LES RITES SEXUELS DU DIABLE (LOS RITOS SEXUALES DEL DIABLO, José Ramon Larraz, 1982)

Après la mort brutale de son frère, Carol (Vanessa Hidalgo) se rend en Angleterre chez sa belle-sœur Fiona (Helga Liné) avec son fiancé. Rapidement, elle découvre que cette dernière s’adonne à des pratiques de messes noires au sein d’une secte d’adorateurs du Diable…

Avec un titre pareillement racoleur, il y avait de quoi se méfier. Mais lorsqu’on s’aperçu que cette curieuse bobine espagnole, datant du début des années 1980, était paru sous la houlette d’Artus Films, l’envie de faire confiance à cet éditeur a le ligne éditoriale digne d’un parfait équilibriste passa au-dessus d’un quelconque a priori.

Premier constat : le travail d’équilibriste, consistant à mélanger les genres sans que la chose ne paraisse saugrenue, est autant applicable à Artus qu’au cinéaste José Ramon Larraz (Vampyres), tant le mix entre un érotisme graphique évident et une ambiance horrifique contemporaine, typique du cinéma ibérique de genre de l’époque, fait ici bon ménage.

De là à dire que Les rites sexuels du Diable est un cas d’école, il n’y a qu’un petit pas. On a beau chercher d’autre exemple de métrages ayant su surfer avec succès entre deux styles propres au cinéma bis, il semble en effet difficile de trouver plus représentatif que ce film de Larraz, pourtant considéré très injustement comme l’un de ses plus mauvais.

Restant encore à ce jour le seul réalisateur ayant une œuvre exclusivement destinée aux cinémas de quartier, mais dont un film s’est retrouvé en lice pour la Palme d’Or (Symptoms, 1974), Larraz parvient, au même titre que le britannique Pete Walker (dont Flagellations et Mortelles confessions, deux des meilleures bobines, sont également sortis chez Artus), à créer une ambiance hautement anxiogène avec peu de chose et des moyens ultra-réduits.

Tandis que toute l’intelligentsia culturelle sacralise l’exhumation miraculeuse du pourtant très moyen The Appointment de Lindsey C. Vickers (1981), la sortie du présent film de Larraz risque malheureusement de passer inaperçue en dehors du petit cercle d’aficionados d’un cinéma de genre qui parfois, comme ici, parvient à être plus qu’un simple produit d’exploitation périssable. A découvrir donc sans préjugé.

Où voir le film ?

Disponible en combo Blu-ray+DVD chez Artus Films. Présentant quelques défauts, la pellicule utilisée pour le transfert reste de très bonne tenue, avec un très bon rendu de la photographie originelle, donnant au film un aspect très 70s.

JASON BOURNE : L’HERITAGE (THE BOURNE LEGACY, Tony Gilroy, 2012)

Jason Bourne étant sur le point de mettre à jour Treatstone, un programme destiné à fabriquer des tueurs à la solde du gouvernement américain, les responsables de la CIA décident de mettre un terme à d’autres projets parallèles. Aaron Cross (Jeremy Renner), membre actif du protocole Outcome, se voit malencontreusement destiné à faire partie des dommages collatéraux. C’était sans compter sur la ténacité de cet agent ultra performant…

Les trois adaptations cinématographiques du personnage de Jason Bourne, né sous la plume de Robert Ludlum, ont été de tels succès qu’il ne fut guère étonnant d’apprendre qu’un nouvel opus serait mis en chantier par Universal. Mais au grand étonnement de tous, cette aventure, bien que reprenant le titre original du quatrième ouvrage de la saga littéraire (La Peur dans la Peau en français), se fera sans Matt Damon.

Un si petit détail ne devait, en tout logique, point freiner Hollywood à tenter ramener encore quelques deniers dans ses tiroir caisses. Par chance, la production a su confier l’entreprise à Tony Gilroy qui, outre avoir signé Michael Clayton en 2007, un excellent thriller avec George Clooney, est également un scénariste de talent (on lui doit les trois premiers Jason Bourne mais aussi l’adaptation de Jeux de Pouvoir de Kevin Mcdonald). Dès lors, il était clair que The Bourne Legacy tiendrait la longueur.

Malin, Gilroy reprend un stratagème déjà utilisé par le vétéran Irwin Allen pour Le Dernier Secret du Poséidon en 1979. A savoir que son film ne sera point une suite à La Vengeance dans la Peau (The Bourne Ultimatum, 2007), le dernier épisode en date, mais une aventure se déroulant en parallèle. Ainsi, l’arrivée d’Aaron Cross, sorte d’alter ego à Bourne issu d’un autre programme de la CIA, ne paraît point saugrenu pour le spectateur.

Certes parfaitement inutile, cette manœuvre aurait très bien pu voir le jour de manière indépendante. A savoir qu’Aaron Cross aurait sans doute su se trouver une identité sans Jason Bourne. Sauf que ce simple patronyme aura suffi, à l’évidence, à assurer une partie des recettes du présent métrage.

Alors, cet héritage est-il une arnaque ou pas ? Définitivement non. Pouvant aussi bien s’adresser aux aficionados de la première heure qu’aux néophytes, The Bourne Legacy parvient à se créer une existence à part entière. Il est donc tout à fait concevable de visionner le présent film sans avoir jamais eu connaissance jusque là de la moindre information sur le personnage de Jason Bourne. Ceci sans parler de la présence au générique de la sublime Rachel Weisz qui, à elle seule, justifierait presque le prix du ticket de cinéma…

Texte originellement publié dans la presse romande en septembre 2012.

Ou voir le film ?

Disponible chez Universal en 4K, Blu-ray et DVD à l’unité ou en coffret intégrale accompagné des 4 autres métrages de la franchise.

MAGNUM COP (POLIZIOTTO SENZA PAURA, Stelvio Massi, 1978)

Ancien flic écarté des forces de l’ordre à cause de ses méthodes expéditives, Walter Spada (Maurizio Merli) se voit confier par un riche homme d’affaires autrichien la mission de retrouver sa fille, récemment enlevée. Son enquête va le mener jusqu’à Vienne, au cœur d’un réseau de prostitution impliquant des représentants des hautes sphères de l’État…

Troisième des six collaborations entre le cinéaste Stelvio Massi, artisan incontournable du poliziotesco, et Maurizio Merli, alter-ego transalpin de notre Bébel national, Magnum Cop est également la meilleure cuvée du tandem.

La probable obligation, via la co-production, de situer l’action du film à Vienne, capitale autrichienne hautement cinématographique bien que n’ayant pas souvent été mise à contribution (Le troisième homme de Carol Reed, Scorpio de Michael Winner) donne au métrage un ton différent, qui tranche largement avec son introduction quelque peu hasardeuse, à mi-chemin entre la comédie et le polar.

Anticipant de manière inconsciente des métrages français abordant une thématique similaire (La femme flic d’Yves Boisset, Les filles de Grenoble de Joël Le Moigné), Magnum Cop fait également méchamment penser, par sa volonté de délocalisation et de profiter du monde de la nuit local via des boîtes de nuits très « porno chic », au Corps de mon ennemi d’Henri Verneuil (le fait que l’appartement de Merli soit nanti de plusieurs affiches italiennes de Peur sur la ville n’est sans doute pas totalement étranger à une volonté de rattachement).

Seule incursion de Joan Collins dans la cinéma bis transalpin, Poliziotto Senza Paura offre à la comédienne britannique une belle occasion de peaufiner son personnage de femme ambivalente aux contours vils assez effroyables. Bien que n’apparaissant qu’à mi-parcours via une scène de strip-tease n’ayant rien à envier à celui de Frida de Düsseldorf et ayant à lui-seul suffit à assurer la promotion mensongère du film sur territoire alémanique, elle parvient non seulement à se rendre indispensable à l’équilibre du métrage, mais aussi à être suffisamment horrible pour rester dans les mémoires bien au-delà des autres protagonistes.

Régulier collaborateur de Stelvio Massi, Stelvio Cipriani se fend une nouvelle fois qu’une bande originale ultra agréable, sans manquer à son habitude de singer, pour ne pas dire plagier, la ligne harmonique d’un titre ultra-emblématique. A savoir dans le cas présent Shine On You Crazy Diamond, pharaonique morceau d’ouverture de l’album Wish You Where Here de Pink Floyd.

Polar transalpin de très haut vol, Magnum Cop pourrait d’ailleurs très facilement servir de cas d’école au genre, quand bien même ce dernier fut produit au moment où le poliziotesco arrivait à son chant du cygne. Une œuvre idéale en tous les cas pour se familiariser avec les représentants expéditifs des forces de l’ordre italiens.

Où voir le film ?

Disponible en combo Blu-ray+DVD chez Artus Films. Comme toujours avec l’éditeur, le produit est aussi joli que la copie est impeccable, avec un très beau piqué et des couleurs flamboyantes. En parfaite adéquation donc avec la ligne éditoriale d’Artus, qui creuse depuis de nombreuses années, avec talent et professionnalisme, les sillages d’un cinéma de genre de grande qualité.

MON INCONNUE (Hugo Gélin, 2019)

Écrivain célèbre, Raphaël (François Civil) a laissé sa célébrité prendre le pas sur sa vie de couple. Après une bonne engueulade avec Olivia (Joséphine Japy), la femme qui partage sa vie depuis 10 ans, Raphaël sort écumer les bars. A son réveil, Olivia n’est plus à ses côtés et son appartement de 300 mètres carrés s’est transformé en petit deux pièces de célibataire. Croyant d’abord à une plaisanterie, Raphaël va rapidement devoir admettre que la vie qu’il a connu s’est comme évaporée…

Le film démarre avec la rencontre de Raphaël et Olivia sur les bancs du lycée. Un coup de foudre immédiat se produit entre les deux êtres, sublimé par la caméra de Hugo Gélin, qui parvient à saisir les instants magiques d’un amour naissant. Top générique. En moins de 5 minutes, le cinéaste parvient à parfaitement résumer 10 ans de vie commune et la manière dont un couple s’effrite. La mésaventure de Raphaël peut débuter.

Difficile de savoir si cette introduction magnétique est le fruit d’une tentative hasardeuse portant miraculeusement ses fruits ou d’un acte murement réfléchi. Toujours est-il que cette mise en bouche à la fois la plus audacieuse et efficace vue dans une comédie romantique depuis des lustres permet à Hugo Gélin de gagner ses galons de réalisateur. Par chance, la suite du métrage est là pour rendre justice à cette ouverture lumineuse.

Depuis le début de l’année, François Civil a déjà été à l’affiche de trois longs métrages (Celle que vous croyez, Le Chant du Loup et le présent film). On avait déjà remarqué ce beau gosse voilà deux dans Ce qui nous lie de Cédric Klapish, métrage totalement raté mais dont la seule présence de Civil sauvait les meubles, via une séquence anthologique ou le comédien réglait ses comptes par onomatopées avec son beau-père.

Si la présence de François Civil au générique de Mon Inconnue est bénéfique au le film, celle de Joséphine Japy est indispensable à son équilibre. A la fois pétillante, espiègle et diablement belle, la comédienne, déjà remarquable dans des prestations plus graves (Respire de Mélanie Laurent, Irréprochable de Sébastien Marnier) forme avec celui qui serait parfait dans un biopic sur Bernard Tapie un couple auquel on croit dès les premières secondes.

Une bonne comédie romantique repose presque autant sur l’osmose du couple central que sur un second rôle au petits oignons. Au registre, Benjamin Lavernhe, déjà formidable en marié « brise-burnes » dans Le Sens de la Fête d’Olivier Nakache et Eric Toledano, est à pleurer de rire.

Les bonnes comédies romantiques étant presque aussi rares que les films en provenance d’Hexagone destinés à faire rire, on ne pourra donc que vous conseiller de vous jeter sur Mon Inconnue, assurément la meilleure chose qui soit possible de voir dans une salle obscure en ce début de printemps.

Texte originellement publié dans la presse romande en avril 2019.

Ou voir le film ?

Comme pour le formidable Docteur ? de Tristan Séguéla, il faut se tourner vers d’autres contrées pour dénicher le film en HD. Concernant Mon inconnue, c’est du côté de l’Italie que ça se passe, avec un Blu-ray qui contient bien évidemment une VF, sorti en 2021 mais toujours disponible, et qui plus est à un tout petit prix.

LA FURIE DES VAMPIRES (LA NOCHE DE WALPURGIS, Leon Klimovsky, 1971)

Elvire (Gaby Fuchs) et Geneviève (Barbara Capell), deux étudiantes en sciences occultes, sont à la recherche du tombeau de la comtesse Wandessa, personnage historique suspecté de vampirisme. Égarées en pleine campagne dans le nord de la France, elles sont accueillies dans la demeure isolée du comte Waldemar Daninsky (Paul Naschy), condamné à se transformer en loup-garou la pleine lune venue depuis qu’il a été lui-même mordu.

Avec son physique à mi-chemin entre Marlon Brando et John Belushi, l’ex-catcheur Jacinto Molina n’avait aucune raison apparente de devenir le comédien Paul Naschy, figure incontournable du cinéma bis espagnol bien décomplexé malgré l’inquisition franquiste.

Indissociable du personnage de Waldemar Daninsky, qu’il incarnera à l’écran une douzaine de fois dans des films à la qualité toute variable, Naschy parviendra malgré tout à garder une identité propre, notamment via ses activités « multi-casquettes » durant toute sa carrière.

Troisième film consacré au comte « lougarisé », La furie des vampires est clairement une des meilleures cuvées de la longue série. Aussi l’un des seuls ou le terme « vampire » n’est pas usurpé, puisqu’il en est clairement question ici. Problème : l’accessoiriste semble avoir oublié qu’une créature de la nuit est sensée, par définition, avoir les dents pointues à la hauteur de canines et non des incisives latérales. Un détail certes anodin, mais qui a malheureusement tendance à rendre risible toutes les apparitions de vampires dans le métrage.

Outre ce petit problème, tout ici fonctionne à merveille. C’est d’autant plus étonnant car la restriction évidente de moyens oblige le réalisateur Leon Klimovsky à faire passer la campagne espagnole pour le nord de la France et à concentrer ses efforts sur une micro-poignée de personnages, forcément omniprésents à l’écran. Or, tout ce qui devrait en toute logique faire cheap rend justement le métrage hautement attachant, et surtout sans le moindre temps mort.

La musique du film est signée par Anton Garcia Abril, compositeur classique contemporain, qui dirige ici une partition ultra-inspirée, très dans l’air du temps, tout en se refusant à la facilité. Évoquant de manière évidente le travail du tandem germanique Manfred Hübler/Siegfried Schwab pour Jess Franco (Vampyros Lesbos, Crimes dans l’extase, Le diable vint d’Akasava), Abril s’amuse comme un fou à tester maints instruments pour sublimer sa partition, encore et toujours inédite sur disque (comme la majeure partie de son travail pour le cinéma).

5e film de la « saga Daninsky », L’empreinte de Dracula (1973) est généralement associé au présent film, le métrage appartenant aux mêmes ayant droit. Il ne serait guère étonnant de voir cet autre excellent volet de la franchise du plus célèbre loup-garou ibérique débouler chez Rimini dans les mois à venir.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini en combo Blu-ray+DVD, accompagné du désormais traditionnel livret de Marc Toulec, ainsi que de très bon bonus.

En premier lieu, on trouvera 2 versions du films (celle d’exploitation d’époque et une plus longue), ainsi qu’un très informatif documentaire – avec une mise en scène rigolote – dans laquelle l’érudit Laurent Aknin revient de manière passionnée sur Paul Naschy et son récurrent personnage de Waldemar Daninsky.

DROP GAME (DROP, Christopher Landon, 2025)

Après le suicide de son mari violent, Violet (Meghann Fahy) accepte, sous l’insistance de sa sœur, un rendez-vous galant dans un restaurant chic situé au sommet d’un gratte-ciel avec Henry (Brendon Sklenar), séduisant célibataire qu’elle a connu via une application. Arrivée en avance sur place, Violet commence à recevoir d’étranges messages sur son téléphone…

Depuis quelques temps, une guéguerre absurde oppose les fans du studio A24 et ceux de son principal concurrent Blumhouse. A en croire la sacro-sainte intelligentsia (toujours la même…), le premier cité ne sortirait que des œuvres marquantes avec une diversité remarquable, tandis que le second serait juste bon à produire à la chaine des produits destiné à un public adolescent avide de sensations fortes.

Certes, Jason Blum, tête pensante de Blumhouse, produit beaucoup de métrages à ranger au registre horrifique et avec une rentabilité inégalée. Les films ne coûtant pas très cher et le matraquage publicitaire aidant, il est en effet très rare de voir un métrage sortant des usines Blum faire un flop au box-office.

Cela fait-il automatiquement du studio une machine à nanars ? Les détracteurs de l’entreprise, qui adorent appeler le studio « Bousehouse », en sont convaincus. La vision d’un petit film efficace comme Drop tend pourtant à démontrer le contraire.

Certes ce thriller aux influences multiples (le réalisateur Christopher Landon cite souvent Hitchcock et Paranoïak de D.J. Caruso en référence) n’est pas soutenu par un casting cinq étoiles et aurait peut-être mérité une écriture plus solide. Il n’empêche que si tous les films destinés à un public adolescent avaient cette tenue et une telle capacité à embarquer leurs parents dans l’aventure, le cinéma du samedi soir s’en porterait sans l’ombre d’un doute bien mieux.

Sorte de version réussi du catastrophique et prétentieux Trap de M. Night Shyamalan (les deux films se déroulant en deux actes très similaires), Drop est donc un petit thriller efficace et fédérateur, que l’on peut envisager de regarder en famille. A condition bien entendu que vos chérubins aient atteint l’adolescence et ne soient pas trop sensibles (Le film est considéré comme « tout public » en France, alors qu’il semble nécessaire d’avoir 16 ans en Suisse pour le regarder sereinement. Un léger compromis semble tout à fait acceptable).

Où voir le film ?

Drop Game est disponible en Blu-ray et DVD chez Universal (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

REVES SANGLANTS (THE SENDER, Roger Christian, 1982)

Un adolescent amnésique (Zeljko Ivanek) est admis dans un hôpital psychiatrique après une tentative de suicide. Ce dernier semble posséder un curieux pouvoir : celui de transmettre ses rêves et cauchemars à d’autres personnes…

Ce film-là était l’un de ceux apparu dans nos vidéoclubs au moment de leur démocratisation. Totalement disparu des radars éditoriaux depuis cette époque bénie, où les ados que nous étions ne manquions jamais une occasion de nous attarder longuement au rayon « horreur », Rêves sanglants se voit enfin édité dans nos contrées et pourra donc rejoindre La vallée de la mort et En plein cauchemar (sortis il y a quelque temps chez Elephant Films) sur vos étagères.

Le réalisateur Roger Christian est un artisan resté dans certaines mémoires pour deux faits « mémorables ». Tout d’abord pour sa collaboration sur La guerre des étoiles et Alien, le 8e passager comme chef décorateur. Ensuite et surtout – mais pas dans le bon sens du terme – pour Battlefield Earth, nanar intersidéral basé sur un roman de Ron Hobbard, père fondateur de l’Église de Scientologie. L’exhumation de The Sender remet donc les pendules à l’heure concernant le cinéaste britannique, qui avait plutôt bien commencé sa carrière en décrochant par deux fois un Oscar.

Surfant à l’évidence sur les succès d’estime tels que Patrick de Richard Franklin ou Scanners de David Cronenberg, Rêves sanglants exploite le filon d’une horreur parapsychologique via un personnage dont la vie est un véritable enfer, car incapable de dompter son don, ou plutôt la malédiction dont il est victime depuis sa naissance.

Partageant certains éléments avec le formidable film de Sydney J. Furie L’Emprise (The Entity) sorti la même année, anticipant de manière claire Charlie (Firestarter, Mark L. Lester, 1984), The Sender est une œuvre suffisamment singulière dans l’histoire du film de genre pour séduire le spectateur à la recherche de petites perles rares.

Mentionnons encore la présence au générique de Shirley Knight, comédienne ayant connu un brillant début de carrière (Doux oiseau de jeunesse de Richard Brooks, Le groupe de Sidney Lumet), et qui se retrouvera ensuite reléguée à des prestations de second ordre. Un peu de la même manière que Zeljko Ivanek, sur lequel repose le présent film, devenu entretemps un second rôle récurrent du cinéma et de la télévision américaine.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » en coffret limité Blu-ray+DVD de l’éditeur Rimini, avec pour seul bonus une très originale bande annonce, mais avec le désormais traditionnel livret de Marc Toullec.

Le master – le même utilisé pour toutes les éditions disponibles à travers le globe – affiche quelques signes d’ancienneté (tâches et scratches de pellicule, définition et colorimétrie paraissant dater du début de l’ère HD). Ceci ne gâche heureusement en rien le visionnage de cette rareté et lui donne même une petite patine vintage pas déplaisante.

LA TOUR DU DIABLE (TOWER OF EVIL, Jim O’Connolly, 1972)

Accostant Snape Island, un îlot au large de l’Écosse, deux pêcheurs découvrent les corps de trois jeunes gens sauvagement assassinés. L’unique survivante, dans un état second, tue l’un des hommes de la mer. Admise dans un hôpital, la jeune femme va raconter ce qu’elle a vu. Peu après, des archéologues accompagnés d’un détective, débarquent à la recherche de la tombe d’un roi phénicien…

La sortie d’un petit film horrifique britannique des années 1970 est toujours un micro-événement pour les amateurs du genre. Ayant bien compris l’attrait de ces sympathiques bobines, l’éditeur Rimini ne manque jamais une occasion de publier un titre intéressant via sa collection « Angoisse ».

Sur le papier, La tour du Diable vend du rêve. En réalité, c’est autre chose qui se profile sur nos écrans, mais non moins sympathique. Plus proche d’un épisode de Chapeau Melon et Bottes de Cuir que d’un film de Pete Watkins, cette bobine de Jim O’Connolly, honnête artisan surtout resté dans les esprits pour La vallée de Gwangi (1969), ne vous donnera point de cauchemars, mais représente une formidable séance de Swinging London décalée.

Empruntant au passage d’évidents éléments aux Dix petits indiens d’Agatha Christie, Tower of Evil est sans l’ombre d’un doute un film dont Joe D’Amato c’est largement servi lors de l’écriture du très surestimé Anthropophagus (1980), tant le décorum et le canevas scénaristique sont identiques.

Osons au passage avouer notre plaisir à peine coupable de voir une bande de pseudo-archéologues (on reconnaitra au passage Anna Palk, avant tout restée dans les mémoires pour son passage en tant que « Persuaders girl » dans l’excellent épisode Le complot de la série Amicalement vôtre), à la fois capables de garder leurs chemises à jabot et autre paletots en feutrine colorés impeccables dans une endroit peu reluisant, et d’être suffisamment démerdes pour apprêter un sublime roastbeef pour le dîner, sans doute concocté dans le cuisine portative de Brett Sinclair…

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini. Comme les autres titres, celui-ci est présenté sous la forme d’un luxueux coffret cartonné contenant le Blu-ray et le DVD du film, ainsi qu’un livret signé par Marc Toullec, l’homme qui écrit plus vite que son ombre…

La bonne entente entre les éditeurs, toujours bienvenue, permet à cette édition de récupérer la présentation du film par Eric Peretti, produite en 2016 pour la précédente édition DVD parue chez nos amis d’Artus Films.

5 SEPTEMBRE (SEPTEMBER 5, Tim Fehlbaum, 2024)

Le 5 septembre 1972, lors des Jeux Olympiques d’été de Munich, des membres de l’organisation terroriste Septembre Noir prennent en otages les athlètes israéliens au cœur du village olympique. Présente sur place pour couvrir la manifestation sportive, une équipe de la chaine ABC Sport va tenter de suivre, minute après minutes, les événements tragiques se déroulant sous leur yeux…

Le sujet avait déjà été traité par trois fois sous des angles différents. D’abord via un très honorable téléfilm porté par William Holden et Franco Nero (Les 21 heures de Munich, William A. Graham, 1976), ensuite à travers un excellent documentaire britannique (Un jour en septembre, Kevin Macdonald, 1999), enfin à travers un thriller sec axé sur les répercussions de la prise d’otage (Munich, Steven Spielberg, 2005).

Le réalisateur d’origine bâloise Tim Fehlbaum (cocorico !) se décide pour une approche toute autre avec une reconstitution à la virgule près de cette dramatique journée planqué dans la régie de la télévision américaine couvrant les JO.

L’idée est audacieuse, le résultat à la hauteur des espérances. Sans jamais quitter sa micro-équipe, ne proposant de voir les aller et venue des journalistes – obligés de jouer de diverses supercheries pour couvrir le drame en direct – que via des moniteurs, 5 septembre est aussi une reconstitution minutieuse d’un studio de télévision mobile du début des années 1970, témoignant des contraintes techniques de l’époque, qui limite évidemment les moyens d’action des journalistes.

Enfin, le film de Fehlbaum met admirablement bien en exergue le dilemme des membres d’une équipe en lutte avec leur intégrité de journaliste et leur conscience personnelle. Faut-il ou non suivre à tout prix les événement tragiques se déroulant sur leurs yeux afin de remplir la sacro-sainte charte du devoir d’information du public ? A quel moment cette mission bascule-t-elle dans la quête inconsciente de sensationnalisme ?

Les exemples de films reconstituant des moments ayant marqué l’histoire de la télévision sont aussi rares que réussis (Frost/Nixon de Ron Howard, Saturday Night de Jason Reitman), mais jamais un n’avait réussi à atteindre une telle tension anxiogène.

Soutenu par un casting cinq étoiles (Peter Sarsgaard, John Magero, Ben Chaplin, Zinedine Soualem), impeccables dans leurs rôles respectifs, 5 septembre confirme également de manière définitive la comédienne allemande Leone Benesch (La salle des profs, En première ligne) comme l’actrice la plus prometteuse de sa génération.

Ayant fait un passage plus que discret dans nos salles obscures au printemps dernier, 5 septembre s’avère effectivement être, comme le slogan publicitaire de l’affiche l’avance, le meilleur thriller de l’année. Quand bien même ce dernier se déroule-t-il dans un espace ultra-confiné et ne s’appuyant sur d’autres effets dramatiques que les événements auxquels les protagonistes assistent en même temps que le spectateur. Redoutable d’efficacité.

Où voir le film ?

5 septembre est disponible en Blu-ray et DVD chez Paramount (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

PARTIR UN JOUR (Amélie Bonnin, 2024)

Alors que Cécile (Juliette Armanet) s’apprête à ouvrir son propre restaurant gastronomique à Paris, la cheffe doit rentrer sur les lieux de son enfance suite de l’infarctus de son père (François Rollin), avec qui le dialogue n’est pas facile depuis des années. Loin de l’agitation parisienne, Cécile recroise Raphaël (Bastien Bouillon), garçon dont elle était amoureuse à son départ pour la capitale…

En 2023, Amélie Bonnin se voit décerner le César du meilleur court métrage pour Partir un jour. Assurément le meilleur film vu dans cette section depuis le jubilatoire Versailles Rive-Gauche de Bruno Podalydès (1992), ce petit film de 25 minutes parvenait mieux que n’importe quel autre à saisir 24 heures dans la vie d’un homme et d’une femme s’étant jadis ratés et ayant chacun fait leur vie de leur côté.

Œuvre un brin nostalgique sur fond d’image d’Épinal bretonne sur fond de chansons populaires intégrées aux dialogues, Partir un jour ne laissait aucunement le spectateur sur sa fin. Juste un brin triste de devoir déjà abandonner Caroline (Juliette Armanet), caissière dans un supermarché, et Julien (Bastien Bouillon), écrivain monté à Paris débutant le très difficile stade du 2e livre, après si peu de temps.

La joie nous a quelque peu envahie lorsqu’Amélie Bonnin se décida à transformer son petit bonheur en long-métrage, basé sur le même principe d’airs connus venant soutenir l’action, mais en inversant la donne : l’exilé ne serait plus l’homme mais la femme. Elle ne sera pas écrivaine mais cuistot ayant remporté Top Chef. Lui de son côté ne sera pas caissier dans un Super-U, mais mécano dans un garage et pilote de motocross à la petite semaine. Le décor ne serait plus celui d’un bord de mer atlantique mais un relais routier en bordure d’autoroute.

Si l’inversion des rôles semble à la base une idée intéressante et le changement d’environnement propice, le résultat prouve qu’une stratégie sans toute trop murement réfléchie ne s’avère pas toujours payante. Là où tout était léger et respirait la spontanéité parfois candide d’une première œuvre en 2021, tout ici semble, sans mauvais amalgame, peser le poids d’une grosse camionnette.

Loin d’être un mauvais film, Partir un jour, version long-métrage, supporte néanmoins assez mal la comparaison avec son génialissime modèle, à la fois bourré de spontanéité et de douce mélancolie. Exactement comme l’est une histoire d’amour adolescente, qui plus est lorsque cette dernière ne fut que fantasmée.

La confrontation entre le court modèle et la longue et par instant laborieuse copie sera facile pour les acquéreurs du film sur support physique, puisque le Blu-ray et le DVD contiennent, outre deux courts modules promotionnels, ledit petit film original césarisé, que l’on pourrait facilement se regarder en boucle. La seule présence ici de ce modèle de simplicité efficace justifie d’ailleurs largement l’acquisition du produit.

Où voir le film ?

Partir un jour est disponible en Blu-ray et DVD chez Pathé (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).