MON INCONNUE (Hugo Gélin, 2019)

Écrivain célèbre, Raphaël (François Civil) a laissé sa célébrité prendre le pas sur sa vie de couple. Après une bonne engueulade avec Olivia (Joséphine Japy), la femme qui partage sa vie depuis 10 ans, Raphaël sort écumer les bars. A son réveil, Olivia n’est plus à ses côtés et son appartement de 300 mètres carrés s’est transformé en petit deux pièces de célibataire. Croyant d’abord à une plaisanterie, Raphaël va rapidement devoir admettre que la vie qu’il a connu s’est comme évaporée…

Le film démarre avec la rencontre de Raphaël et Olivia sur les bancs du lycée. Un coup de foudre immédiat se produit entre les deux êtres, sublimé par la caméra de Hugo Gélin, qui parvient à saisir les instants magiques d’un amour naissant. Top générique. En moins de 5 minutes, le cinéaste parvient à parfaitement résumer 10 ans de vie commune et la manière dont un couple s’effrite. La mésaventure de Raphaël peut débuter.

Difficile de savoir si cette introduction magnétique est le fruit d’une tentative hasardeuse portant miraculeusement ses fruits ou d’un acte murement réfléchi. Toujours est-il que cette mise en bouche à la fois la plus audacieuse et efficace vue dans une comédie romantique depuis des lustres permet à Hugo Gélin de gagner ses galons de réalisateur. Par chance, la suite du métrage est là pour rendre justice à cette ouverture lumineuse.

Depuis le début de l’année, François Civil a déjà été à l’affiche de trois longs métrages (Celle que vous croyez, Le Chant du Loup et le présent film). On avait déjà remarqué ce beau gosse voilà deux dans Ce qui nous lie de Cédric Klapish, métrage totalement raté mais dont la seule présence de Civil sauvait les meubles, via une séquence anthologique ou le comédien réglait ses comptes par onomatopées avec son beau-père.

Si la présence de François Civil au générique de Mon Inconnue est bénéfique au le film, celle de Joséphine Japy est indispensable à son équilibre. A la fois pétillante, espiègle et diablement belle, la comédienne, déjà remarquable dans des prestations plus graves (Respire de Mélanie Laurent, Irréprochable de Sébastien Marnier) forme avec celui qui serait parfait dans un biopic sur Bernard Tapie un couple auquel on croit dès les premières secondes.

Une bonne comédie romantique repose presque autant sur l’osmose du couple central que sur un second rôle au petits oignons. Au registre, Benjamin Lavernhe, déjà formidable en marié « brise-burnes » dans Le Sens de la Fête d’Olivier Nakache et Eric Toledano, est à pleurer de rire.

Les bonnes comédies romantiques étant presque aussi rares que les films en provenance d’Hexagone destinés à faire rire, on ne pourra donc que vous conseiller de vous jeter sur Mon Inconnue, assurément la meilleure chose qui soit possible de voir dans une salle obscure en ce début de printemps.

Texte originellement publié dans la presse romande en avril 2019.

Ou voir le film ?

Comme pour le formidable Docteur ? de Tristan Séguéla, il faut se tourner vers d’autres contrées pour dénicher le film en HD. Concernant Mon inconnue, c’est du côté de l’Italie que ça se passe, avec un Blu-ray qui contient bien évidemment une VF, sorti en 2021 mais toujours disponible, et qui plus est à un tout petit prix.

LA FURIE DES VAMPIRES (LA NOCHE DE WALPURGIS, Leon Klimovsky, 1971)

Elvire (Gaby Fuchs) et Geneviève (Barbara Capell), deux étudiantes en sciences occultes, sont à la recherche du tombeau de la comtesse Wandessa, personnage historique suspecté de vampirisme. Égarées en pleine campagne dans le nord de la France, elles sont accueillies dans la demeure isolée du comte Waldemar Daninsky (Paul Naschy), condamné à se transformer en loup-garou la pleine lune venue depuis qu’il a été lui-même mordu.

Avec son physique à mi-chemin entre Marlon Brando et John Belushi, l’ex-catcheur Jacinto Molina n’avait aucune raison apparente de devenir le comédien Paul Naschy, figure incontournable du cinéma bis espagnol bien décomplexé malgré l’inquisition franquiste.

Indissociable du personnage de Waldemar Daninsky, qu’il incarnera à l’écran une douzaine de fois dans des films à la qualité toute variable, Naschy parviendra malgré tout à garder une identité propre, notamment via ses activités « multi-casquettes » durant toute sa carrière.

Troisième film consacré au comte « lougarisé », La furie des vampires est clairement une des meilleures cuvées de la longue série. Aussi l’un des seuls ou le terme « vampire » n’est pas usurpé, puisqu’il en est clairement question ici. Problème : l’accessoiriste semble avoir oublié qu’une créature de la nuit est sensée, par définition, avoir les dents pointues à la hauteur de canines et non des incisives latérales. Un détail certes anodin, mais qui a malheureusement tendance à rendre risible toutes les apparitions de vampires dans le métrage.

Outre ce petit problème, tout ici fonctionne à merveille. C’est d’autant plus étonnant car la restriction évidente de moyens oblige le réalisateur Leon Klimovsky à faire passer la campagne espagnole pour le nord de la France et à concentrer ses efforts sur une micro-poignée de personnages, forcément omniprésents à l’écran. Or, tout ce qui devrait en toute logique faire cheap rend justement le métrage hautement attachant, et surtout sans le moindre temps mort.

La musique du film est signée par Anton Garcia Abril, compositeur classique contemporain, qui dirige ici une partition ultra-inspirée, très dans l’air du temps, tout en se refusant à la facilité. Évoquant de manière évidente le travail du tandem germanique Manfred Hübler/Siegfried Schwab pour Jess Franco (Vampyros Lesbos, Crimes dans l’extase, Le diable vint d’Akasava), Abril s’amuse comme un fou à tester maints instruments pour sublimer sa partition, encore et toujours inédite sur disque (comme la majeure partie de son travail pour le cinéma).

5e film de la « saga Daninsky », L’empreinte de Dracula (1973) est généralement associé au présent film, le métrage appartenant aux mêmes ayant droit. Il ne serait guère étonnant de voir cet autre excellent volet de la franchise du plus célèbre loup-garou ibérique débouler chez Rimini dans les mois à venir.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini en combo Blu-ray+DVD, accompagné du désormais traditionnel livret de Marc Toulec, ainsi que de très bon bonus.

En premier lieu, on trouvera 2 versions du films (celle d’exploitation d’époque et une plus longue), ainsi qu’un très informatif documentaire – avec une mise en scène rigolote – dans laquelle l’érudit Laurent Aknin revient de manière passionnée sur Paul Naschy et son récurrent personnage de Waldemar Daninsky.

DROP GAME (DROP, Christopher Landon, 2025)

Après le suicide de son mari violent, Violet (Meghann Fahy) accepte, sous l’insistance de sa sœur, un rendez-vous galant dans un restaurant chic situé au sommet d’un gratte-ciel avec Henry (Brendon Sklenar), séduisant célibataire qu’elle a connu via une application. Arrivée en avance sur place, Violet commence à recevoir d’étranges messages sur son téléphone…

Depuis quelques temps, une guéguerre absurde oppose les fans du studio A24 et ceux de son principal concurrent Blumhouse. A en croire la sacro-sainte intelligentsia (toujours la même…), le premier cité ne sortirait que des œuvres marquantes avec une diversité remarquable, tandis que le second serait juste bon à produire à la chaine des produits destiné à un public adolescent avide de sensations fortes.

Certes, Jason Blum, tête pensante de Blumhouse, produit beaucoup de métrages à ranger au registre horrifique et avec une rentabilité inégalée. Les films ne coûtant pas très cher et le matraquage publicitaire aidant, il est en effet très rare de voir un métrage sortant des usines Blum faire un flop au box-office.

Cela fait-il automatiquement du studio une machine à nanars ? Les détracteurs de l’entreprise, qui adorent appeler le studio « Bousehouse », en sont convaincus. La vision d’un petit film efficace comme Drop tend pourtant à démontrer le contraire.

Certes ce thriller aux influences multiples (le réalisateur Christopher Landon cite souvent Hitchcock et Paranoïak de D.J. Caruso en référence) n’est pas soutenu par un casting cinq étoiles et aurait peut-être mérité une écriture plus solide. Il n’empêche que si tous les films destinés à un public adolescent avaient cette tenue et une telle capacité à embarquer leurs parents dans l’aventure, le cinéma du samedi soir s’en porterait sans l’ombre d’un doute bien mieux.

Sorte de version réussi du catastrophique et prétentieux Trap de M. Night Shyamalan (les deux films se déroulant en deux actes très similaires), Drop est donc un petit thriller efficace et fédérateur, que l’on peut envisager de regarder en famille. A condition bien entendu que vos chérubins aient atteint l’adolescence et ne soient pas trop sensibles (Le film est considéré comme « tout public » en France, alors qu’il semble nécessaire d’avoir 16 ans en Suisse pour le regarder sereinement. Un léger compromis semble tout à fait acceptable).

Où voir le film ?

Drop Game est disponible en Blu-ray et DVD chez Universal (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

REVES SANGLANTS (THE SENDER, Roger Christian, 1982)

Un adolescent amnésique (Zeljko Ivanek) est admis dans un hôpital psychiatrique après une tentative de suicide. Ce dernier semble posséder un curieux pouvoir : celui de transmettre ses rêves et cauchemars à d’autres personnes…

Ce film-là était l’un de ceux apparu dans nos vidéoclubs au moment de leur démocratisation. Totalement disparu des radars éditoriaux depuis cette époque bénie, où les ados que nous étions ne manquions jamais une occasion de nous attarder longuement au rayon « horreur », Rêves sanglants se voit enfin édité dans nos contrées et pourra donc rejoindre La vallée de la mort et En plein cauchemar (sortis il y a quelque temps chez Elephant Films) sur vos étagères.

Le réalisateur Roger Christian est un artisan resté dans certaines mémoires pour deux faits « mémorables ». Tout d’abord pour sa collaboration sur La guerre des étoiles et Alien, le 8e passager comme chef décorateur. Ensuite et surtout – mais pas dans le bon sens du terme – pour Battlefield Earth, nanar intersidéral basé sur un roman de Ron Hobbard, père fondateur de l’Église de Scientologie. L’exhumation de The Sender remet donc les pendules à l’heure concernant le cinéaste britannique, qui avait plutôt bien commencé sa carrière en décrochant par deux fois un Oscar.

Surfant à l’évidence sur les succès d’estime tels que Patrick de Richard Franklin ou Scanners de David Cronenberg, Rêves sanglants exploite le filon d’une horreur parapsychologique via un personnage dont la vie est un véritable enfer, car incapable de dompter son don, ou plutôt la malédiction dont il est victime depuis sa naissance.

Partageant certains éléments avec le formidable film de Sydney J. Furie L’Emprise (The Entity) sorti la même année, anticipant de manière claire Charlie (Firestarter, Mark L. Lester, 1984), The Sender est une œuvre suffisamment singulière dans l’histoire du film de genre pour séduire le spectateur à la recherche de petites perles rares.

Mentionnons encore la présence au générique de Shirley Knight, comédienne ayant connu un brillant début de carrière (Doux oiseau de jeunesse de Richard Brooks, Le groupe de Sidney Lumet), et qui se retrouvera ensuite reléguée à des prestations de second ordre. Un peu de la même manière que Zeljko Ivanek, sur lequel repose le présent film, devenu entretemps un second rôle récurrent du cinéma et de la télévision américaine.

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » en coffret limité Blu-ray+DVD de l’éditeur Rimini, avec pour seul bonus une très originale bande annonce, mais avec le désormais traditionnel livret de Marc Toullec.

Le master – le même utilisé pour toutes les éditions disponibles à travers le globe – affiche quelques signes d’ancienneté (tâches et scratches de pellicule, définition et colorimétrie paraissant dater du début de l’ère HD). Ceci ne gâche heureusement en rien le visionnage de cette rareté et lui donne même une petite patine vintage pas déplaisante.

LA TOUR DU DIABLE (TOWER OF EVIL, Jim O’Connolly, 1972)

Accostant Snape Island, un îlot au large de l’Écosse, deux pêcheurs découvrent les corps de trois jeunes gens sauvagement assassinés. L’unique survivante, dans un état second, tue l’un des hommes de la mer. Admise dans un hôpital, la jeune femme va raconter ce qu’elle a vu. Peu après, des archéologues accompagnés d’un détective, débarquent à la recherche de la tombe d’un roi phénicien…

La sortie d’un petit film horrifique britannique des années 1970 est toujours un micro-événement pour les amateurs du genre. Ayant bien compris l’attrait de ces sympathiques bobines, l’éditeur Rimini ne manque jamais une occasion de publier un titre intéressant via sa collection « Angoisse ».

Sur le papier, La tour du Diable vend du rêve. En réalité, c’est autre chose qui se profile sur nos écrans, mais non moins sympathique. Plus proche d’un épisode de Chapeau Melon et Bottes de Cuir que d’un film de Pete Watkins, cette bobine de Jim O’Connolly, honnête artisan surtout resté dans les esprits pour La vallée de Gwangi (1969), ne vous donnera point de cauchemars, mais représente une formidable séance de Swinging London décalée.

Empruntant au passage d’évidents éléments aux Dix petits indiens d’Agatha Christie, Tower of Evil est sans l’ombre d’un doute un film dont Joe D’Amato c’est largement servi lors de l’écriture du très surestimé Anthropophagus (1980), tant le décorum et le canevas scénaristique sont identiques.

Osons au passage avouer notre plaisir à peine coupable de voir une bande de pseudo-archéologues (on reconnaitra au passage Anna Palk, avant tout restée dans les mémoires pour son passage en tant que « Persuaders girl » dans l’excellent épisode Le complot de la série Amicalement vôtre), à la fois capables de garder leurs chemises à jabot et autre paletots en feutrine colorés impeccables dans une endroit peu reluisant, et d’être suffisamment démerdes pour apprêter un sublime roastbeef pour le dîner, sans doute concocté dans le cuisine portative de Brett Sinclair…

Où voir le film ?

Disponible dans la collection « Angoisse » de l’éditeur Rimini. Comme les autres titres, celui-ci est présenté sous la forme d’un luxueux coffret cartonné contenant le Blu-ray et le DVD du film, ainsi qu’un livret signé par Marc Toullec, l’homme qui écrit plus vite que son ombre…

La bonne entente entre les éditeurs, toujours bienvenue, permet à cette édition de récupérer la présentation du film par Eric Peretti, produite en 2016 pour la précédente édition DVD parue chez nos amis d’Artus Films.

5 SEPTEMBRE (SEPTEMBER 5, Tim Fehlbaum, 2024)

Le 5 septembre 1972, lors des Jeux Olympiques d’été de Munich, des membres de l’organisation terroriste Septembre Noir prennent en otages les athlètes israéliens au cœur du village olympique. Présente sur place pour couvrir la manifestation sportive, une équipe de la chaine ABC Sport va tenter de suivre, minute après minutes, les événements tragiques se déroulant sous leur yeux…

Le sujet avait déjà été traité par trois fois sous des angles différents. D’abord via un très honorable téléfilm porté par William Holden et Franco Nero (Les 21 heures de Munich, William A. Graham, 1976), ensuite à travers un excellent documentaire britannique (Un jour en septembre, Kevin Macdonald, 1999), enfin à travers un thriller sec axé sur les répercussions de la prise d’otage (Munich, Steven Spielberg, 2005).

Le réalisateur d’origine bâloise Tim Fehlbaum (cocorico !) se décide pour une approche toute autre avec une reconstitution à la virgule près de cette dramatique journée planqué dans la régie de la télévision américaine couvrant les JO.

L’idée est audacieuse, le résultat à la hauteur des espérances. Sans jamais quitter sa micro-équipe, ne proposant de voir les aller et venue des journalistes – obligés de jouer de diverses supercheries pour couvrir le drame en direct – que via des moniteurs, 5 septembre est aussi une reconstitution minutieuse d’un studio de télévision mobile du début des années 1970, témoignant des contraintes techniques de l’époque, qui limite évidemment les moyens d’action des journalistes.

Enfin, le film de Fehlbaum met admirablement bien en exergue le dilemme des membres d’une équipe en lutte avec leur intégrité de journaliste et leur conscience personnelle. Faut-il ou non suivre à tout prix les événement tragiques se déroulant sur leurs yeux afin de remplir la sacro-sainte charte du devoir d’information du public ? A quel moment cette mission bascule-t-elle dans la quête inconsciente de sensationnalisme ?

Les exemples de films reconstituant des moments ayant marqué l’histoire de la télévision sont aussi rares que réussis (Frost/Nixon de Ron Howard, Saturday Night de Jason Reitman), mais jamais un n’avait réussi à atteindre une telle tension anxiogène.

Soutenu par un casting cinq étoiles (Peter Sarsgaard, John Magero, Ben Chaplin, Zinedine Soualem), impeccables dans leurs rôles respectifs, 5 septembre confirme également de manière définitive la comédienne allemande Leone Benesch (La salle des profs, En première ligne) comme l’actrice la plus prometteuse de sa génération.

Ayant fait un passage plus que discret dans nos salles obscures au printemps dernier, 5 septembre s’avère effectivement être, comme le slogan publicitaire de l’affiche l’avance, le meilleur thriller de l’année. Quand bien même ce dernier se déroule-t-il dans un espace ultra-confiné et ne s’appuyant sur d’autres effets dramatiques que les événements auxquels les protagonistes assistent en même temps que le spectateur. Redoutable d’efficacité.

Où voir le film ?

5 septembre est disponible en Blu-ray et DVD chez Paramount (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

PARTIR UN JOUR (Amélie Bonnin, 2024)

Alors que Cécile (Juliette Armanet) s’apprête à ouvrir son propre restaurant gastronomique à Paris, la cheffe doit rentrer sur les lieux de son enfance suite de l’infarctus de son père (François Rollin), avec qui le dialogue n’est pas facile depuis des années. Loin de l’agitation parisienne, Cécile recroise Raphaël (Bastien Bouillon), garçon dont elle était amoureuse à son départ pour la capitale…

En 2023, Amélie Bonnin se voit décerner le César du meilleur court métrage pour Partir un jour. Assurément le meilleur film vu dans cette section depuis le jubilatoire Versailles Rive-Gauche de Bruno Podalydès (1992), ce petit film de 25 minutes parvenait mieux que n’importe quel autre à saisir 24 heures dans la vie d’un homme et d’une femme s’étant jadis ratés et ayant chacun fait leur vie de leur côté.

Œuvre un brin nostalgique sur fond d’image d’Épinal bretonne sur fond de chansons populaires intégrées aux dialogues, Partir un jour ne laissait aucunement le spectateur sur sa fin. Juste un brin triste de devoir déjà abandonner Caroline (Juliette Armanet), caissière dans un supermarché, et Julien (Bastien Bouillon), écrivain monté à Paris débutant le très difficile stade du 2e livre, après si peu de temps.

La joie nous a quelque peu envahie lorsqu’Amélie Bonnin se décida à transformer son petit bonheur en long-métrage, basé sur le même principe d’airs connus venant soutenir l’action, mais en inversant la donne : l’exilé ne serait plus l’homme mais la femme. Elle ne sera pas écrivaine mais cuistot ayant remporté Top Chef. Lui de son côté ne sera pas caissier dans un Super-U, mais mécano dans un garage et pilote de motocross à la petite semaine. Le décor ne serait plus celui d’un bord de mer atlantique mais un relais routier en bordure d’autoroute.

Si l’inversion des rôles semble à la base une idée intéressante et le changement d’environnement propice, le résultat prouve qu’une stratégie sans toute trop murement réfléchie ne s’avère pas toujours payante. Là où tout était léger et respirait la spontanéité parfois candide d’une première œuvre en 2021, tout ici semble, sans mauvais amalgame, peser le poids d’une grosse camionnette.

Loin d’être un mauvais film, Partir un jour, version long-métrage, supporte néanmoins assez mal la comparaison avec son génialissime modèle, à la fois bourré de spontanéité et de douce mélancolie. Exactement comme l’est une histoire d’amour adolescente, qui plus est lorsque cette dernière ne fut que fantasmée.

La confrontation entre le court modèle et la longue et par instant laborieuse copie sera facile pour les acquéreurs du film sur support physique, puisque le Blu-ray et le DVD contiennent, outre deux courts modules promotionnels, ledit petit film original césarisé, que l’on pourrait facilement se regarder en boucle. La seule présence ici de ce modèle de simplicité efficace justifie d’ailleurs largement l’acquisition du produit.

Où voir le film ?

Partir un jour est disponible en Blu-ray et DVD chez Pathé (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

ROGUE AGENT (Adam Patterson & Declan Lawn, 2022)

J’avoue, votre honneur : il m’arrive de regarder un film car une comédienne que j’aime est à son générique. Par « j’aime », je n’entends pas forcément qu’il s’agit d’une actrice incroyable. Juste une femme que j’ai plaisir à voir sur un écran. Oui, je sais, ce n’est pas très 2025 tout ça, mais pour ma défense, j’évite aussi comme la peste certains longs métrages pour la raison inverse : à savoir qu’une actrice s’y trouve, quand bien même cette dernière est sans doute brillante.

J’évite par exemple comme la peste un film dans lequel se trouve Margot Robbie, tant tout m’exaspère chez elle. A contrario, la présence de Gemma Arterton peut suffire à me motiver à la vison d’un métrage, même si ce dernier ne semble à priori pas terrible.

Fabrice Luchini est jadis tombé sous son charme (Gemma Bovery, Anne Fontaine, 2014). Comme je le comprends. Et puis, le joli minois de Gemma a quelque peu disparu des radars depuis une dizaine d’année. La faute à l’âge, puisque cette ancienne James Bond Girl malheureuse a aujourd’hui atteint son Migros Data à l’approche de la quarantaine ? Et ça, c’est très 2025, votre honneur : continuer à regarder des films avec Gemma Arterton, toujours aussi sublime, représente une vraie forme de résistance féministe !

Au détour d’une recherche sur IMDb à propos de Freya Mavor que je viens de voir exceller dans le pourtant pas excellent Dalloway de Yann Gozlan, je tombe sur Rogue Agent, film anglais surfant a priori sur la vague de l’espionnage sérieux, justement avec Gemma Arterton.

Sorti en 2022, le film n’a connu aucune sortie salle francophone, pas plus que d’éditions sur support physique autre qu’étrangères et difficilement localisables. L’affiche laisse entrevoir du sous-John Le Carré, le film est disponible sur Canal+, il n’en faut pas plus pour que je m’y risque. Et je dois dire que j’ai plus que bien fait.

En dire plus serait criminel envers d’autres cinéphiles friands de bonnes surprises, tant Rogue Agent en est une. Non que le film soit un chef d’œuvre ou quelque chose que l’on placera dans sa top ten list annuelle. Juste un thriller redoutable, comme on aimerait en voir plus souvent sur nos écrans de cinéma.

Au risque de me répéter, mais moins vous en saurez et plus l’impact de Rogue Agent sera grand. Je ne me targuerai même pas à vous donner le titre des autres métrages auquel celui d’Adam Patterson et Declan Lawn m’a fait penser, au risque de trop divulgacher. Foncez et laissez-vous berner de la même manière que Gemma Arterton. Le jeu en vaut, à condition toutefois de ne pas être ultra-sensible, clairement la chandelle…

Où voir le film ?

Rogue Agent est disponible (location et achat) sur Canal Plus :

https://www.canalplus.com/cinema/rogue-agent/h/21043670_40099/streaming

Coffret « TERREUR IBERIQUE »

Très bonne initiative de l’éditeur Carlotta avec le coffret Terreur ibérique, regroupant deux films de genre horrifique espagnol des années 1970 : Une bougie pour le Diable (Eugenio Martin, 1973) et Poupée de sang (Carlos Puerto, 1977).

Le métrage d’Eugenio Martin se distingue particulièrement via un traitement original du thriller avec la confrontation entre un traditionalisme villageois chaste et une forme de libéralisme citadin en pleine période franquiste. Porté par Judy Geeson, comédienne britannique habituée au œuvres flippantes (L’étrangleur de Rellington Place, Doomwatch, Sueur froide dans la nuit), le film doit surtout beaucoup aux prestations d’Aurora Bautista et d’Esperanza Roy dans les rôles de deux sœurs aubergistes enfermées dans une forme de puritanisme castrateur.

Plus foutraque, Poupée de sang a pourtant un arc narratif de départ ultra efficace (un couple, dont l’homme s’annonce auprès d’un autre comme un ancien camarade de classe oublié), mais le développement devient, au fur et à mesure des minutes, de plus en plus confus, le tout assujetti d’une toile de fond casse-gueule, le film se déroulant entièrement dans une maison. Ceci ne rend heureusement pas cette rareté risible ou ennuyeuse. Juste un peu bancale, surtout si l’on regarde le film en VF, cette dernière ayant à l’évidence été produite dix ans après la sortie du métrage.

Formant un double-programme assez idéal, Terreur ibérique pourrait facilement se décliner en plusieurs volumes ou, encore mieux, surfer de la même manière avec d’autres territoires européens ayant produit jadis de précieuses œuvres de genre. Terreur transalpine, Terreur germanique, Terreur britannique… Pourquoi pas même Terreur hexagonale ? Ce n’est pas le choix qui manque…

Où voir ces films ?

Terreur ibérique (Coffret 2 Blu-rays) est disponible chez Carlotta.

LE HOLD-UP DU SIECLE (ASSAULT ON A QUEEN, Jack Donahue, 1966)

Un groupe de chasseurs de trésors planifie l’attaque à main armée du paquebot de croisière de luxe, Le Queen Mary, en utilisant un sous-marin allemand de la seconde guerre mondiale…

Au rayon des films totalement disparus des radars depuis des décennies, celui-ci détient assurément la Palme. La chose est d’autant plus surprenante que Frank Sinatra en est la tête d’affiche.

Exhumé il y a une grosse dizaine d’années en Blu-ray aux Etats-Unis mais sans la moindre option française, Assault on a Queen fait aujourd’hui son apparition au catalogue de l’éditeur Rimini. La quête de la version française semble d’ailleurs avoir été aussi ardue que celle du Graal pour Indiana Jones (recherche chez les collectionneurs, puis exhumation de cette dernière depuis une copie 35mm – démarche parait-il hors de prix).

L’attente était tellement grande concernant cette pépite disparue du cinéma haut en couleur sixties qu’on en serait presque déçu, dans la mesure où ce Hold-up du siècle dure en tout et pour tout 10 petites minutes au milieu de cette pelloche de presque deux heures. C’est sans doute oublier un peu vite que tous les films de casse de la même période, Topkapi en tête, fonctionnent de la même manière, les préparatifs et les répercussions du méfait restant comme le centre névralgique des métrages.

Sorte de suite swinguante (grâce à la BO de Duke Ellington – certes moins culte que celle d’Autopsie d’un meurtre, mais néanmoins des plus agréables) de Ocean’s 11, Assault of a Queen anticipe de manière claire le dyptique Tony Rome (Tony Rome est dangereux, La femme de ciment) mené par le même Sinatra, tant le décorum d’un port de plaisance en toile de fond y est comparable. Ceci sans parler de la même cool attitude du crooner devant la caméra.

Mentionnons encore un film Disney basé sur le même principe (des casseurs plutôt marrants et inexpérimentés utilisant un port de plaisance pour transporter le contenu d’un coffre via un sous-marin de fortune), définitivement plus mouvementé, qui reste également impossible à voir sur territoire francophone. La quête de la VF du formidable Du vent dans les voiles (The Boatniks, Norman Tokar, 1970) pourrait sans doute être un bon défi à relever pour les Editions Rimini.

Où voir le film ?

Le hold-up du siècle est disponible en Combo Blu-ray+DVD chez Rimini Editions.