ROGUE AGENT (Adam Patterson & Declan Lawn, 2022)

J’avoue, votre honneur : il m’arrive de regarder un film car une comédienne que j’aime est à son générique. Par « j’aime », je n’entends pas forcément qu’il s’agit d’une actrice incroyable. Juste une femme que j’ai plaisir à voir sur un écran. Oui, je sais, ce n’est pas très 2025 tout ça, mais pour ma défense, j’évite aussi comme la peste certains longs métrages pour la raison inverse : à savoir qu’une actrice s’y trouve, quand bien même cette dernière est sans doute brillante.

J’évite par exemple comme la peste un film dans lequel se trouve Margot Robbie, tant tout m’exaspère chez elle. A contrario, la présence de Gemma Arterton peut suffire à me motiver à la vison d’un métrage, même si ce dernier ne semble à priori pas terrible.

Fabrice Luchini est jadis tombé sous son charme (Gemma Bovery, Anne Fontaine, 2014). Comme je le comprends. Et puis, le joli minois de Gemma a quelque peu disparu des radars depuis une dizaine d’année. La faute à l’âge, puisque cette ancienne James Bond Girl malheureuse a aujourd’hui atteint son Migros Data à l’approche de la quarantaine ? Et ça, c’est très 2025, votre honneur : continuer à regarder des films avec Gemma Arterton, toujours aussi sublime, représente une vraie forme de résistance féministe !

Au détour d’une recherche sur IMDb à propos de Freya Mavor que je viens de voir exceller dans le pourtant pas excellent Dalloway de Yann Gozlan, je tombe sur Rogue Agent, film anglais surfant a priori sur la vague de l’espionnage sérieux, justement avec Gemma Arterton.

Sorti en 2022, le film n’a connu aucune sortie salle francophone, pas plus que d’éditions sur support physique autre qu’étrangères et difficilement localisables. L’affiche laisse entrevoir du sous-John Le Carré, le film est disponible sur Canal+, il n’en faut pas plus pour que je m’y risque. Et je dois dire que j’ai plus que bien fait.

En dire plus serait criminel envers d’autres cinéphiles friands de bonnes surprises, tant Rogue Agent en est une. Non que le film soit un chef d’œuvre ou quelque chose que l’on placera dans sa top ten list annuelle. Juste un thriller redoutable, comme on aimerait en voir plus souvent sur nos écrans de cinéma.

Au risque de me répéter, mais moins vous en saurez et plus l’impact de Rogue Agent sera grand. Je ne me targuerai même pas à vous donner le titre des autres métrages auquel celui d’Adam Patterson et Declan Lawn m’a fait penser, au risque de trop divulgacher. Foncez et laissez-vous berner de la même manière que Gemma Arterton. Le jeu en vaut, à condition toutefois de ne pas être ultra-sensible, clairement la chandelle…

Où voir le film ?

Rogue Agent est disponible (location et achat) sur Canal Plus :

https://www.canalplus.com/cinema/rogue-agent/h/21043670_40099/streaming

Coffret « TERREUR IBERIQUE »

Très bonne initiative de l’éditeur Carlotta avec le coffret Terreur ibérique, regroupant deux films de genre horrifique espagnol des années 1970 : Une bougie pour le Diable (Eugenio Martin, 1973) et Poupée de sang (Carlos Puerto, 1977).

Le métrage d’Eugenio Martin se distingue particulièrement via un traitement original du thriller avec la confrontation entre un traditionalisme villageois chaste et une forme de libéralisme citadin en pleine période franquiste. Porté par Judy Geeson, comédienne britannique habituée au œuvres flippantes (L’étrangleur de Rellington Place, Doomwatch, Sueur froide dans la nuit), le film doit surtout beaucoup aux prestations d’Aurora Bautista et d’Esperanza Roy dans les rôles de deux sœurs aubergistes enfermées dans une forme de puritanisme castrateur.

Plus foutraque, Poupée de sang a pourtant un arc narratif de départ ultra efficace (un couple, dont l’homme s’annonce auprès d’un autre comme un ancien camarade de classe oublié), mais le développement devient, au fur et à mesure des minutes, de plus en plus confus, le tout assujetti d’une toile de fond casse-gueule, le film se déroulant entièrement dans une maison. Ceci ne rend heureusement pas cette rareté risible ou ennuyeuse. Juste un peu bancale, surtout si l’on regarde le film en VF, cette dernière ayant à l’évidence été produite dix ans après la sortie du métrage.

Formant un double-programme assez idéal, Terreur ibérique pourrait facilement se décliner en plusieurs volumes ou, encore mieux, surfer de la même manière avec d’autres territoires européens ayant produit jadis de précieuses œuvres de genre. Terreur transalpine, Terreur germanique, Terreur britannique… Pourquoi pas même Terreur hexagonale ? Ce n’est pas le choix qui manque…

Où voir ces films ?

Terreur ibérique (Coffret 2 Blu-rays) est disponible chez Carlotta.

LE HOLD-UP DU SIECLE (ASSAULT ON A QUEEN, Jack Donahue, 1966)

Un groupe de chasseurs de trésors planifie l’attaque à main armée du paquebot de croisière de luxe, Le Queen Mary, en utilisant un sous-marin allemand de la seconde guerre mondiale…

Au rayon des films totalement disparus des radars depuis des décennies, celui-ci détient assurément la Palme. La chose est d’autant plus surprenante que Frank Sinatra en est la tête d’affiche.

Exhumé il y a une grosse dizaine d’années en Blu-ray aux Etats-Unis mais sans la moindre option française, Assault on a Queen fait aujourd’hui son apparition au catalogue de l’éditeur Rimini. La quête de la version française semble d’ailleurs avoir été aussi ardue que celle du Graal pour Indiana Jones (recherche chez les collectionneurs, puis exhumation de cette dernière depuis une copie 35mm – démarche parait-il hors de prix).

L’attente était tellement grande concernant cette pépite disparue du cinéma haut en couleur sixties qu’on en serait presque déçu, dans la mesure où ce Hold-up du siècle dure en tout et pour tout 10 petites minutes au milieu de cette pelloche de presque deux heures. C’est sans doute oublier un peu vite que tous les films de casse de la même période, Topkapi en tête, fonctionnent de la même manière, les préparatifs et les répercussions du méfait restant comme le centre névralgique des métrages.

Sorte de suite swinguante (grâce à la BO de Duke Ellington – certes moins culte que celle d’Autopsie d’un meurtre, mais néanmoins des plus agréables) de Ocean’s 11, Assault of a Queen anticipe de manière claire le dyptique Tony Rome (Tony Rome est dangereux, La femme de ciment) mené par le même Sinatra, tant le décorum d’un port de plaisance en toile de fond y est comparable. Ceci sans parler de la même cool attitude du crooner devant la caméra.

Mentionnons encore un film Disney basé sur le même principe (des casseurs plutôt marrants et inexpérimentés utilisant un port de plaisance pour transporter le contenu d’un coffre via un sous-marin de fortune), définitivement plus mouvementé, qui reste également impossible à voir sur territoire francophone. La quête de la VF du formidable Du vent dans les voiles (The Boatniks, Norman Tokar, 1970) pourrait sans doute être un bon défi à relever pour les Editions Rimini.

Où voir le film ?

Le hold-up du siècle est disponible en Combo Blu-ray+DVD chez Rimini Editions.

LES FUYARDS DU ZAHRAIN (ESCAPE FROM ZAHRAIN, Ronald Neame, 1962)

Au Moyen-Orient, un homme politique est délivré par un groupe de jeunes partisans lors d’un transfert de prison. Le groupe s’empare d’une ambulance et décide de traverser le désert pour rejoindre un pays voisin…

Depuis ses débuts, l’éditeur Rimini, chapeauté par Jean-Pierre Vasseur, ancienne tête pensante de la maison Opening (grâce à laquelle nous avions eu droit à maintes belles raretés à la grande époque du DVD), offre régulièrement aux cinéphile la possibilité d’accéder à des œuvres du passé ayant totalement disparues.

Au registre, Les fuyards du Zahrain est le parfait exemple, puisque le métrage n’avait jamais été exploité sur aucun support sur territoire francophone européen. Fort est donc à parier que le film de Ronald Neame (L’aventure du Poséidon) sera une vraie découverte pour beaucoup.

Certes, le film n’est pas un chef d’œuvre. On est néanmoins épaté par le côté sec et direct du film, sorte de Salaire de le Peur décomplexé, ne faisant aucun cas d’éléments externes à une intrigue centrale resserrée au maximum, centrée sur une petite poignée de personnages unis par la force des choses.

Mentionnons aussi une présence féminine loin d’être anodine, puisque le personnage incarné par Madlyn Rhue (Un monde fou, fou, fou, fou) est une femme très émancipée pour l’époque (ne manquant d’ailleurs jamais de remettre ses Messieurs à leur place). Egalement la présence furtive de James Mason, non crédité au générique. Un film dans son époque certes, mais qui a à la fois du panache et de la classe.

Où voir le film ?

Les fuyards du Zahrain est disponible en Combo Blu-ray+DVD chez Rimini Editions.

LE MYSTERE ANDROMEDE (THE ANDROMEDA STRAIN, Robert Wise, 1971)

Isolée dans une base secrète, une équipe de scientifiques étudie un virus extraterrestre ayant décimé en quelques heures un village reculé. Seuls, deux habitants ont mystérieusement survécu : un bébé et un vieillard. Il ne reste que quelques jours pour trouver un moyen de supprimer ce virus avant qu’il ne risque de se propager à la surface du globe…

1968 : la sortie sur les écrans de 2001, l’odyssée de l’espace, bouleverse à tout jamais la stratosphère cinéma grâce à un réalisme et un visuel jamais vus auparavant. Dès lors, plusieurs productions vont s’engouffrer dans la brèche ouverte par Stanley Kubrick en produisant toute une série de métrages de science-fiction à connotations philosophiques, écologiques ou potentiellement catastrophistes, restés dans l’histoire du cinéma.

Adaptation du premier roman que le jeune Michael Crichton signe de son nom, Le mystère Andromède réussi l’incroyable pari de rester proche d’une réalité biologique. En effet, si l’hypothétique virus extraterrestre présenté dans le roman relève heureusement du pur fantasme, ses conséquences sur l’homme peuvent tout à fait être étayables du point de vue biochimique. Preuve que le passé de médecin de Crichton aura nourri son œuvre au point de la rendre des plus crédibles.

A l’époque du tournage, Robert Wise est un cinéaste approchant la soixantaine. Tout porterait à croire qu’il n’est donc pas l’homme de la situation. Au vu du résultat final, on est époustouflé par le côté novateur de la mise en image du Mystère Andromède. Cherchant également à coller au mieux à un récit qui se veut le plus réaliste possible, Wise prend près de 40 minutes pour nous immerger, tels les protagonistes de cette aventure, au cœur d’un laboratoire ultra-sécurisé de toute part, tant du point de vue « secret défense » que de son aspect parfaitement hermétique.

Film « claustrophobesque » à souhait, The Andromeda Strain reste un véritable cas d’école. En effet, jamais depuis dans l’histoire du cinéma, un film n’aura autant réussi à tenir en haleine le spectateur sans autre artifice que le décor d’un laboratoire ultracontrôlé situé à des centaines de mètres sous terre.

Soutenu par les effets visuels de Douglas Trumbull, déjà responsable de ceux de 2001, et par une bande originale très novatrice de Gil Mellé, compositeur généralement cantonné à la télévision qui ouvre ici une brèche pour tous les futurs compositeurs de thrillers paranoïaques 70s (Michael Small, David Shire…), Le mystère Andromède reste, au vu de sa thématique et plus de 50 ans après sa sortie, une œuvre effroyablement intemporelle.

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Le mystère Andromède est disponible en Blu-ray et DVD chez BQHL.

HAMBURGER HILL (John Irvin, 1987)

Vietnam, mai 1969 : tandis que s’ouvrent les premières négociations visant à mettre fin à la guerre, la 101e division aéroportée continue de se battre sur le front. Les blessés et les morts sont évacués, remplacés par de jeunes recrues tout juste débarquées. L’état-major ordonne de conquérir une colline d’importance stratégique, surnommée de manière dérisoire « Hamburger Hill » par les soldats. La lutte pour le monticule de terre durera dix jours…

« Vous pensez que vous avez des problèmes parce que vous êtes contre la guerre, que vous avez manifesté en fac, que vous portez des symboles pacifistes et que vos actions ne sont pas en accord avec vos opinions ? Je suis orphelin, mon frère est pédé, toute la ville de Chicago à la chtouille grâce à ma sœur. Ma mère boit, le vieux crache ses poumons, j’ai de l’herpès, le pied d’athlète et le colon plein de vers et la guerre a ruiné mes chances de devenir un jour un très grand médecin. Vous n’avez aucun problème, excepté moi… ». Telle est l’une des nombreuses punchlines aiguisées lâchées par Dylan McDermott, comédien dont la prometteuse carrière se destinera à devenir un excellent second rôle récurent du cinoche américain.

On pourrait d’ailleurs trop hâtivement en conclure que Hamburger Hill est un simple émule de Platoon et Full Metal Jacket, deux métrages arrivant à point nommé après maints films de « namsploitation » outrageusement patriotiques (Rambo II, Portés disparus,…). A sa manière, Hamburger Hill parvient à tirer son épingle du jeu. Le film de John Irvin n’a donc aucunement à rougir face aux métrages d’Oliver Stone et Stanley Kubrick. Mieux : il parvient à dépeindre, sans pour autant en montrer une seule image, le malaise régnant dans l’opinion publique américaine à la fin des années 1960 face au conflit armé faisant rage au Vietnam.

Malgré le côté frontalement gore pour l’époque (qui anticipe d’une certaine manière ce que fera Steven Spielberg avec Saving Private Ryan), le véritable sujet de Hamburger Hill se situe ailleurs. A travers sa vision de la camaraderie ne pouvant que souder des soldats très souvent envoyés au combat malgré eux, John Irvin parvient, via des interactions ciselées entre ses protagonistes, à mettre en lumière un évident désarroi.

Tout d’abord à travers le portrait de soldats noirs américains s’estimant jetés en pâture pendant que des fils de bonnes familles blancs ont réussi à échapper à leur incorporation. Ensuite via de simples quidams bien conscients, grâce au courrier qu’ils échangent avec leurs proches aux Etats-Unis, qu’ils ne seront à coup sûr pas traités comme des héros à leur retour, ce qu’on leur a fait miroiter si, de bonne fortune, ils en réchappent. Une œuvre essentielle sur la guerre du Vietnam, qu’il serait grand temps de réévaluer à sa juste valeur.

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

Hamburger Hill est disponible en Blu-ray et DVD chez Metropolitan.

L’HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE (THE MAN WHO SHOT LIBERTY VALANCE, John Ford, 1962)

Shinbone, 1910. Ransom Stoddard (James Stewart), un important sénateur, et sa femme Hallie (Vera Miles) reviennent dans la ville où il se sont rencontrés pour assister à l’enterrement de Tom Doniphon (John Wayne), figure locale que tout le monde semble avoir oublié. Un journaliste local, intrigué par la présente d’un éminent politicien aux obsèques d’un cowboy inconnu, s’interroge. D’abord réticent, Stoddard, finit par accepter de lui raconter son histoire et la manière dont Doniphon fut jadis intimement lié à son ascension…

Attention chef-d’œuvre ! Que l’on soit fan de western ou non, que l’on supporte John Wayne ou pas, L’homme qui tua Liberty Valance est un film que l’on se doit d’avoir vu au moins une fois dans sa vie.

On entend déjà les réticents à la figure du plus réac’ des cowboys américains monter aux barricades. Oui, Wayne est un acteur peu compatible avec le Troisième Millénaire. Il n’en demeure pas moins l’une des figures indispensables de L’homme qui tua Liberty Valance. Un protagoniste presque secondaire, mais qui reste comme la pierre angulaire du récit. L’incarnation d’un personnage tellement emblématique et humain qu’il pourrait à lui seul effacer l’ardoise complète de Wayne envers ses détracteurs.

Il est également possible de déceler une réelle continuité inconsciente entre le film de John Ford, La vie est belle de Frank Capra (le film était également en grande partie axé sur un long flashback) et Autopsie d’un meurtre d’Otto Preminger (James Stewart y incarnant également un homme de loi sujet à une remise en question), deux autres incontournables du cinéma US reposant en grande partie sur les épaules de leur comédien principal. A savoir James Stewart, qui restera à jamais, avec Gregory Peck, l’incarnation sublime du héros américain à mille lieues d’une masculinité débordante.

Affichant des valeurs aussi universelles qu’indémodables, L’homme qui tua Liberty Valance peut sans exagération aucune, et au même titre que Du silence et des ombres de Robert Mulligan (sorti la même année), être qualifié d’œuvre de référence pour toute construction de vie. Un métrage dans lequel tout ou presque est présent. De la figure du rotor n’ayant d’autre exutoire pour s’affirmer qu’une violence crasse (très ancrée dans notre mode de vie occidental) à l’essence même de ce qui a construit la société moderne, faites de grands hommes ayant très souvent pu bénéficier de l’aide de véritables altruistes (ne cherchant donc aucunement la lumière des projecteurs).

Une œuvre incontournable, fondatrice, sublime, où chaque chose est à sa place. Un film parfait donc, à voir et revoir sans fin…

Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »

Où voir le film ?

L’homme qui tua Liberty Valance est disponible en UHD 4K, Blu-ray et DVD chez Paramount Pictures (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).

Attention : aucune de ces éditions ne contient la version française originale. Le nouveau doublage s’explique car le film avait été raccourci pour son exploitation française en 1962. John Wayne n’a donc pas la voix de Raymond Loyer, mais de Marc Alfos, le doubleur attitré de Russell Crowe…

LES ENQUÊTES DU DEPARTEMENT V : PROMESSE (BOUNDLESS, Ole Christian Madsen, 2024)

Au registre des transpositions à l’écran de polars danois, Les enquêtes du Département V s’en sortent avec bien plus d’honneurs que Millenium (à l’exception bien entendu du film de David Fincher). La raison est que ces adaptations du Département V (Département Q sur tous les autres territoires. La raison de ce changement dans la langue de Molière semble évidente) ont dès le départ été pensées pour le cinéma, là où les adaptations de Stieg Larsson étaient réfléchies comme une mini-série modulable dans leur durée pour le grand écran.

Après les adaptions imparables des quatre premiers ouvrages de Jussi Alsen-Olsen (Miséricorde, Profanation, Délivrance et Dossier 64), on pensait le dossier clos, le tandem parfait de comédiens choisis (Nikolaj Lie Kaas, effrayant tueur illuminé de Anges et Démons et Fares Fares, impeccable dans Le Caire Confidentiel) ayant décidé de rendre leur costard.

Les quatre premiers films ayant rapporté la timbale dans les pays nordiques, où ils furent bel et bien exploités en salle obscure (les métrages sont directement arrivés dans nos salons francophones), il ne fut guère étonnant de voir débouler la transposition du cinquième ouvrage en 2021. Malheureusement, le changement de casting assujetti d’une qualité toute relative du scénario de L’Effet Papillon (ou Effet Marco) laissaient sur le carreau les aficionados de la première heure.

La prudence était donc de mise avec Promesse, la dernière cuvée des enquêtes du Département V. Si les personnages de Carl Morck et Rose sont toujours interprétés par Ulrich Thomsen (sorte de croisement entre Sting et Philip Seymour Hoffman) et Sofie Torp (pour le coup bien plus convaincante que l’actrice précédente), le personnage d’Assad change une nouvelle fois de visage, et s’en trouve en même temps relégué à de la simple figuration.

Sans parvenir à égaler le quatuor de films originaux, et avec la concurrence d’une nouvelle et très bonne adaptation britannique sous forme de mini-série débarquée il y a peu sur Netflix (Les dossiers oubliés), Promesse redresse assez admirablement la barre suite au catastrophique précédent film.

Nanti d’une mise en scène proposant un vrai point de vue et d’une photographie ultra-lumineuse (en complète opposition aux précédents volets, mais en parfaite adéquation avec le récit), Promesse satisfera donc plus que largement l’amateur de polars tentaculaires et aux multiples rebondissements.

Où voir le film ?

Les enquêtes du Départment V : Promesse est disponible en Blu-ray et DVD chez Wild Side Vidéo (distribution suisse : Frenetic Films)

TOM & JERRY – THE COMPLETE CINEMASCOPE COLLECTION (1954-1958)

Ultimes représentants, avec Tex Avery, de la quintessence créative foldingue des studios d’animation de la MGM, les (més)aventures de Tom le chat plus sadique de l’univers et Jerry la souris espiègle ont été bien malmenées jusqu’ici en HD. Alors que le Vieux Continent avait eu droit, au milieu des années 2000, à une intégrale DVD en 12 volumes reprenant chronologiquement l’intégralité des cartoons en versions intégrales (des prémices au début des années 1940 jusqu’à l’ère Chuck Jones, stoppée en 1967), le ressortie en Blu-ray de Tom & Jerry se voyait avortée après un premier volume, comprenant les 37 premiers épisodes répartis sur 2 Blu-rays, paru en 2011.

Présentant les dessins animés en version restaurée et intégrale (ce qui ne fut pas toujours le cas suivant les territoires), cette première salve devait être suivie, respectivement en 2013 et 2015, de deux coffrets homologues, qui formeraient une jolie intégrale de la période historique (1940-1967). Manque de bol : la sacro-sainte censure américaine se voyait « obligée » de retirer du volume 2, dont le contenu était déjà annoncé, 3 cartoons incriminés pour connotation raciale (le problème sera identique pour Tex Avery, l’intégrale actuellement disponible proposant bien des version uncut mais deux dessins animés sont encore et toujours aux abonnés absents).

Suite aux nombreuses grognes des aficionados, demandant à Warner (détentrice du catalogue MGM) de revoir son jugement, quitte à mettre une mention en début de programme et en indiquant sur la jaquette, comble de la faux-dercherie, que ces dessins animés ne sont pas destinés aux enfants), le studio au château d’eau préférait envoyer les futures sorties aux calendes grecques, laissant sur le carreau toute une franche de cinéphages.

Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir au catalogue de Warner Archive ce printemps un Blu-ray contenant l’intégrale des 23 cartoons de Tom & Jerry tournés en CinemaScope (on a tendance à l’oublier, mais ces petites choses étaient destinées en premier lieu aux salles de cinéma). Jusqu’ici malmenée (ces dessins animés étant auparavant uniquement disponible au pire en version pan/scan, au mieux au bon format mais encodés en 4/3), cette grosse salve fait donc peau neuve grâce à des très récentes restaurations, affichant des cartoons ayant un éclat jamais égalé.

Suivant chronologiquement la salve de 42 épisodes annoncés au menu de l’avorté The Golden Collection – volume 2 (ne vous épuisez donc pas à le chercher : ce coffret n’existe pas, bien qu’il soit facile d’en dénicher le visuel), cette sortie est assez passionnante, dans la mesure où, bien que clôturant la première ère gérée par le tandem Joseph Hanna et William Barbera, ces cartoons affichent un changement de style esthétique après quelques épisodes. La raison en étant le départ de Fred Quimby, producteur historique de la division animée de la MGM, à qui revient une grande partie de la liberté artistique dont pouvait jouir les animateurs du studio.

Le style esthétique devient plus sommaire en même temps que les scénarios, cherchant visiblement à mieux coller à l’ère du temps, faisaient perdre une bonne partie de la magie qu’avaient jusque là ces petits chefs d’œuvres. On jettera donc notre dévolu sur les premières 30 minutes de ce programme, en particulier sur les 2 derniers épisodes mettant en scène Tom et Jerry en mousquetaires. Les seuls également où les personnages s’expriment de manière intelligible et hilarante in french dans le texte…

Où voir ces cartoons ?

Tom & Jerry – The Complete CinemaScope Collection est disponible en Blu-ray chez Warner Archive

HERETIC (Scott Beck/Bryan Woods, 2024)

Depuis quelques années, deux studios indépendants américains se chamaillent afin de savoir lequel sera celui détenant la Palme d’un renouveau au registre horrifique. Tandis que Blumhouse se coltine encore et toujours la réputation d’être avant tout à l’origine de films pour adolescents produits à la chaine, A24 reste, on-ne-sait trop par quel miracle, celui dont la réputation semble inébranlable, et ce malgré plusieurs faux pas.

On en oublierait presque que Blumhouse est à l’origine de métrages aussi réjouissants que Sinister de Scott Derrickson, Get Out de Jordan Peele ou BlacKkKlansman de Spike Lee. De son côté, A24 brouille les cartes en ne se contentant pas uniquement de produire des métrages classés au registre horrifique. Astuce permettant à la société de maintenir, du moins sur le papier, une sorte d’aura uniquement constitué de pièces maitresses.

Sorti il y a quelques semaines sur sol américain, Heretic, dernière production de genre labellisée A24, arrive sur le Vieux Continent après avoir cassé la baraque aux Etats-Unis. On était donc très curieux de constater du résultat de ce premier long métrage signé par Scott Beck et Bryan Woods, tandem ayant réussi à se démarquer grâce à l’imparable scénario de Sans un bruit (A Quiet Place, John Krasinski, 2018), assurément le film horrifique le plus original et efficace de ces dernières années.

La première heure de Heretic laisse d’ailleurs sans voix, tant tout y est réglé comme du papier à musique. Introduction réduite au minimum, propulsant dès les premières minutes deux jeunes missionnaires mormones (Chloe East et Sophie Thatcher, toutes deux formidables) à la porte de Monsieur Reed (étonnant Hugh Grant), un homme peut-être bien moins agréable qu’il n’y parait.

Pendant près de 60 minutes, le métrage ne fait appel à aucun autre artifice qu’une pièce boisée dans laquelle trois personnages vont se livrer à une joute verbale digne d’un concours d’éloquence. Bien moins naïf qu’il n’y parait, Reed se joue des deux jeunes convaincues afin d’ébranler leurs croyances à priori infaillibles. Ceci en laissant monter, lentement mais sûrement, une tension ultra malaisante.

Et puis patatras : plutôt que de continuer sur ce formidable postulat, laissant réellement entrevoir le meilleur film d’horreur de ces 10 dernières années, Heretic se vautre sur sa deuxième moitié dans un dédales de situations aussi grotesques que poussives. D’un homme extrêmement habile et patient, Mister Reed devient un vulgaire boogeyman n’ayant plus aucune limite.

Jamais un film de genre de nous avait laissé un tel sentiment partagé avec, d’un côté, une première partie digne d’un essai que l’on pourrait facilement montrer à des étudiants en cinéma, et une seconde qui rebutera sans doute même les afficionados de Saw et autre métrage porn-gore. Peut-être est-il possible d’acheter une demi-place de cinéma et de quitter la salle à l’entracte ?

Texte originellement publié dans la presse romande en novembre 2024.

Où voir le film ?

Heretic est disponible en Blu-ray et DVD chez Le Pacte (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment AG)