HERETIC (Scott Beck/Bryan Woods, 2024)

Depuis quelques années, deux studios indépendants américains se chamaillent afin de savoir lequel sera celui détenant la Palme d’un renouveau au registre horrifique. Tandis que Blumhouse se coltine encore et toujours la réputation d’être avant tout à l’origine de films pour adolescents produits à la chaine, A24 reste, on-ne-sait trop par quel miracle, celui dont la réputation semble inébranlable, et ce malgré plusieurs faux pas.

On en oublierait presque que Blumhouse est à l’origine de métrages aussi réjouissants que Sinister de Scott Derrickson, Get Out de Jordan Peele ou BlacKkKlansman de Spike Lee. De son côté, A24 brouille les cartes en ne se contentant pas uniquement de produire des métrages classés au registre horrifique. Astuce permettant à la société de maintenir, du moins sur le papier, une sorte d’aura uniquement constitué de pièces maitresses.

Sorti il y a quelques semaines sur sol américain, Heretic, dernière production de genre labellisée A24, arrive sur le Vieux Continent après avoir cassé la baraque aux Etats-Unis. On était donc très curieux de constater du résultat de ce premier long métrage signé par Scott Beck et Bryan Woods, tandem ayant réussi à se démarquer grâce à l’imparable scénario de Sans un bruit (A Quiet Place, John Krasinski, 2018), assurément le film horrifique le plus original et efficace de ces dernières années.

La première heure de Heretic laisse d’ailleurs sans voix, tant tout y est réglé comme du papier à musique. Introduction réduite au minimum, propulsant dès les premières minutes deux jeunes missionnaires mormones (Chloe East et Sophie Thatcher, toutes deux formidables) à la porte de Monsieur Reed (étonnant Hugh Grant), un homme peut-être bien moins agréable qu’il n’y parait.

Pendant près de 60 minutes, le métrage ne fait appel à aucun autre artifice qu’une pièce boisée dans laquelle trois personnages vont se livrer à une joute verbale digne d’un concours d’éloquence. Bien moins naïf qu’il n’y parait, Reed se joue des deux jeunes convaincues afin d’ébranler leurs croyances à priori infaillibles. Ceci en laissant monter, lentement mais sûrement, une tension ultra malaisante.

Et puis patatras : plutôt que de continuer sur ce formidable postulat, laissant réellement entrevoir le meilleur film d’horreur de ces 10 dernières années, Heretic se vautre sur sa deuxième moitié dans un dédales de situations aussi grotesques que poussives. D’un homme extrêmement habile et patient, Mister Reed devient un vulgaire boogeyman n’ayant plus aucune limite.

Jamais un film de genre de nous avait laissé un tel sentiment partagé avec, d’un côté, une première partie digne d’un essai que l’on pourrait facilement montrer à des étudiants en cinéma, et une seconde qui rebutera sans doute même les afficionados de Saw et autre métrage porn-gore. Peut-être est-il possible d’acheter une demi-place de cinéma et de quitter la salle à l’entracte ?

Texte originellement publié dans la presse romande en novembre 2024.

Où voir le film ?

Heretic est disponible en Blu-ray et DVD chez Le Pacte (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment AG)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *