Au Moyen-Orient, un homme politique est délivré par un groupe de jeunes partisans lors d’un transfert de prison. Le groupe s’empare d’une ambulance et décide de traverser le désert pour rejoindre un pays voisin…
Depuis ses débuts, l’éditeur Rimini, chapeauté par Jean-Pierre Vasseur, ancienne tête pensante de la maison Opening (grâce à laquelle nous avions eu droit à maintes belles raretés à la grande époque du DVD), offre régulièrement aux cinéphile la possibilité d’accéder à des œuvres du passé ayant totalement disparues.
Au registre, Les fuyards du Zahrain est le parfait exemple, puisque le métrage n’avait jamais été exploité sur aucun support sur territoire francophone européen. Fort est donc à parier que le film de Ronald Neame (L’aventure du Poséidon) sera une vraie découverte pour beaucoup.
Certes, le film n’est pas un chef d’œuvre. On est néanmoins épaté par le côté sec et direct du film, sorte de Salaire de le Peur décomplexé, ne faisant aucun cas d’éléments externes à une intrigue centrale resserrée au maximum, centrée sur une petite poignée de personnages unis par la force des choses.
Mentionnons aussi une présence féminine loin d’être anodine, puisque le personnage incarné par Madlyn Rhue (Un monde fou, fou, fou, fou) est une femme très émancipée pour l’époque (ne manquant d’ailleurs jamais de remettre ses Messieurs à leur place). Egalement la présence furtive de James Mason, non crédité au générique. Un film dans son époque certes, mais qui a à la fois du panache et de la classe.
Où voir le film ?
Les fuyards du Zahrain est disponible en Combo Blu-ray+DVD chez Rimini Editions.
Isolée dans une base secrète, une équipe de scientifiques étudie un virus extraterrestre ayant décimé en quelques heures un village reculé. Seuls, deux habitants ont mystérieusement survécu : un bébé et un vieillard. Il ne reste que quelques jours pour trouver un moyen de supprimer ce virus avant qu’il ne risque de se propager à la surface du globe…
1968 : la sortie sur les écrans de 2001, l’odyssée de l’espace, bouleverse à tout jamais la stratosphère cinéma grâce à un réalisme et un visuel jamais vus auparavant. Dès lors, plusieurs productions vont s’engouffrer dans la brèche ouverte par Stanley Kubrick en produisant toute une série de métrages de science-fiction à connotations philosophiques, écologiques ou potentiellement catastrophistes, restés dans l’histoire du cinéma.
Adaptation du premier roman que le jeune Michael Crichton signe de son nom, Le mystère Andromède réussi l’incroyable pari de rester proche d’une réalité biologique. En effet, si l’hypothétique virus extraterrestre présenté dans le roman relève heureusement du pur fantasme, ses conséquences sur l’homme peuvent tout à fait être étayables du point de vue biochimique. Preuve que le passé de médecin de Crichton aura nourri son œuvre au point de la rendre des plus crédibles.
A l’époque du tournage, Robert Wise est un cinéaste approchant la soixantaine. Tout porterait à croire qu’il n’est donc pas l’homme de la situation. Au vu du résultat final, on est époustouflé par le côté novateur de la mise en image du Mystère Andromède. Cherchant également à coller au mieux à un récit qui se veut le plus réaliste possible, Wise prend près de 40 minutes pour nous immerger, tels les protagonistes de cette aventure, au cœur d’un laboratoire ultra-sécurisé de toute part, tant du point de vue « secret défense » que de son aspect parfaitement hermétique.
Film « claustrophobesque » à souhait, The Andromeda Strain reste un véritable cas d’école. En effet, jamais depuis dans l’histoire du cinéma, un film n’aura autant réussi à tenir en haleine le spectateur sans autre artifice que le décor d’un laboratoire ultracontrôlé situé à des centaines de mètres sous terre.
Soutenu par les effets visuels de Douglas Trumbull, déjà responsable de ceux de 2001, et par une bande originale très novatrice de Gil Mellé, compositeur généralement cantonné à la télévision qui ouvre ici une brèche pour tous les futurs compositeurs de thrillers paranoïaques 70s (Michael Small, David Shire…), Le mystère Andromède reste, au vu de sa thématique et plus de 50 ans après sa sortie, une œuvre effroyablement intemporelle.
Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »
Où voir le film ?
Le mystère Andromède est disponible en Blu-ray et DVD chez BQHL.
Vietnam, mai 1969 : tandis que s’ouvrent les premières négociations visant à mettre fin à la guerre, la 101e division aéroportée continue de se battre sur le front. Les blessés et les morts sont évacués, remplacés par de jeunes recrues tout juste débarquées. L’état-major ordonne de conquérir une colline d’importance stratégique, surnommée de manière dérisoire « Hamburger Hill » par les soldats. La lutte pour le monticule de terre durera dix jours…
« Vous pensez que vous avez des problèmes parce que vous êtes contre la guerre, que vous avez manifesté en fac, que vous portez des symboles pacifistes et que vos actions ne sont pas en accord avec vos opinions ? Je suis orphelin, mon frère est pédé, toute la ville de Chicago à la chtouille grâce à ma sœur. Ma mère boit, le vieux crache ses poumons, j’ai de l’herpès, le pied d’athlète et le colon plein de vers et la guerre a ruiné mes chances de devenir un jour un très grand médecin. Vous n’avez aucun problème, excepté moi… ». Telle est l’une des nombreuses punchlines aiguisées lâchées par Dylan McDermott, comédien dont la prometteuse carrière se destinera à devenir un excellent second rôle récurent du cinoche américain.
On pourrait d’ailleurs trop hâtivement en conclure que Hamburger Hill est un simple émule de Platoon et Full Metal Jacket, deux métrages arrivant à point nommé après maints films de « namsploitation » outrageusement patriotiques (Rambo II, Portés disparus,…). A sa manière, Hamburger Hill parvient à tirer son épingle du jeu. Le film de John Irvin n’a donc aucunement à rougir face aux métrages d’Oliver Stone et Stanley Kubrick. Mieux : il parvient à dépeindre, sans pour autant en montrer une seule image, le malaise régnant dans l’opinion publique américaine à la fin des années 1960 face au conflit armé faisant rage au Vietnam.
Malgré le côté frontalement gore pour l’époque (qui anticipe d’une certaine manière ce que fera Steven Spielberg avec Saving Private Ryan), le véritable sujet de Hamburger Hill se situe ailleurs. A travers sa vision de la camaraderie ne pouvant que souder des soldats très souvent envoyés au combat malgré eux, John Irvin parvient, via des interactions ciselées entre ses protagonistes, à mettre en lumière un évident désarroi.
Tout d’abord à travers le portrait de soldats noirs américains s’estimant jetés en pâture pendant que des fils de bonnes familles blancs ont réussi à échapper à leur incorporation. Ensuite via de simples quidams bien conscients, grâce au courrier qu’ils échangent avec leurs proches aux Etats-Unis, qu’ils ne seront à coup sûr pas traités comme des héros à leur retour, ce qu’on leur a fait miroiter si, de bonne fortune, ils en réchappent. Une œuvre essentielle sur la guerre du Vietnam, qu’il serait grand temps de réévaluer à sa juste valeur.
Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »
Où voir le film ?
Hamburger Hill est disponible en Blu-ray et DVD chez Metropolitan.
Shinbone, 1910. Ransom Stoddard (James Stewart), un important sénateur, et sa femme Hallie (Vera Miles) reviennent dans la ville où il se sont rencontrés pour assister à l’enterrement de Tom Doniphon (John Wayne), figure locale que tout le monde semble avoir oublié. Un journaliste local, intrigué par la présente d’un éminent politicien aux obsèques d’un cowboy inconnu, s’interroge. D’abord réticent, Stoddard, finit par accepter de lui raconter son histoire et la manière dont Doniphon fut jadis intimement lié à son ascension…
Attention chef-d’œuvre ! Que l’on soit fan de western ou non, que l’on supporte John Wayne ou pas, L’homme qui tua Liberty Valance est un film que l’on se doit d’avoir vu au moins une fois dans sa vie.
On entend déjà les réticents à la figure du plus réac’ des cowboys américains monter aux barricades. Oui, Wayne est un acteur peu compatible avec le Troisième Millénaire. Il n’en demeure pas moins l’une des figures indispensables de L’homme qui tua Liberty Valance. Un protagoniste presque secondaire, mais qui reste comme la pierre angulaire du récit. L’incarnation d’un personnage tellement emblématique et humain qu’il pourrait à lui seul effacer l’ardoise complète de Wayne envers ses détracteurs.
Il est également possible de déceler une réelle continuité inconsciente entre le film de John Ford, La vie est belle de Frank Capra (le film était également en grande partie axé sur un long flashback) et Autopsie d’un meurtre d’Otto Preminger (James Stewart y incarnant également un homme de loi sujet à une remise en question), deux autres incontournables du cinéma US reposant en grande partie sur les épaules de leur comédien principal. A savoir James Stewart, qui restera à jamais, avec Gregory Peck, l’incarnation sublime du héros américain à mille lieues d’une masculinité débordante.
Affichant des valeurs aussi universelles qu’indémodables, L’homme qui tua Liberty Valance peut sans exagération aucune, et au même titre que Du silence et des ombres de Robert Mulligan (sorti la même année), être qualifié d’œuvre de référence pour toute construction de vie. Un métrage dans lequel tout ou presque est présent. De la figure du rotor n’ayant d’autre exutoire pour s’affirmer qu’une violence crasse (très ancrée dans notre mode de vie occidental) à l’essence même de ce qui a construit la société moderne, faites de grands hommes ayant très souvent pu bénéficier de l’aide de véritables altruistes (ne cherchant donc aucunement la lumière des projecteurs).
Une œuvre incontournable, fondatrice, sublime, où chaque chose est à sa place. Un film parfait donc, à voir et revoir sans fin…
Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »
Où voir le film ?
L’homme qui tua Liberty Valance est disponible en UHD 4K, Blu-ray et DVD chez Paramount Pictures (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment).
Attention : aucune de ces éditions ne contient la version française originale. Le nouveau doublage s’explique car le film avait été raccourci pour son exploitation française en 1962. John Wayne n’a donc pas la voix de Raymond Loyer, mais de Marc Alfos, le doubleur attitré de Russell Crowe…
Au registre des transpositions à l’écran de polars danois, Les enquêtes du Département V s’en sortent avec bien plus d’honneurs que Millenium (à l’exception bien entendu du film de David Fincher). La raison est que ces adaptations du Département V (Département Q sur tous les autres territoires. La raison de ce changement dans la langue de Molière semble évidente) ont dès le départ été pensées pour le cinéma, là où les adaptations de Stieg Larsson étaient réfléchies comme une mini-série modulable dans leur durée pour le grand écran.
Après les adaptions imparables des quatre premiers ouvrages de Jussi Alsen-Olsen (Miséricorde, Profanation, Délivrance et Dossier 64), on pensait le dossier clos, le tandem parfait de comédiens choisis (Nikolaj Lie Kaas, effrayant tueur illuminé de Anges et Démons et Fares Fares, impeccable dans Le Caire Confidentiel) ayant décidé de rendre leur costard.
Les quatre premiers films ayant rapporté la timbale dans les pays nordiques, où ils furent bel et bien exploités en salle obscure (les métrages sont directement arrivés dans nos salons francophones), il ne fut guère étonnant de voir débouler la transposition du cinquième ouvrage en 2021. Malheureusement, le changement de casting assujetti d’une qualité toute relative du scénario de L’Effet Papillon (ou Effet Marco) laissaient sur le carreau les aficionados de la première heure.
La prudence était donc de mise avec Promesse, la dernière cuvée des enquêtes duDépartement V. Si les personnages de Carl Morck et Rose sont toujours interprétés par Ulrich Thomsen (sorte de croisement entre Sting et Philip Seymour Hoffman) et Sofie Torp (pour le coup bien plus convaincante que l’actrice précédente), le personnage d’Assad change une nouvelle fois de visage, et s’en trouve en même temps relégué à de la simple figuration.
Sans parvenir à égaler le quatuor de films originaux, et avec la concurrence d’une nouvelle et très bonne adaptation britannique sous forme de mini-série débarquée il y a peu sur Netflix (Les dossiers oubliés), Promesse redresse assez admirablement la barre suite au catastrophique précédent film.
Nanti d’une mise en scène proposant un vrai point de vue et d’une photographie ultra-lumineuse (en complète opposition aux précédents volets, mais en parfaite adéquation avec le récit), Promesse satisfera donc plus que largement l’amateur de polars tentaculaires et aux multiples rebondissements.
Où voir le film ?
Les enquêtes du Départment V : Promesse est disponible en Blu-ray et DVD chez Wild Side Vidéo (distribution suisse : Frenetic Films)
Ultimes représentants, avec Tex Avery, de la quintessence créative foldingue des studios d’animation de la MGM, les (més)aventures de Tom le chat plus sadique de l’univers et Jerry la souris espiègle ont été bien malmenées jusqu’ici en HD. Alors que le Vieux Continent avait eu droit, au milieu des années 2000, à une intégrale DVD en 12 volumes reprenant chronologiquement l’intégralité des cartoons en versions intégrales (des prémices au début des années 1940 jusqu’à l’ère Chuck Jones, stoppée en 1967), le ressortie en Blu-ray de Tom & Jerry se voyait avortée après un premier volume, comprenant les 37 premiers épisodes répartis sur 2 Blu-rays, paru en 2011.
Présentant les dessins animés en version restaurée et intégrale (ce qui ne fut pas toujours le cas suivant les territoires), cette première salve devait être suivie, respectivement en 2013 et 2015, de deux coffrets homologues, qui formeraient une jolie intégrale de la période historique (1940-1967). Manque de bol : la sacro-sainte censure américaine se voyait « obligée » de retirer du volume 2, dont le contenu était déjà annoncé, 3 cartoons incriminés pour connotation raciale (le problème sera identique pour Tex Avery, l’intégrale actuellement disponible proposant bien des version uncut mais deux dessins animés sont encore et toujours aux abonnés absents).
Suite aux nombreuses grognes des aficionados, demandant à Warner (détentrice du catalogue MGM) de revoir son jugement, quitte à mettre une mention en début de programme et en indiquant sur la jaquette, comble de la faux-dercherie, que ces dessins animés ne sont pas destinés aux enfants), le studio au château d’eau préférait envoyer les futures sorties aux calendes grecques, laissant sur le carreau toute une franche de cinéphages.
Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir au catalogue de Warner Archive ce printemps un Blu-ray contenant l’intégrale des 23 cartoons de Tom & Jerry tournés en CinemaScope (on a tendance à l’oublier, mais ces petites choses étaient destinées en premier lieu aux salles de cinéma). Jusqu’ici malmenée (ces dessins animés étant auparavant uniquement disponible au pire en version pan/scan, au mieux au bon format mais encodés en 4/3), cette grosse salve fait donc peau neuve grâce à des très récentes restaurations, affichant des cartoons ayant un éclat jamais égalé.
Suivant chronologiquement la salve de 42 épisodes annoncés au menu de l’avorté The Golden Collection – volume 2 (ne vous épuisez donc pas à le chercher : ce coffret n’existe pas, bien qu’il soit facile d’en dénicher le visuel), cette sortie est assez passionnante, dans la mesure où, bien que clôturant la première ère gérée par le tandem Joseph Hanna et William Barbera, ces cartoons affichent un changement de style esthétique après quelques épisodes. La raison en étant le départ de Fred Quimby, producteur historique de la division animée de la MGM, à qui revient une grande partie de la liberté artistique dont pouvait jouir les animateurs du studio.
Le style esthétique devient plus sommaire en même temps que les scénarios, cherchant visiblement à mieux coller à l’ère du temps, faisaient perdre une bonne partie de la magie qu’avaient jusque là ces petits chefs d’œuvres. On jettera donc notre dévolu sur les premières 30 minutes de ce programme, en particulier sur les 2 derniers épisodes mettant en scène Tom et Jerry en mousquetaires. Les seuls également où les personnages s’expriment de manière intelligible et hilarante in french dans le texte…
Où voir ces cartoons ?
Tom & Jerry – The Complete CinemaScope Collection est disponible en Blu-ray chez Warner Archive
Depuis quelques années, deux studios indépendants américains se chamaillent afin de savoir lequel sera celui détenant la Palme d’un renouveau au registre horrifique. Tandis que Blumhouse se coltine encore et toujours la réputation d’être avant tout à l’origine de films pour adolescents produits à la chaine, A24 reste, on-ne-sait trop par quel miracle, celui dont la réputation semble inébranlable, et ce malgré plusieurs faux pas.
On en oublierait presque que Blumhouse est à l’origine de métrages aussi réjouissants que Sinister de Scott Derrickson, Get Out de Jordan Peele ou BlacKkKlansman de Spike Lee. De son côté, A24 brouille les cartes en ne se contentant pas uniquement de produire des métrages classés au registre horrifique. Astuce permettant à la société de maintenir, du moins sur le papier, une sorte d’aura uniquement constitué de pièces maitresses.
Sorti il y a quelques semaines sur sol américain, Heretic, dernière production de genre labellisée A24, arrive sur le Vieux Continent après avoir cassé la baraque aux Etats-Unis. On était donc très curieux de constater du résultat de ce premier long métrage signé par Scott Beck et Bryan Woods, tandem ayant réussi à se démarquer grâce à l’imparable scénario de Sans un bruit (A Quiet Place, John Krasinski, 2018), assurément le film horrifique le plus original et efficace de ces dernières années.
La première heure de Heretic laisse d’ailleurs sans voix, tant tout y est réglé comme du papier à musique. Introduction réduite au minimum, propulsant dès les premières minutes deux jeunes missionnaires mormones (Chloe East et Sophie Thatcher, toutes deux formidables) à la porte de Monsieur Reed (étonnant Hugh Grant), un homme peut-être bien moins agréable qu’il n’y parait.
Pendant près de 60 minutes, le métrage ne fait appel à aucun autre artifice qu’une pièce boisée dans laquelle trois personnages vont se livrer à une joute verbale digne d’un concours d’éloquence. Bien moins naïf qu’il n’y parait, Reed se joue des deux jeunes convaincues afin d’ébranler leurs croyances à priori infaillibles. Ceci en laissant monter, lentement mais sûrement, une tension ultra malaisante.
Et puis patatras : plutôt que de continuer sur ce formidable postulat, laissant réellement entrevoir le meilleur film d’horreur de ces 10 dernières années, Heretic se vautre sur sa deuxième moitié dans un dédales de situations aussi grotesques que poussives. D’un homme extrêmement habile et patient, Mister Reed devient un vulgaire boogeyman n’ayant plus aucune limite.
Jamais un film de genre de nous avait laissé un tel sentiment partagé avec, d’un côté, une première partie digne d’un essai que l’on pourrait facilement montrer à des étudiants en cinéma, et une seconde qui rebutera sans doute même les afficionados de Saw et autre métrage porn-gore. Peut-être est-il possible d’acheter une demi-place de cinéma et de quitter la salle à l’entracte ?
Texte originellement publié dans la presse romande en novembre 2024.
Où voir le film ?
Heretic est disponible en Blu-ray et DVD chez Le Pacte (distribution Suisse : Rainbow Home Entertainment AG)
Le cinéaste David Fincher revient avec un thriller mettant en scène un serial killer. Mais au lieu de signer un simple long-métrage dans la mouvance de Se7en, ce surdoué décide de se pencher d’avantage sur l’investigation et l’enquête que sur le tueur. Un travail en définitive plus proche des Hommes du Président que du film qui fit sa renommée.
De 1969 à l’aube des années 80, l’affaire du « Tueur du Zodiaque » défrayant la chronique aux Etats-Unis, sans qu’aucun suspect ne soit jamais appréhendé. A coup de provocations par presse interposée et grâce à sa faculté d’échapper aux forces de l’ordre, Zodiac sera à juste titre comparé à Jack l’Eventreur. Le destin de trois hommes en sera d’ailleurs à jamais bouleversé : L’inspecteur David Toschi (Mark Ruffalo), le reporteur Paul Avery (Robert Downey Jr.) et Robert Graysmith (Jake Gyllenhaal), timide dessinateur de presse pour qui cette affaire deviendra une véritable quête personnelle.
David Fincher avait annoncé la couleur dès la préparation de Zodiac, à savoir qu’il ne ferait pas un nouveau Se7en. En effet, difficile retour aux sources pour un cinéaste connu de tous pour avoir réalisé l’un des films de serial killer les plus convaincants des années 90. Ardue donc d’entreprendre une reconstitution minutieuse de l’affaire du Zodiaque, sans que personne ne puisse entreprendre la moindre comparaison avec son long-métrage de 1995.
Intelligent, Fincher décide donc de cibler d’avantage son intrigue sur les principaux protagonistes de la laborieuse enquête que sur le tueur proprement parlé. Ainsi, Zodiac n’est ici qu’une une astuce scénaristique afin de pouvoir faire progresser l’obsession des trois enquêteurs tentant de faire toute la lumière sur l’affaire. A la manière d’Alan J. Pakula avec Les Hommes du Président, David Fincher livre un film d’investigation palpitant, sans jamais verser dans le sordide, pas plus que dans la violence graphique.
Assurément l’un des meilleurs films que l’on ait pu voir depuis le début de la décennie, Zodiac n’est donc pas une œuvre à réserver aux amateurs de sensations fortes. Au contraire : David Fincher parvient à captiver le spectateur de la même manière que le furent les véritables acteurs de cette sordide histoire. A voir impérativement, à condition bien entendu d’aimer être surpris par l’originalité d’un film à gros budget.
Texte originellement publié dans la presse romande en mai 2007.
Où voir le film ?
Comme bientôt tous les films de David Fincher, Zodiac vient de faire peau neuve, grâce à un nouveau master 4K, supervisé par le réalisateur. On est cependant surpris, pour ne pas dire carrément déçu, de ne trouver sur l’édition qui vient d’apparaitre dans nos bacs un disque ne proposant rien dautre que la version cinéma de film en format UHD.
Il peut donc d’avérer plus intéressant d’acquérir une version homologue européenne, ces dernières proposants toutes, en plus des mêmes options de langues et pour un prix comparable, le Blu-ray du film contenant le Director’s Cut du film (5 petites minutes rendant objectivement le métrage encore meilleur) et des heures de bonus réellement passionnantes.
Suite au décès de son ami Frank Chatham dans d’étranges circonstances alors qu’il tentait de venir en aide à une mystérieuse inconnue, Mark Higbie (Tony Franciosa), un détective privé, décide de mener sa propre enquête. Il découvre que Frank fréquentait Leigh Lockwood (Donna Mills), une jeune et jolie veuve, dont la discrète sœur jumelle Laura (Patty Duke Austin) présente un passé bien énigmatique…
Parmi les téléfilms ayant traumatisé une génération de téléspectateurs francophones (car diffusés à une heure de grande écoute), deux cas précis sont restés dans les mémoires : Le triangle du Diable (Satan’s Triangle, 1975) de Sutton Roley et La malédiction de la veuve noire de Dan Curtis. Pas étonnant dès lors que cette œuvre destinée au petit écran ait été reprise au Film de minuit quelques années après sa diffusion sur les chaînes françaises.
Réalisé et produit par Curtis, véritable visionnaire du petit écran responsable d’une poignée de purs chefs-d’œuvre, La malédiction de la veuve noire reprend tous les éléments chers au cinéaste. Ainsi, le fantastique n’est qu’un élément véhiculant une intrigue policière, le tout placé dans un univers contemporain. Comme dans la plupart des précédents téléfilms produits et/ou réalisés par Curtis et dont l’intrigue aborde le surnaturel (The Night Stalker, The Night Strangler, The Norliss Tapes, Scream of the Wolf, Trilogy of Terror), Curse of the Black Widow conserve une belle ambiance typique de la télévision américaine des années 1970, le tout contrebalancé par une pincée d’humour noir.
C’est au niveau du développement de l’intrigue que cette Malédiction pêche quelque peu. Lorgnant autant du côté de Jacques Tourneur (La féline, 1942) que de Robert Aldrich (Mais qu’avez-vous fait à Baby Jane ?, 1962) tout en plagiant quasi ouvertement le partie centrale de Trilogy of Terror, le scénario de Robert Blees (Crapauds, Le retour de l’abominable docteur Phibes) finit par se perdre à force de ne pas prendre parti.
Moins percutant que les autres ouvrages de Dan Curtis scénarisés par Richard Matheson (L’homme qui rétrécit, Le survivant), La malédiction de la veuve noire reste un excellent moment de télévision américaine issu d’une époque aujourd’hui révolue, où l’audace marchait de concert avec une forme noble de traditionalisme.
Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »
Où voir le film ?
Sorti dernièrement en DVD chez LCJ dans la collection Les téléfilms cultes de votre jeunesse (avec une belle faute d’orthographe, « culte » étant un mot invariable), cette exhumation est une semi-bénédiction. Si la master utilisé affiche des signes évidents de vieillesse, on est surtout déçu que le DVD ne propose qu’une version française.
1971 : Charles Carroll, candidat démocrate aux élections présidentielles américaines, est assassiné lors d’une conférence dinatoire par un des serveurs. Ayant conclu à l’acte d’un déséquilibré, la commission d’enquête n’a pas jugé utile de retenir la thèse d’une éventuelle conspiration.
1974 : Lee Carter (Paula Prentiss), journaliste présente lors de l’assassinat de Carroll, est persuadée que les différents témoins de l’affaire se font éliminer méthodiquement et que, de surcroit, sa vie est en danger. Elle fait part de ses craintes à Joe Frady (Warren Beatty), reporter de petite envergure et ex-petit ami, qui ne prête pas grande attention à ses dires. Peu de temps après, Lee est retrouvée morte avec pour cause officielle du décès avancée, un suicide…
Dès l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy, l’Amérique va être en proie aux différentes théories complotistes. Rapidement, le Septième Art va s’engouffrer dans la brèche. Si les sixties laissent déjà émerger quelques perles, notamment grâce à John Frankenheimer (Un crime dans la tête, Sept jours en mai, L’opération diaboloque), les plus beaux fleurons du genre seront produits durant la décennie suivante.
A cause d’un assassinat ouvre les festivités auxquelles se joindront une kyrielle de métrages exceptionnels : de Conversation secrète à Marathon Man, de Capricorn One aux Trois jours du Condor, la quintessence du film de conspiration sera réalisée par le même Alan J. Pakula deux ans plus tard. Les hommes du président, chef-d’œuvre absolu, restant aujourd’hui encore comme l’œuvre ultime au registre « théorie du complot », mais également comme la meilleure représentation du métier de journaliste jamais vue à l’écran.
A cause d’un assassinat a donc en quelque sorte servi de brouillon aux Hommes du président. Mais quel brouillon ! Ouvrant la voie à un sous-genre encore aujourd’hui existant, Alan J. Pakula se permet une réalisation ultra-originale. Utilisant à chaque instant des ellipses de montage, le réalisateur court-circuite maints « passages obligés ». Outre le fait de semer la confusion dans l’esprit du spectateur, l’astuce permet à ce dernier de se glisser dans la peau de Joe Frady perdu dans les dédales d’une affaire qui, bien évidemment, le dépasse et dont il sera le bouc émissaire.
On retiendra également une courte séquence hallucinante et hallucinée : tandis que Frady tente de se faire recruter au sein de la firme qu’il soupçonne d’être responsable de plusieurs attentats politiques, il doit subir une séance d’initiation particulière via un film de propagande. Composé d’images anodines, voire rassurantes, le montage en répétition de la séquence, alternée de mots uniques utilisés de manière anarchique, rend l’ensemble terrifiant et fait basculer le métrage vers un dernier acte totalement paranoïaque : en deux petites minutes, Pakula démontre qu’un simple diaporama astucieusement présenté peut devenir une véritable arme.
Soutenu par une bande originale hypnotique de Michael Small, The Parallax View est un film aussi effrayant que puissant. Un pur chef-d’œuvre qui influencera maints cinéastes. D’ailleurs fort est à parier qu’Henri Verneuil a écrit son film I… comme Icare avec The Parallax View à l’esprit.
Texte extrait du livre « Le film de minuit – 1984-1994 : une décennie de séances culte »
Où voir le film ?
A cause d’un assassinat est disponible en Coffret Ultra Collector Blu-ray+DVD+livre (CUC pour les initiés) chez Carlotta. Une édition Blu-ray simple est également disponible, mais on ne pourra que conseiller à l’aficionados de thrillers paranoïaques 70s à se diriger du côté du coffret, le livre étant de qualité éditoriale exceptionnelle.