RAPACES (Peter Douroutzis, 2025)

Vieux briscard du journalisme de fait divers, Samuel (Sami Bouajila) et sa fille Ava (Mallaury Wanecque), actuellement en stage dans la rédaction, couvrent pour leur magazine le meurtre d’une jeune fille attaquée à l’acide. Frappé par la brutalité de ce meurtre, ainsi que par l’intérêt d’Ava pour l’affaire, Samuel décide de mener une enquête indépendante, à l’insu de sa rédaction. Il découvre des similitudes troublantes avec l’assassinat d’une autre femme, survenu dans la même région deux ans auparavant…

A la vision de Rapaces, La nuit du 12 nous vient immédiatement à l’esprit. Prenant également son point d’ancrage dans un fait divers authentique (l’affaire Elodie Kulik), Rapaces se distance rapidement, comme le film de Dominik Moll, du réel pour adopter un point de vue éloigné du réel. Là au le film multi-césarisé jouait très habilement la carte du cold case obsédant son enquêteur (canevas décidément à la base des plus mémorables thrillers de l’histoire du cinéma), Rapaces opte pour l’enquête journalistique parallèle avec un dénouement.

Si la volonté du cinéaste Peter Douroutzis est à la fois originale et très efficace, elle en devient aussi le point ambivalent de l’entreprise. Le titre du film et la très longue séquence d’introduction laisse entendre clairement que les journalistes de l’hebdomadaire Détective (puisque la rédaction est nommée) sont prêts à tout pour atteindre leur but, quitte à utiliser des méthodes plus que discutables. Or, plus les minutes avancent, plus il parait évident que le réalisateur tente de revaloriser ce genre de presse (dont les prémices, au début du XXe Siècle, furent chapeautés par de remarquables plumes).

Ce point de vue changeant en cours de récit oblige également Douroutzis de laisser sur le carreau ses personnages secondaires (Jean-Pierre Daroussin, Valérie Donzelli, Stefan Crepin), tous excellents. On en serait même à se demander pourquoi ces derniers ont été à ce point développés, puisque leurs parcours personnels ne se télescopent jamais avec le récit  central.Par chance, la mise en scène et le scénario sont suffisamment denses pour l’on oublie presque de problème pourtant fondamental.

Doté d’un suspense exceptionnellement efficace, les 20 dernières minutes du film sont d’ailleurs puissance rare, sans pour autant que le réalisateur ne fasse appel à des artifices inutiles. Toute la séquence finale (à propos de laquelle nous ne divulgâcheront évidemment pas) est d’ailleurs tellement simple, dans sa structure narrative, qu’on est même surpris qu’elle fonctionne si bien.

Niveau casting, le film profite du succès de L’amour ouf, car tenu en bonne partie par la jeune Mallory Wanecque, véritable révélation du film de Gilles Lellouche. Sans être exempt de défaut, Rapaces séduira sans l’ombre d’un doute les amateurs de polars suffisamment originaux dans leur construction pour arriver à tirer leur épingle du jeu.

Rapaces de Peter Douroutzis, avec Sami Bouajila, Mallory Wanecque, Jean-Pierre Daroussin, Valérie Donzelli, Stefan Crepon, Andréa Bescond, France, 1h44. Actuellement sur les écrans.

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