SIRAT (Oliver Laxe, 2025)

Après que sa fille ait disparu sans laisser de traces lors d’une rave party au Maroc il y a plusieurs mois, Luis (Sergi Lopez) se lance à sa recherche. Il est accompagné dans son périple par Esteban (Bruno Nunez), son fils de douze ans. Ses recherches le poussent à intégrer des techno-party illégales en plein désert…

J’avoue, votre honneur : je m’étais promis, voire juré, de ne défendre ici que des causes auxquelles j’étais acquis. Mais quand un film me laisse relativement de marbre, moi le simple cinéphage ayant malgré tout acquis certaines connaissances au fil de temps, face à une intelligentsia auto-proclamée et inconditionnellement acquise à la cause d’une œuvre, je ne peux m’empêcher de m’insurger poliment.

Le film incriminé s’appelle Sirat, il est réalisé par le réalisateur galicien Oliver Laxe et, depuis sa consécration indirecte à Cannes (certains y voyaient une Palme d’Or évidente), a conquis la stratosphère hipster. Donc les gens qui regardent de vrais films pour les bonnes raisons (comprendre : si tu ne trouves pas un sous-texte socio-politique a un long métrage, ben c’est que c’est de la merde).

Je suis malgré tout allé voir Sirat assez confiant au vu des retours reçus, en provenance de différents milieux. Donc pas uniquement les gardiens du temple et autres Ayatollah du cinéma, jamais avares d’une petite leçon de morale à deux balles.

« Eh bé » comme on dit loin des capitales. Consternation serait une terminologie un peu forte au regard de mon sentiment à la sortie de la salle. Mais bon, faire un cirque pareil pour un film relativement chiant, totalement assourdissant (parait que le compositeur de la BO est un haut ponte de la scène électro berlinoise. Je lui cherche encore un quelconque signe de génie), Sirat contient juste deux séquences chocs, totalement inattendues, très bien orchestrées, et qui font en toute logique leur petit effet (pas très surprenant quand survient quelque chose de stimulant alors qu’on s’emmerde ferme depuis 70 minutes).

Visiblement – bien que ne le disant pas – sous influence d’autres métrages autrement plus réussis en mode « conquistadors de l’inutile » (Aguirre et Fitzcarraldo de Werner Herzog, The Lost City of Z de James Gray), Oliver Laxe réduit ici à néant une quelconque possibilité de « divertissement » au profit d’un nihilisme creux comme une amphore made in China.

Car une œuvre nihiliste ne peut pas simplement, sauf si elle se fout totalement du monde, être quelque chose où on ne fait qu’aligner de jolies séquences bien foutues, avec l’appui d’un scénario tenant dans un dé à coudre et avec l’argument bidon de la fin ouverte menant à une introspection personnelle.

Bon, a priori je n’ai rien compris : Sirat serait plus qu’un film, un authentique déclencheur permettant de « regarder à l’intérieur soi à travers le goût pour le crépuscule du cinéaste, qui peut également être une source de lumière » (je n’invente rien : je ne fais que citer le dossier de presse du film).

Laxe ferait beaucoup mieux d’assumer s’être largement inspiré du Salaire de la peur de Henri-Georges Clouzot et de Sorcerer, son admirable remake réalisé par William Friedkin. Egalement d’avoir sur sa table de chevet des films australiens barrés tels que Wake in Fright de Ted Kotcheff et le sublime mais toujours méconnu Walkabout de Nicholas Roeg. Aussi, de manière peut-être moins flagrante car entrant dans le registre « le film n’a tellement rien à voir que je peux piquer des plans entiers sans que personne ne moufte », Pink Floyd at Pompeii, auquel la présente « œuvre » subtilise carrément toute sa séquence introductive.

Renvoyons donc les personnes ayant trouvé Sirat exceptionnel – ce qui reste évidemment leur droit le plus légitime – devant les films précités et surtout ce qui restera à tout jamais comme le mètre-étalon du genre : Le trésor de la Sierra Madre de John Huston, incontestablement un des meilleurs métrages jamais réalisés, et sur lequel le poids des années n’a que très peu d’emprise. Une œuvre essentielle, majeure, dans laquelle n’importe quel spectateur pourra s’identifier. Tout le contraire du film de Sirat en somme…

Sirat d’Oliver Laxe, avec Sergi Lopez, Stefania Gadda, Jushua Liam Herderson, Tonin Janvier, Jade Oukid, Richard Bellamy, Espagne/France, 1h55. Actuellement sur les écrans.

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