Pour la première fois depuis des années, le train s’est arrêté à Black Rock. Un homme en descend. Très rapidement, le curieux personnage, répondant au nom de John Macreedy (Spencer Tracy), éveille l’attention des rares habitants de cette bourgade perdue en plein désert. Qui est ce sexagénaire manchot ? Que vient-il faire à Black Rock ? Et surtout, pourquoi les résidents semblent-t-ils à ce point perturbé par sa venue ?
Néo-western magnétique, Bad Day at Black Rock fait partie de ces films de prime abord insignifiants. Il reste pourtant l’un des plus vibrants ouvrages produits par Hollywood dans années 1950.
Proposée dans un premier temps à Robert Wise, la mise en scène de Un homme est passé atterrit dans les mains de John Sturges, alors sous contrat avec la Metro-Goldwyn-Mayer. Il n’est sans doute pas exagéré d’affirmer que ce « petit film » forgera la future carrière de Sturges, tardive mais superbe, qui donnera naissance à quelques-uns des plus beaux fleurons du cinéma populaire hollywoodien, entre la fin des années 1950 et le début des seventies.
Bad Day at Black Rock est également un métrage que Sergio Leone devait avoir sur sa table de chevet. Unité de lieu et de temps, action resserrée au maximum, le tout filmé dans un majestueux CinemaScope, atteste de l’influence que le présent long métrage a sans doute eu sur Leone. L’énigmatique personnage au centre de l’intrigue, faisant irruption dans un microcosme malsain afin d’y mettre bon ordre, a quant à lui certainement inspiré la dynamique de ses deux premiers westerns (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus).
Mettant en exergue le problème des émigrés nippo-américains malmenés aux Etats-Unis après 1941, Bad Day at Black Rock parvient mieux que n’importe quel pamphlet frontal à sensibiliser le public à un état de fait dramatique bien qu’encore méconnu de nos jours en provoquant un sentiment de malaise évident. Une bobine précieuse à la fois dense, simple, resserrée et efficace, qui reste encore aujourd’hui très moderne dans sa forme. A (re)découvrir de toute urgence donc.
Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »
Où voir le film ?
Jadis, Bad Day at Black Rock fut disponible en DVD. Depuis, il a été réédité en Blu-ray chez Warner Archive, mais sans la moindre option française. Un disque homologue, plus ou moins légal, est apparu en Espagne et, ô miracle, toutes les options françaises y sont disponibles et la copie est aussi rutilante qu’outre-Atlantique.
