HAROLD ROBBINS presents the Music of ANTONIO CARLOS JOBIM  “Music from THE ADVENTURERS – THE RAY BROWN ORCHESTRA / Arranged by QUINCY JONES” (1970, Symbolic/Varese Sarabande)

Au rayon des énigmes musicales, ce disque en est une remarquable. Les informations à son sujet étant difficiles à confirmer, l’exposé suivant est donc à prendre au conditionnel.

Fier du succès fracassant du film Alfie et venant de réaliser son premier James Bond (On ne vit que deux fois), le cinéaste britannique Lewis Gilbert se voit offrir un pont d’or par la Paramount pour réaliser l’adaptation du prochain livre de Harold Robbins, auteur américain restant encore aujourd’hui comme l’un des auteurs les plus lus à travers le globe (750 millions de livres vendus, alors que l’écrivain reste totalement inconnu en France).

Robbins étant l’écrivain à succès au milieu des années 1960, les droits de son futur livre The Adventurers, dont il n’a pas encore écrit une ligne, sont vendus au producteur Joseph E. Levine qui s’associera, au vu de l’ampleur du projet d’adaptation cinématographique, avec la Paramount, à ce moment-là au bord de la faillite.

Écrit par Robbins himself, le premier scénario du film est rejeté par Lewis Gilbert. Motif : trop sombre et violent pour se voir transposé en Epic, genre ayant connu ses heures de gloire 10 ans plus tôt, lui aussi en perte de vitesse à l’aube des 70s (ceci n’empêchera pourtant pas les majors de continuer à produire des fours retentissants jusqu’en 1973).

Charcuté d’une trentaine de minute à la hâte par le studio suite à des séances-tests catastrophiques, expurgé de son côté « trashy » (Aznavour ayant une garçonnière déguisée en chambre de torture moyenâgeuse, pas possible ? vérifiez donc pour voir…), The Adventurers restera pourtant dans les annales pour être le premier (le seul ?) film dont l’avant-première devant l’équipe de tournage et un parterre d’invités prestigieux se fera… à bord d’un Boeing 747 en plein vol, lui-aussi en inauguration ! Une double-baptême assez saugrenu il faut bien le dire, mais tellement surréaliste qu’on aurait adoré y assister.

Autre étrangeté : la bande originale du film est confiée à Antonio Carlos Jobim. Ce sera le seul « soundtrack » américain de sa carrière. On est d’ailleurs étonné par la tenue très classique, pour ne pas dire académique, de l’ensemble. Surtout quand on sait qu’Eumir Deodato tenait ici la position de producteur des sessions, mais aussi de compositeur de certains thèmes (son apport a sans doute été plus important qu’on ne le pense, une phrase-bateau, placée en fin de générique du film, semble attester de la véracité de la chose). Autre curiosité : certaines musiques de source (comprendre : des morceaux que les personnages entendent en même temps que le spectateur) sont à mettre au crédit de Gianni Ferrio.

Si le disque de la bande originale du film n’est pas passé à la postérité, il aura largement servi l’album Tide de Jobim, produit par Deodato la même année, plusieurs thèmes composés pour The Adventurers ayant été réutilisés/réarrangés pour l’occasion. Pourtant, la meilleure déclinaison musicale du travail de Jobim pour The Adventurers se situe ailleurs encore.

Sans doute déçu d’avoir été écarté de l’adaptation de son ouvrage, Harold Robbins produit de son côté un album en utilisant directement son patronyme comme argument de vente, mais aussi le titre et l’iconographie du film, sans doute afin mieux brouiller les pistes.

Egalement vendu donc comme étant la musique du film de Lewis Gilbert, cet OVNI, chapeauté par un Quincy Jones au meilleur de sa forme (avec également la complicité de personnalités indispensable de la scène soul-funk US, telles que Dave Grusin et J.J. Johnson), est en majeure partie constitué d’appropriations groovy assez incroyables du travail de Jobim. Seule une plage (Coming and Going, assurément la plus culte) est une composition originale.

La redécouverte aujourd’hui de la présente pépite met aussi et surtout à jour une énorme supercherie, visiblement encore peu connue du grand public : la deuxième plage du disque (Go Down Dying) semblera en effet familière aux aficionados d’albums incontournables des années 1990, puisqu’elle servira de matrice à Human Behaviour, le premier tube de Björk, qui ouvre Debut, son premier album ! Et sans grande surprise, la composition de ce titre archi-connu est attribuée à la chanteuse islandaise et Nellee Hooper, figure incontournable de la production musicale britannique de l’époque. Aucune mention du travail d’Antonio Carlos Jobim ou de Quincy Jones n’apparaissent dans les crédits de l’album de Björk…

Le fameux seul titre original de l’album (avec la complicité vocale de la comédienne Sally Kellerman), à ne pas mettre entre toutes les oreilles :

Le titre sans lequel Björk n’aurait peut-être pas connu un début de carrière aussi fracassant :

HERETIC (Scott Beck/Bryan Woods, 2024)

Depuis quelques années, deux studios indépendants américains se chamaillent afin de savoir lequel sera celui détenant la Palme d’un renouveau au registre horrifique. Tandis que Blumhouse se coltine encore et toujours la réputation d’être avant tout à l’origine de films pour adolescents produits à la chaine, A24 reste, on-ne-sait trop par quel miracle, celui dont la réputation semble inébranlable, et ce malgré plusieurs faux pas.

On en oublierait presque que Blumhouse est à l’origine de métrages aussi réjouissants que Sinister de Scott Derrickson, Get Out de Jordan Peele ou BlacKkKlansman de Spike Lee. De son côté, A24 brouille les cartes en ne se contentant pas uniquement de produire des métrages classés au registre horrifique. Astuce permettant à la société de maintenir, du moins sur le papier, une sorte d’aura uniquement constitué de pièces maitresses.

Sorti il y a quelques semaines sur sol américain, Heretic, dernière production de genre labellisée A24, arrive sur le Vieux Continent après avoir cassé la baraque aux Etats-Unis. On était donc très curieux de constater du résultat de ce premier long métrage signé par Scott Beck et Bryan Woods, tandem ayant réussi à se démarquer grâce à l’imparable scénario de Sans un bruit (A Quiet Place, John Krasinski, 2018), assurément le film horrifique le plus original et efficace de ces dernières années.

La première heure de Heretic laisse d’ailleurs sans voix, tant tout y est réglé comme du papier à musique. Introduction réduite au minimum, propulsant dès les premières minutes deux jeunes missionnaires mormones (Chloe East et Sophie Thatcher, toutes deux formidables) à la porte de Monsieur Reed (étonnant Hugh Grant), un homme peut-être bien moins agréable qu’il n’y parait.

Pendant près de 60 minutes, le métrage ne fait appel à aucun autre artifice qu’une pièce boisée dans laquelle trois personnages vont se livrer à une joute verbale digne d’un concours d’éloquence. Bien moins naïf qu’il n’y parait, Reed se joue des deux jeunes convaincues afin d’ébranler leurs croyances à priori infaillibles. Ceci en laissant monter, lentement mais sûrement, une tension ultra malaisante.

Et puis patatras : plutôt que de continuer sur ce formidable postulat, laissant réellement entrevoir le meilleur film d’horreur de ces 10 dernières années, Heretic se vautre sur sa deuxième moitié dans un dédales de situations aussi grotesques que poussives. D’un homme extrêmement habile et patient, Mister Reed devient un vulgaire boogeyman n’ayant plus aucune limite.

Jamais un film de genre de nous avait laissé un tel sentiment partagé avec, d’un côté, une première partie digne d’un essai que l’on pourrait facilement montrer à des étudiants en cinéma, et une seconde qui rebutera sans doute même les afficionados de Saw et autre métrage porn-gore. Peut-être est-il possible d’acheter une demi-place de cinéma et de quitter la salle à l’entracte ?

Texte originellement publié dans la presse romande en novembre 2024.

Où voir le film ?

Heretic est disponible en Blu-ray et DVD chez Le Pacte (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment AG)

ZODIAC (David Fincher, 2007)

Le cinéaste David Fincher revient avec un thriller mettant en scène un serial killer. Mais au lieu de signer un simple long-métrage dans la mouvance de Se7en, ce surdoué décide de se pencher d’avantage sur l’investigation et l’enquête que sur le tueur. Un travail en définitive plus proche des Hommes du Président que du film qui fit sa renommée.

De 1969 à l’aube des années 80, l’affaire du « Tueur du Zodiaque » défrayant la chronique aux Etats-Unis, sans qu’aucun suspect ne soit jamais appréhendé. A coup de provocations par presse interposée et grâce à sa faculté d’échapper aux forces de l’ordre, Zodiac sera à juste titre comparé à Jack l’Eventreur. Le destin de trois hommes en sera d’ailleurs à jamais bouleversé : L’inspecteur David Toschi (Mark Ruffalo), le reporteur Paul Avery (Robert Downey Jr.) et Robert Graysmith (Jake Gyllenhaal), timide dessinateur de presse pour qui cette affaire deviendra une véritable quête personnelle.

David Fincher avait annoncé la couleur dès la préparation de Zodiac, à savoir qu’il ne ferait pas un nouveau Se7en. En effet, difficile retour aux sources pour un cinéaste connu de tous pour avoir réalisé l’un des films de serial killer les plus convaincants des années 90. Ardue donc d’entreprendre une reconstitution minutieuse de l’affaire du Zodiaque, sans que personne ne puisse entreprendre la moindre comparaison avec son long-métrage de 1995.

Intelligent, Fincher décide donc de cibler d’avantage son intrigue sur les principaux protagonistes de la laborieuse enquête que sur le tueur proprement parlé. Ainsi, Zodiac n’est ici qu’une une astuce scénaristique afin de pouvoir faire progresser l’obsession des trois enquêteurs tentant de faire toute la lumière sur l’affaire. A la manière d’Alan J. Pakula avec Les Hommes du Président, David Fincher livre un film d’investigation palpitant, sans jamais verser dans le sordide, pas plus que dans la violence graphique.

Assurément l’un des meilleurs films que l’on ait pu voir depuis le début de la décennie, Zodiac n’est donc pas une œuvre à réserver aux amateurs de sensations fortes. Au contraire : David Fincher parvient à captiver le spectateur de la même manière que le furent les véritables acteurs de cette sordide histoire. A voir impérativement, à condition bien entendu d’aimer être surpris par l’originalité d’un film à gros budget.

Texte originellement publié dans la presse romande en mai 2007.

Où voir le film ?

Comme bientôt tous les films de David Fincher, Zodiac vient de faire peau neuve, grâce à un nouveau master 4K, supervisé par le réalisateur. On est cependant surpris, pour ne pas dire carrément déçu, de ne trouver sur l’édition qui vient d’apparaitre dans nos bacs un disque ne proposant rien dautre que la version cinéma de film en format UHD.

Il peut donc d’avérer plus intéressant d’acquérir une version homologue européenne, ces dernières proposants toutes, en plus des mêmes options de langues et pour un prix comparable, le Blu-ray du film contenant le Director’s Cut du film (5 petites minutes rendant objectivement le métrage encore meilleur) et  des heures de bonus réellement passionnantes.

George Lazenby, 29 juin 2013

A la fin du mois de juin 2013, George Lazenby était de retour au Piz Gloria, point culminant du Schilthorn, lieu de tournage principal du film Au Service Secret de Sa Majesté, afin d’inaugurer le nouvel espace dédié à l’agent 007. L’occasion idéale pour tenter échanger avec un comédien jamais avare d’anecdotes piquantes.

George Lazenby et la James Bond Girl Sylvana Henriques, également conviée au Schilthorn lors de l’inauguration du nouvel espace consacré à l’agent 007.

Vous avez décroché en 1968 le rôle le plus convoité au cinéma depuis celui de Scarlett O’Hara. Comment avez-vous réagi quand la production vous a informée que vous seriez le prochain 007 ?

Ce fut avant tout un soulagement. Il faut savoir que j’ai dû faire maints « screen tests » et que la décision était sans arrêt repoussée. Cela a pris des mois. Albert R. Broccoli et Harry Salzman, les deux producteurs de la franchise, voulaient voir un maximum de comédiens afin d’être sûr de leur choix. C’est finalement mes talents en arts martiaux, qui ont valu au pauvre Yuri Borienko, un des « vilains » du film, un nez cassé et à moi mon engagement (rires)

Votre première scène à l’écran a été tournée ici au Piz Gloria. Dans cette dernière, vous débarquez en kilt, sous la couverture d’un généalogiste, dans cet endroit divin peuplé pour l’occasion de douze James Bond Girls. Des superbes filles très clairement attirées par 007, et dont ce dernier tire agréablement profit. En a-t-il été de même pour George Lazenby ?

Absolument ! (rires) Mürren est un petit village isolé et l’équipe est restée sur place pendant plus de 6 mois. Cela créer des liens qui, parfois, pour ne pas dire souvent, deviennent concrets…

Parlez-nous un peu de Angela Scoular, la principale « pensionnaire » du Piz Gloria, avec qui l’alchimie à l’écran fonctionne à merveille…

Vous voulez savoir si j’ai couché avec elle ? Non, elle ne faisait pas partie de mon tableau de chasse (rires). Mais c’est vrai que notre entente était formidable. Il y a d’ailleurs une anecdote très amusante à propos de la scène où Angela inscrit le numéro de sa chambre sur le haut de ma cuisse. Lors de la première prise, l’équipe avait cuit une énorme saucisse de Frankfort et l’avait attachée à l’intérieur de mon kilt. Evidemment, quand Angela a avancé sa main, elle s’est mise à hurler et nous étions tous morts de rire. Angela Scoular fut une magnifique comédienne. Dommage que sa vie ait fini de manière aussi tragique (n.d.l.r. : Angela Scoular s’est suicidée en 2011)

-A l’époque, vous pensiez que Bond aurait eu avantage à être plus en phase avec son temps, notamment avec l’appui de musique pop…

…Et j’avais tort à 100%. Vous savez en ce temps-là, j’étais sous l’influence de la culture hippie. Easy Rider est sorti en même temps que Au Service Secret de Sa Majesté et il me paraissait clair que Bond ne survivrait pas plus à l’époque que nous vivions qu’au départ de Sean Connery. Pour moi, Louis Armstrong, qui interprète la chanson principale du film, venait d’un autre temps. Aujourd’hui, We Have All the Time in the World fait partie de la mémoire collective, et le score composé par John Barry pour le film est considéré comme le chef d’œuvre de la saga. J’ai commis beaucoup d’erreurs de jugement à cette période, dont la principale fut très clairement de ne pas accepter de faire un deuxième James Bond…

A la fin de la scène prégénérique du film, pour prononcez la phrase « Ca n’était jamais arrivé à l’autre », allusion directe en guise de clin d’œil à Sean Connery. Etait-ce votre idée ?

Oui, cette réplique vient effectivement de moi. Je l’ai prononcée lors du tournage de la scène alors que le plan était terminé et en pensant que cette dernière serait évidemment coupée. Mais Peter Hunt, le réalisateur, a trouvé l’idée plutôt amusante. Du coup, on a refait la prise en modifiant quelques détails et cette phrase désormais culte est restée dans le montage final du film.

Une légende circule depuis 30 ans maintenant. A savoir que Kevin McClory, le producteur du film Jamais Plus Jamais, qui avait fait grand bruit à l’époque car ce James Bond était en concurrence directe avec les productions d’Albert R. Broccoli, vous aurait proposé de reprendre le rôle…

C’est tout à fait exact. J’ai été approché de manière très concrète par McClory à l’époque. Mais il faut savoir que l’homme avait également proposé le rôle à Sean Connery, tout en pensant que ce dernier refuserait. A la surprise générale, Sean a donné son accord et, du même coup, ma « candidature » est tombée à l’eau. Il faut définitivement croire que j’étais fait que pour incarner 007 une seule et unique fois…

© photo : Julien Comelli

RAPACES (Peter Douroutzis, 2025)

Vieux briscard du journalisme de fait divers, Samuel (Sami Bouajila) et sa fille Ava (Mallaury Wanecque), actuellement en stage dans la rédaction, couvrent pour leur magazine le meurtre d’une jeune fille attaquée à l’acide. Frappé par la brutalité de ce meurtre, ainsi que par l’intérêt d’Ava pour l’affaire, Samuel décide de mener une enquête indépendante, à l’insu de sa rédaction. Il découvre des similitudes troublantes avec l’assassinat d’une autre femme, survenu dans la même région deux ans auparavant…

A la vision de Rapaces, La nuit du 12 nous vient immédiatement à l’esprit. Prenant également son point d’ancrage dans un fait divers authentique (l’affaire Elodie Kulik), Rapaces se distance rapidement, comme le film de Dominik Moll, du réel pour adopter un point de vue éloigné du réel. Là au le film multi-césarisé jouait très habilement la carte du cold case obsédant son enquêteur (canevas décidément à la base des plus mémorables thrillers de l’histoire du cinéma), Rapaces opte pour l’enquête journalistique parallèle avec un dénouement.

Si la volonté du cinéaste Peter Douroutzis est à la fois originale et très efficace, elle en devient aussi le point ambivalent de l’entreprise. Le titre du film et la très longue séquence d’introduction laisse entendre clairement que les journalistes de l’hebdomadaire Détective (puisque la rédaction est nommée) sont prêts à tout pour atteindre leur but, quitte à utiliser des méthodes plus que discutables. Or, plus les minutes avancent, plus il parait évident que le réalisateur tente de revaloriser ce genre de presse (dont les prémices, au début du XXe Siècle, furent chapeautés par de remarquables plumes).

Ce point de vue changeant en cours de récit oblige également Douroutzis de laisser sur le carreau ses personnages secondaires (Jean-Pierre Daroussin, Valérie Donzelli, Stefan Crepin), tous excellents. On en serait même à se demander pourquoi ces derniers ont été à ce point développés, puisque leurs parcours personnels ne se télescopent jamais avec le récit  central.Par chance, la mise en scène et le scénario sont suffisamment denses pour l’on oublie presque de problème pourtant fondamental.

Doté d’un suspense exceptionnellement efficace, les 20 dernières minutes du film sont d’ailleurs puissance rare, sans pour autant que le réalisateur ne fasse appel à des artifices inutiles. Toute la séquence finale (à propos de laquelle nous ne divulgâcheront évidemment pas) est d’ailleurs tellement simple, dans sa structure narrative, qu’on est même surpris qu’elle fonctionne si bien.

Niveau casting, le film profite du succès de L’amour ouf, car tenu en bonne partie par la jeune Mallory Wanecque, véritable révélation du film de Gilles Lellouche. Sans être exempt de défaut, Rapaces séduira sans l’ombre d’un doute les amateurs de polars suffisamment originaux dans leur construction pour arriver à tirer leur épingle du jeu.

Rapaces de Peter Douroutzis, avec Sami Bouajila, Mallory Wanecque, Jean-Pierre Daroussin, Valérie Donzelli, Stefan Crepon, Andréa Bescond, France, 1h44. Actuellement sur les écrans.

LA MALEDICTION DE LA VEUVE NOIRE (CURSE OF THE BLACK WIDOW, Dan Curtis, 1977)

Suite au décès de son ami Frank Chatham dans d’étranges circonstances alors qu’il tentait de venir en aide à une mystérieuse inconnue, Mark Higbie (Tony Franciosa), un détective privé, décide de mener sa propre enquête. Il découvre que Frank fréquentait Leigh Lockwood (Donna Mills), une jeune et jolie veuve, dont la discrète sœur jumelle Laura (Patty Duke Austin) présente un passé bien énigmatique…

Parmi les téléfilms ayant traumatisé une génération de téléspectateurs francophones (car diffusés à une heure de grande écoute), deux cas précis sont restés dans les mémoires : Le triangle du Diable (Satan’s Triangle, 1975) de Sutton Roley et La malédiction de la veuve noire de Dan Curtis. Pas étonnant dès lors que cette œuvre destinée au petit écran ait été reprise au Film de minuit quelques années après sa diffusion sur les chaînes françaises.

Réalisé et produit par Curtis, véritable visionnaire du petit écran responsable d’une poignée de purs chefs-d’œuvre, La malédiction de la veuve noire reprend tous les éléments chers au cinéaste. Ainsi, le fantastique n’est qu’un élément véhiculant une intrigue policière, le tout placé dans un univers contemporain. Comme dans la plupart des précédents téléfilms produits et/ou réalisés par Curtis et dont l’intrigue aborde le surnaturel (The Night Stalker, The Night Strangler, The Norliss Tapes, Scream of the Wolf, Trilogy of Terror), Curse of the Black Widow conserve une belle ambiance typique de la télévision américaine des années 1970, le tout contrebalancé par une pincée d’humour noir.

C’est au niveau du développement de l’intrigue que cette Malédiction pêche quelque peu. Lorgnant autant du côté de Jacques Tourneur (La féline, 1942) que de Robert Aldrich (Mais qu’avez-vous fait à Baby Jane ?, 1962) tout en plagiant quasi ouvertement le partie centrale de Trilogy of Terror, le scénario de Robert Blees (Crapauds, Le retour de l’abominable docteur Phibes) finit par se perdre à force de ne pas prendre parti.

Moins percutant que les autres ouvrages de Dan Curtis scénarisés par Richard Matheson (L’homme qui rétrécit, Le survivant), La malédiction de la veuve noire reste un excellent moment de télévision américaine issu d’une époque aujourd’hui révolue, où l’audace marchait de concert avec une forme noble de traditionalisme.

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Sorti dernièrement en DVD chez LCJ dans la collection Les téléfilms cultes de votre jeunesse (avec une belle faute d’orthographe, « culte » étant un mot invariable), cette exhumation est une semi-bénédiction. Si la master utilisé affiche des signes évidents de vieillesse, on est surtout déçu que le DVD ne propose qu’une version française.

JOHN BARRY – The Polydor Years (Quartet Records)

Après de nombreuses années passées chez CBS, le compositeur John Barry tombe sous la houlette de Polydor en 1972. En sortiront 3 albums, représentant une période d’entre-deux pour le compositeur, à cheval entre ses meilleures partitions pour le petit et le grand écran (On Her Majesty’s Secret Service, Diamonds Are Forever, The Persuaders) et une section de carrière plus académique (Out Of Africa, Dance With Wolves).

Regroupé dans un luxueux coffret récemment sorti chez Quartet Records, « l’intégrale Polydor » de Barry pourra rebuter l’afficionados du compositeur. En effet, deux des trois albums présents ici (The Concert et Americans) étaient déjà parus en France dans la collection « Ecoutez le cinéma » il y a quelques années. Le dernier quant à lui (Play It Again) se trouvait déjà en quasi-intégralité sur le volume consacré à John Barry de l’excellente collection germanique Louge Legends, sorti en 2001.

Le mélomane n’ayant encore rien acquis de cette période jettera sans hésitation son dévolu sur le présent objet (respectant pour la première fois les visuels originaux des disques), tandis que le collectionneur chevronné tentera de résister au besoin de posséder la micro-poignée de titres manquant à l’appel précédemment (5 au total).

Parmi les nombreux thèmes réinterprétés ici de manière beaucoup plus inspirée que sur les albums CBS de l’artiste, mentionnons l’incontournable This Way Mary, version « amicalemenvôtrienne » du thème du film Mary, Queen of Scots. Un riffle qui ne manquera d’ailleurs pas d’inspirer le combo britannique Chapterhouse au début des années 1990, pour ce qui reste sans l’ombre d’un doute leur meilleur titre. Produit à une époque où on ne se souciait d’ailleurs guère de signifier un emprunt pourtant évident, sans lequel le morceau serait à coup-sûr resté insignifiant…

Le thème original de John Barry :

L’emprunt peu discret de Chapterhouse, non-mentionné sur le disque :

A CAUSE D’UN ASSASSINAT (THE PARALLAX VIEW, Alan J. Pakula, 1974)

1971 : Charles Carroll, candidat démocrate aux élections présidentielles américaines, est assassiné lors d’une conférence dinatoire par un des serveurs. Ayant conclu à l’acte d’un déséquilibré, la commission d’enquête n’a pas jugé utile de retenir la thèse d’une éventuelle conspiration.

1974 : Lee Carter (Paula Prentiss), journaliste présente lors de l’assassinat de Carroll, est persuadée que les différents témoins de l’affaire se font éliminer méthodiquement et que, de surcroit, sa vie est en danger. Elle fait part de ses craintes à Joe Frady (Warren Beatty), reporter de petite envergure et ex-petit ami, qui ne prête pas grande attention à ses dires. Peu de temps après, Lee est retrouvée morte avec pour cause officielle du décès avancée, un suicide…

Dès l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, l’Amérique va être en proie aux différentes théories complotistes. Rapidement, le Septième Art va s’engouffrer dans la brèche. Si les sixties laissent déjà émerger quelques perles, notamment grâce à John Frankenheimer (Un crime dans la tête, Sept jours en mai, L’opération diaboloque), les plus beaux fleurons du genre seront produits durant la décennie suivante.

A cause d’un assassinat ouvre les festivités auxquelles se joindront une kyrielle de métrages exceptionnels : de Conversation secrète à Marathon Man, de Capricorn One aux Trois jours du Condor, la quintessence du film de conspiration sera réalisée par le même Alan J. Pakula deux ans plus tard. Les hommes du président, chef-d’œuvre absolu, restant aujourd’hui encore comme l’œuvre ultime au registre « théorie du complot », mais également comme la meilleure représentation du métier de journaliste jamais vue à l’écran.

A cause d’un assassinat a donc en quelque sorte servi de brouillon aux Hommes du président. Mais quel brouillon ! Ouvrant la voie à un sous-genre encore aujourd’hui existant, Alan J. Pakula se permet une réalisation ultra-originale. Utilisant à chaque instant des ellipses de montage, le réalisateur court-circuite maints « passages obligés ». Outre le fait de semer la confusion dans l’esprit du spectateur, l’astuce permet à ce dernier de se glisser dans la peau de Joe Frady perdu dans les dédales d’une affaire qui, bien évidemment, le dépasse et dont il sera le bouc émissaire.

On retiendra également une courte séquence hallucinante et hallucinée : tandis que Frady tente de se faire recruter au sein de la firme qu’il soupçonne d’être responsable de plusieurs attentats politiques, il doit subir une séance d’initiation particulière via un film de propagande. Composé d’images anodines, voire rassurantes, le montage en répétition de la séquence, alternée de mots uniques utilisés de manière anarchique, rend l’ensemble terrifiant et fait basculer le métrage vers un dernier acte totalement paranoïaque : en deux petites minutes, Pakula démontre qu’un simple diaporama astucieusement présenté peut devenir une véritable arme.

Soutenu par une bande originale hypnotique de Michael Small, The Parallax View est un film aussi effrayant que puissant. Un pur chef-d’œuvre qui influencera maints cinéastes. D’ailleurs fort est à parier qu’Henri Verneuil a écrit son film I… comme Icare avec The Parallax View à l’esprit.

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

A cause d’un assassinat est disponible en Coffret Ultra Collector Blu-ray+DVD+livre (CUC pour les initiés) chez Carlotta. Une édition Blu-ray simple est également disponible, mais on ne pourra que conseiller à l’aficionados de thrillers paranoïaques 70s à se diriger du côté du coffret, le livre étant de qualité éditoriale exceptionnelle.

RUE BARBARE (Gilles Béhat, 1984)

Dans un quartier périphérique, la bande des « Barbares » domine la rue et le monde de la nuit. Son chef, Matthieu Hagen (Bernard-Pierre Donnadieu) dit « Matt », règne par la terreur. Ancien membre de la bande, Daniel Chetman (Bernard Giraudeau), dit « Chet », est rangé des voitures depuis 10 ans. Mais un soir, alors qu’il rentre chez lui, il répond à l’appel au secours d’une jeune Chinoise, abandonnée dans un chantier après avoir été violée

Après avoir été adapté à plusieurs reprises à Hollywood (Les passagers de la nuit de Delmer Daves, Poursuites dans la nuit de Jacques Tourner), David Goodis, célèbre auteur de romans noirs, intéresse les cinéastes français. François Truffaut (Tirez sur le pianiste), Henri Verneuil (Le casse) et René Clément (La course du lièvre à travers les champs) sauront d’ailleurs tirer le meilleur de son œuvre en transposant l’univers très américain de l’auteur sous d’autres horizons. Il n’en est malheureusement pas de même pour Gilles Béhat.

Mais qu’est-il arrivé au polar français dès 1983 ? La balance de Bob Swain, récompensé on ne sait par quel miracle par les 3 plus prestigieux César, et Le marginal, polar outrancier de Jacques Deray où Belmondo amorce le début de son déclin artistique, semblent attester d’une volonté en Hexagone de rivaliser dès cet instant avec le Mad Max 2 de George Miller. Dès lors, tous les polars seront outranciers, homophobes, racistes et violents. Donc forcément bêtes et inutilement vulgaires. Rue barbare est sans conteste le métrage ayant amorcé de début de cette descente aux enfers cinématographique.

On aimerait bien rire en voyant Bernard Giraudeau visiblement sous l’influence vestimentaire de Renaud Séchan, Jean-Pierre Kalfon sous les traits d’un Dick Rivers de sous-préfecture ne manquant jamais une occasion de chanter de la soupe muni d’un synthé Casio, Bernard-Pierre Donnadieu déguisé en parrain pédophile de Seine-Saint-Denis habillé de blanc et botté de santiags rouges, et Christine Boisson en mère maquerelle choucroutée et visiblement mazoutée au speed. Mais tout ceci est tellement « too much » qu’il n’est pas possible, même dans les meilleures dispositions possibles (comprendre avec 2 grammes d’alcool dans le sang), de trouver la moindre circonstance atténuante à cette horreur qui aura pourtant amassé plus de 4 millions de spectateurs en salles à l’époque de sa sortie.

Rassurons-nous : le cinéma de genre français a fait encore pire les années suivantes avec Terminus, post-nuke risible avec un Johnny Hallyday peroxydé, et Diesel, Mad Max de 3e zone avec Gérard Klein (si, si : L’instit, c’est bien lui). Gilles Béhat parviendra quant à lui à faire encore plus débile l’année suivante avec Urgence, autre supplice cinématographique, également diffusé au Film de minuit. Pauvre France, et par extension pauvre Suisse…

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Rue barbare est disponible en Blu-ray dans la collection Nos années 80 de StudioCanal

Sydney Pollack, août 2002

Né le 1er juillet 1934, Sydney Pollack est un homme de cinéma qui porte plusieurs casquettes. Réalisateur accompli, il est également acteur et producteur. Il a signé, durant les 30 dernières années, un nombre hallucinant de films populaires, parmi lesquels Yakuza, Jeremiah Johnson, Out of Africa, Tootsie ou encore On achève bien les Chevaux, qui resteront à coup sûr dans l’histoire. C’est avec un beaucoup d’humour qu’il s’explique sur sa profession et la situation du cinéma actuel.

Sydney Pollack a reçu un Léopard d’honneur pour l’ensemble de sa carrière lors la 55e édition du Festival du Film de Locarno.

Votre cinéma est très hétéroclite. Êtes-vous une personne qui s’intéresse à tout dans la vie ?

Je suis effectivement passionné par beaucoup de choses, mais la diversité de mes sujets dépend surtout du fait que ma première préoccupation est de divertir les gens et non de faire passer un message. C’est merveilleux d’arriver à faire passer quelque chose, mais ce n’est en aucun cas mon but premier. Je fais des films, et peut-être parfois du cinéma…

Quelles conséquences a eu le 11 septembre sur le cinéma américain ?

Beaucoup moins que ce que les gens pensent. Il y a eu une courte période de panique juste après les événements, durant laquelle tout le monde s’est senti concerné par la catastrophe. A Hollywood, on s’est demandé s’il fallait continuer à montrer des terroristes à l’écran. Certains films ont d’ailleurs vu leur date de sortie ajournée. Et comme vous le voyez les choses se sont tassées très vite, et l’industrie du cinéma est très rapidement redevenue ce qu’elle était avant : l’image de marque d’une Amérique propre sur elle. Personnellement je ne sais pas ce qui est juste comme attitude. On dit que l’image de l’Amérique que Hollywood propage à travers le monde a eu une influence directe sur les événements du 11 septembre. Personnellement je ne sais pas si la fiction a autant d’impact que cela… Mais il est sûr que le 11 septembre a marqué la fin de quelque chose. C’est la première fois que ma patrie s’est rendue compte à quel point elle est vulnérable.  L’Amérique a vécu une courte période dorée, entre la fin de la guerre froide et les attaque du 11 septembre. Il est temps de nous rendre compte que nous ne sommes pas seuls et que nous ne pouvons plus continuer de faire comme si… Mais je ne suis pas spécialiste et ma fonction n’est pas d’expliquer le pourquoi du comment. Je pourrais au mieux en faire un film, mais cette tragique journée ne m’inspire pas outre mesure. Il a fallu aux américains 10 ans pour réaliser un film valable sur la guerre du Vietnam ; je ne pense donc pas qu’il soit possible de faire quelque chose d’intéressant sur cet événement pour l’instant.

Comment fait un réalisateur pour choisir le format de son film ?

Jusqu’en 1980, je tournais tout mes films en CinemaScope qui est, à mon sens, le meilleur format existant. Il vous permet par sa largeur de filmer d’une manière incomparable tout ce que vous voulez. Et puis la vidéo est entrée dans les mœurs, et j’ai commencé à réfléchir au fait que bon nombre de spectateurs allaient découvrir mes films dans leur salon. J’ai donc pris la décision d’arrêter de tourner mes films en Scope, pour que d’une part on ne puisse pas les recadrer, et que d’autre part le téléspectateur puisse découvrir mes films de la manière la plus optimale possible. Je me suis donc rabattu sur un format plus petit, et qui passe mieux à la télévision. Mais il est vrai qu’un film comme Out of Africa  aurait mérité le CinemaScope…

Vous avez réalisé le remake du film Sabrina de Billy Wilder. Quelles sont les motivations pour un grand réalisateur tel que vous pour accepter un tel projet ?

Oh mon dieu… Voilà la question que je redoute le plus (rires)! La première chose que j’ai fait lorsque le studio Paramount m’a appelé pour me dire qu’ils voulaient produire un remake de Sabrina a été de leur demander s’ils n’étaient pas devenus fous ! Puis Harrison Ford, qui avait déjà signé pour le film, m’a appelé personnellement, car il tenait beaucoup à ce que j’assume la réalisation. Comme je rêvais de travailler avec lui, c’était une bonne occasion. Et le producteur Scott Rubin, avec qui j’avais déjà travaillé sur La Firme, a beaucoup insisté. J’ai donc commencé à réfléchir, dans le fait que Sabrina n’est pas le meilleur film de Billy Wilder, et que je n’avais rien à perdre. L’original est très ancré dans les années 50, et le scénario de va pas très loin. C’était donc un bon challenge que de moderniser cette « love story », et de l’adapter à notre époque. J’ai même appelé Billy Wilder, qui est un ami, pour savoir ce qu’il en pensait. Comme à son habitude, il a d’abord ronchonné. Puis il a fini par lire le nouveau script, et il lui a apporté quelques modifications. Le film a donc fini par se faire. 5 ans plus tard, je me rend compte que c’était une erreur monumentale. Sabrina  restera toujours dans l’esprit des gens a l’image d’Audrey Hepburn et de Humphrey Bogart. Et même si ce n’est pas le meilleur film de Billy Wilder, il était définitivement trop populaire pour qu’on ose en faire un remake. Mais ce n’est pas une règle absolue : j’ai produit il y a 2 ans Le Talentueux Mr. Ripley, qui est un remake de Plein Soleil de René Clément. Et même si l’original est fantastique, les critiques ont encensé le film de Anthony Mighella, qui est effectivement à mon sens, meilleur que l’original… Mais pour Sabrina, je ne puis dire qu’une chose :  Mea Culpa…

Pensez-vous que le cinéma actuel soit plus commercial que celui que vous avez connu à vos débuts ?

Non, sincèrement je ne pense pas. En Amérique, on a de tous temps voulu faire du cinéma dans l’unique but de faire de l’argent, contrairement à l’Europe. Aux Etats-Unis se sont les même personnes qui fabriquent des films que ceux qui font des soda, croyez-moi ! Faire de l’argent : c’est l’unique règle là-bas. Et je ne pense pas au fond que ce soit une mauvaise chose. A chaque fois que j’ai fait un film, j’étais conscient que si il ne faisait pas un sou avec, je n’aurais jamais de crédit pour en faire un autre. C’était pour moi un challenge et une motivation que de faire de bons films. Si je suis encore là c’est simplement parce que j’ai eu la chance de faire plus de films qui ont rapportés de l’argent que de films qui en ont perdus (rires) ! Pour moi le succès d’un film ne s’arrête pas uniquement au premier week-end d’exploitation ou de la première semaine, mais plutôt sur la longévité d’un succès avec les années. Il est vrai que sur ce point de vue j’ai eu pas mal de chance avec des films tels que Nos Plus Belles Années, Tootsie ou Out of Africa, qui sont sans cesse rediffusés à la télévision. Et pour moi c’est ça la vrai récompense de mon travail.

Est-il difficile d’être acteur soi-même quand on est en premier lieu réalisateur ?

En fait, je fais l’acteur dans l’unique but d’espionner d’autres metteurs en scène (rires) ! Non plus sérieusement, je le fais plus pour rendre service que par conviction personnelle, car mon rôle principal reste celui de metteur en scène. Mais il est très intéressant de voir de quelle manière travaillent d’autres metteur en scène.  Kubrick par exemple savait exactement ce qu’il faisait. Il vous donnait tellement d’indications qu’il ne vous était pas possible d’improviser quoi que ce soit. Avec Woody Allen, c’est exactement l’inverse. Il ne vous dit rien (même pas bonjour !) et vous laisse improviser des scènes entières. Au résultat, cela donne des films spontanés, donc originaux. Mais en aucun cas mon travail d’acteur ne m’influence dans mes propres mise en scènes. Je ne me dirai jamais : « Qu’est ce que Kubrick aurait fait dans une telle situation ? ».

Vous êtes également producteur, que préférez-vous : réaliser ou produire ?

Réaliser, sans l’ombre d’une hésitation. Je suis devenu producteur car je suis un metteur en scène paresseux (rires). Je plaisante bien sûr… Il y a une quinzaine d’années, j’avais tellement de projets qui attendaient sur mon bureau que je me suis rendu compte que je n’arriverais jamais à tous les réaliser. Et le meilleur moyen que j’ai trouvé pour que la majeure partie de ces projets aboutissent était de les produire. Ca c’est fait comme ça… J’en suis à 26 films produits, et je vais continuer.

© photo : Pardo