en se refusant à la facilité. Évoquant de manière évidente le travail du tandem germanique Manfred Hübler/Siegfried Schwab pour Jess Franco (Vampyros Lesbos, Crimes dans l’extase, Le diable vint d’Akasava), Abril s’amuse comme un fou à tester maints instruments pour sublimer sa partition, encore et toujours inédite sur disque (comme la majeure partie de son travail pour le cinéma).

5e film de la « saga Daninsky », L’empreinte de Dracula (1973) est généralement associé au présent film, le métrage appartenant aux mêmes ayant droit. Il ne serait guère étonnant de voir cet autre excellent volet de la franchise du plus célèbre loup-garou ibérique débouler chez Rimini dans les mois à venir.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini en combo Blu-ray+DVD, accompagné du désormais traditionnel livret de Marc Toulec, ainsi que de très bon bonus.

En premier lieu, on trouvera 2 versions du films (celle d’exploitation d’époque et une plus longue), ainsi qu’un très informatif documentaire – avec une mise en scène rigolote – dans laquelle l’érudit Laurent Aknin revient de manière passionnée sur Paul Naschy et son récurrent personnage de Waldemar Daninsky.

DALLOWAY (Yann Gozlan, 2025)

Romancière en mal d’inspiration, Clarissa (Cécile de France) rejoint une résidence d’artistes prestigieuse à la pointe de la technologie. Elle trouve en Dalloway (Mylène Farmer), son assistante virtuelle, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA…

En 2006, Yann Gozlan se faisait remarquer chez les fans d’horreur avec Captifs, énième film de genre sorti au milieu d’une multitude d’autres en hexagone, affichant tous une violence graphique aussi outrancière qu’inutile. Quelle ne fut pas notre bonne surprise de le retrouver quelques années plus tard aux commandes de Un homme idéal, thriller chabrolien porté par un Pierre Niney qui y gagnait ses galons de comédien.

Retrouvant l’acteur en 2021 pour Boîte noire, Yann Gozlan s’affranchissait d’une quelconque affiliation possible avec ce thriller à connotation paranoïaque de haut vol, tellement bon qu’on s’étonne d’ailleurs que le cinéma US ne s’en soit pas encore saisi pour une inutile remake. On avait donc grand espoir pour Visions, son métrage suivant, resté inédit sur nos écrans helvétiques.

Était-ce un signe ? Toujours est-il que ce troisième thriller, aux frontières du fantastique cette fois-ci, qui suivait les troubles d’une pilote de ligne (épatante Diane Kruger) incapable de voler car atteinte de troubles visuels, lorgnait de manière trop évidente du côté de David Lynch pour convaincre autrement que via une curiosité logique.

C’est donc avec 1000 pincettes que l’on entreprit la vision de Dalloway, le métrage proposant à nouveau le portrait d’une femme émancipée en proie avec phénomènes externes – cette fois-ci identifiés – venant perturber sa vie réglée comme du papier à musique.

Loin de la déception qu’il provoquait avec son précédent long-métrage, Gozlan ne parvient pourtant pas complètement ici à renouveler un créneau usé jusqu’à la corde : celui du conflit entre une personne de plus en plus instable face à une technologie peu aidante au-delà des apparences.

Si Cécile de France est étonnamment très à l’aise avec son personnage, si l’idée d’aller chercher Mylène Farmer que l’on ne verra jamais – elle prête ici uniquement sa voix à l’IA de l’héroïne – on est bien obligé de constater que Dalloway ne restera pas dans les mémoires autrement que via le sentiment d’avoir passé un agréable moment.

La raison semble double : d’un côté, Tatiana de Rosnay, auteure du livre à l’origine du scénario de Dalloway, n’est pas très à l’aise avec la science-fiction, de l’autre Yann Gozlan sans doute quelque peu prisonnier de références du genre autrement plus essentielles (Gattaca d’Andrew Niccol, Ex_Machina d’Alex Garland, Minority Report de Steven Spielberg), mais tout en restant par chance largement au-dessus de productions US surfant sur le même principe (M3GAN, L’IA du mal)

Le réalisateur ayant enchainé très rapidement avec le tournage d’un troisième film mettant en scène Pierre Niney, on peut imaginer que son implication dans la post-production de Dalloway fut moindre. Gourou laissant présager le meilleur et arrivant déjà sur nos écrans en janvier 2026, il est donc fort probable que la prochaine cuvée de Gozlan sera une meilleure, voire très bonne…

Dalloway de Yann Gozlan, avec Cécile de France, Anna Mouglalis, Lars Mikkelsen, Frédéric Pierrot, Freya Mavor et la voix de Mylène Farmer, France/Belgique, 1h50. Actuellement sur les écrans.

SWING OUT SISTER : Certain Shades of Limelight (Cherry Red Records)

Historiquement dévolu à faire découvrir des groupes anglais émergeants (Everything But The Girl y a publié ses premières chansons), le label Cherry Red s’est depuis reconverti, via sa branche Cherry Pop, dans la publication d’intégrales d’artistes ayant fait de beaux parcours dans les années 1980 et 1990.

Au registre, la publication courant 2022 d’un très beau coffret de 8 CDs consacré à Swing Out Sister, assurément la meilleure formation brit-pop à connotations jazz et soul évidentes (mais dont le succès sur territoire francophone a toujours été malheureusement plus confidentielle qu’ailleurs) s’est révélée une véritable bénédiction.

Regroupant les trois premiers albums de la formation, le box s’étendait très largement en offrant, outre avec toutes les faces B de singles et autres remixes parus à l’époque où l’industrie musicale permettait encore ce genre de luxe, le fameux Live at the Jazz Café, paru en 1994 uniquement au Japon.

Trois plus tard, et suite un franc succès du premier volume, Cherry Pop publie le deuxième coffret de ce qui commence à ressembler à une intégrale en bonne et due forme de Swing Out Sister. Offrant un visuel très différent du premier box tout en gardant une identité propre via un « revisitage » des pochettes originales des albums, Certain Shades of Limelight surprend par l’étendue de son contenu, couvrant la période 1994-2004.

Là où l’on aurait pu légitimement penser que cette seconde anthologie, à nouveau répartie sur 8 CDs, ferait comme son prédécesseur avec trois albums, le présent box en contient cinq : The Living Return (1994, l’album le plus Acid Jazz de la formation), Shapes and Patterns (1996, feel good record par excellence), Filth And Dreams (1997, peut-être l’opus le moins inspiré de SOS, publié jusqu’ici uniquement au pays du soleil levant), Somewhere Deep In The Night (2000, sans conteste le chef d’œuvre du groupe) et Where Our Love Grows (2002, qui réitère l’aspect pop solaire de Shapes and Patterns).

A ça vient s’ajouter The Big Elsewhere, très long single japonais ultra original car n’offrant qu’un seul morceau – Now Your Not Here – se déclinant en 8 variations différentes (réhaussé ici par 5 remix plus ou moins convaincants) et deux CDs regroupant non pas des inédits – la période n’était plus à la mode des face B – mais maintes versions alternatives et autres remixes présentes sur les quelques singles de Swing Out Sister parus à l’époque.

Si certains « edits » sonneront passablement rébarbatifs, mentionnons la présence ici du très rare remix de Who’s Been Sleeping, dont la version originale ouvrait l’album Filth and Dreams. Se permettant l’incursion de la ligne harmonique de Brown Baby/Save the Children, incontournable de la discographie 70s de Diana Ross, à leur propre morceau, le combo démontrait ici l’étendue de ses majestueuses références, utilisées avec une intelligence rarement égalée (l’album Somewhere Deep in the Night regorge d’ailleurs de ce genre d’appropriation divines).

Reste à savoir ce que pourrait contenir un hypothétique troisième coffret, que l’on espère pourtant arriver dans un laps de temps raisonnable. Les deux derniers albums du Swing Out Sister, publiés originellement sur leur propre label ? Différents concerts sortis entre deux ? Une compilation de réinterprétations ? Une musique de film publiée en catimini ? Osons rêver : un nouvel album ? Si trois ans doivent à nouveau séparer ce deuxième opus du troisième et dernier, de magnifiques choses inattendues peuvent encore prendre forme…

Le fameux mix inédit de Who’s Been Sleeping :

DROP GAME (DROP, Christopher Landon, 2025)

Après le suicide de son mari violent, Violet (Meghann Fahy) accepte, sous l’insistance de sa sœur, un rendez-vous galant dans un restaurant chic situé au sommet d’un gratte-ciel avec Henry (Brendon Sklenar), séduisant célibataire qu’elle a connu via une application. Arrivée en avance sur place, Violet commence à recevoir d’étranges messages sur son téléphone…

Depuis quelques temps, une guéguerre absurde oppose les fans du studio A24 et ceux de son principal concurrent Blumhouse. A en croire la sacro-sainte intelligentsia (toujours la même…), le premier cité ne sortirait que des œuvres marquantes avec une diversité remarquable, tandis que le second serait juste bon à produire à la chaine des produits destiné à un public adolescent avide de sensations fortes.

Certes, Jason Blum, tête pensante de Blumhouse, produit beaucoup de métrages à ranger au registre horrifique et avec une rentabilité inégalée. Les films ne coûtant pas très cher et le matraquage publicitaire aidant, il est en effet très rare de voir un métrage sortant des usines Blum faire un flop au box-office.

Cela fait-il automatiquement du studio une machine à nanars ? Les détracteurs de l’entreprise, qui adorent appeler le studio « Bousehouse », en sont convaincus. La vision d’un petit film efficace comme Drop tend pourtant à démontrer le contraire.

Certes ce thriller aux influences multiples (le réalisateur Christopher Landon cite souvent Hitchcock et Paranoïak de D.J. Caruso en référence) n’est pas soutenu par un casting cinq étoiles et aurait peut-être mérité une écriture plus solide. Il n’empêche que si tous les films destinés à un public adolescent avaient cette tenue et une telle capacité à embarquer leurs parents dans l’aventure, le cinéma du samedi soir s’en porterait sans l’ombre d’un doute bien mieux.

Sorte de version réussi du catastrophique et prétentieux Trap de M. Night Shyamalan (les deux films se déroulant en deux actes très similaires), Drop est donc un petit thriller efficace et fédérateur, que l’on peut envisager de regarder en famille. A condition bien entendu que vos chérubins aient atteint l’adolescence et ne soient pas trop sensibles (Le film est considéré comme « tout public » en France, alors qu’il semble nécessaire d’avoir 16 ans en Suisse pour le regarder sereinement. Un léger compromis semble tout à fait acceptable).

Où voir le film ?

Drop Game est disponible en Blu-ray et DVD chez Universal (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).